Plateau de Fromages pour un machon à la Meunière
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Mons et merveilles : Hervé Mons, fromager-affineur près de Lyon

“Éminence grise du fromage”, comme la presse étrangère le surnomme, Hervé Mons est considéré comme l’un des plus talentueux et l’un des plus avant-gardistes affineurs qui soit. Meilleur ouvrier de France fromager, sa petite entreprise (qui ne connaît pas la crise) est la plus grande exportatrice de fromages artisanaux du pays. Défenseur des moisissures, “car si on est encore vivant, c’est grâce aux microbes”, le fromager de Saint-Haon-le-Châtel, dans le Roannais, qui ne se revendique ni anti-industriels ni pro lait cru, l’important étant de “faire bon”, déplore le tout-hygiène, appelle à réinventer l’agriculture française “qui fait fausse route en voulant cultiver comme dans le Middle West”, rêve d’un système social dans lequel tout le monde se retrouverait. Un peu comme avec le fromage “qui rapproche les gens plus qu’il ne les pousse au conflit”. Un drôle d’oiseau, davantage maître Renard que maître Corbeau.

Hervé Mons, fromager-affineur : "Quand je vois ton frigo et ce qu'il y a à l'intérieur, je commence à savoir qui tu es." © Antoine Merlet Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ? Hervé Mons : Sûrement (rires). Ça m’arrive de temps en temps. Je pense que lorsqu’on a des choses qui nous contrarient, on a beau gérer nos émotions, il y a un moment, on s’exprime un peu à voix haute. Quand on est affineur – qui plus est quand on est le plus gros exportateur français de fromages artisanaux de France –, qu’est-ce qu’il faut porter à voix haute ? Il faut défendre ce patrimoine, expliquer les valeurs liées à des produits à base de lait cru. Je ne suis pas forcément dans cette tendance bobo de vouloir faire du bio à tout prix, mais il faut essayer de faire des produits sains en y mettant la meilleure énergie possible. Nos clients étrangers sont curieux de notre histoire, de notre culture gastronomique. C’est cette culture qu’il nous faut préserver impérativement et surtout produire une qualité sans faille. Il y a dix ans, Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, avait interpelé le ministre italien de l’Agriculture : “Nous mangeons de la viande crue, du poisson cru. Pourquoi ne pourrions-nous pas consommer du lait cru ?” C’est inspirant pour vous ? Carlo Petrini est un ami, je fais partie de Slow Food depuis 1989, on a participé à tous les Cheese [le plus grand événement international dédié aux fromages au lait cru et aux produits laitiers, à Bra, en Italie, NdlR]. Nos amis italiens sont parfois plus grandes gueules que nous quand il s’agit de dire les choses. En France, je ne sais pas ce qu’on a fait au monde législatif et sanitaire mais dès qu’il y a un problème, c’est toujours sur le lait que ça tombe. C’est de la connerie ! Nous, on n’est pas des hommes de science, on a appris beaucoup de choses de manière empirique, donc quand il faut parler santé, on se retrouve devant la caste de la médecine. Et là, on n’est pas entendu. À force de vouloir s’immuniser contre tout, on se fragilise ! L’hygiène reste indispensable pour maîtriser les risques potentiels mais il faut avoir une hygiène raisonnée. Ce n’est pas bien compliqué à comprendre : si on est encore vivant sur cette planète, c’est grâce aux microbes, les bons bien sûr. Nous, dans notre métier, on dit toujours qu’on cultive du champignon et de la moisissure. Mais oui, il vaut mieux se régaler avec un cèpe qu’avec une amanite phalloïde…

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