Libye : le patron d’Interpol au cœur d’un conflit d’intérêts

Début août, Mediapart a révélé que le secrétaire général d’Interpol, Ronald Noble, a introduit son avocat personnel dans un projet de “task force” en Libye. De nouvelles informations qui s’ajoutent à la liste des conflits d’intérêts déjà publiés par Lyon Capitale.

Que vient faire l’avocat privé du patron d’Interpol dans l’équipe censée récupérer les avoirs de Kadhafi en Libye ? C’est la question que s’est posée Mediapart dans une vaste enquête publiée le 1er août.

Depuis plusieurs mois, l’organisation mondiale de police basée à Lyon s’efforce de constituer une “task force”, en partenariat avec les autorités libyennes, afin de récupérer l’immense fortune du clan Kadhafi. L’enjeu est colossal : le dictateur déchu aurait dissimulé entre 80 et 200 milliards d’euros d’avoirs à travers le monde.

Colosse américain et “poids plume” parisien

Dans cette chasse au trésor internationale, plusieurs sociétés privées se sont mises sur les rangs : les Américains de Command Global Services (CGS), entreprise reconnue, et, plus surprenant, le cabinet d’avocats spécialisé en droit des affaires et assurances Trillat & Associés. Composé de quatre associés, le cabinet parisien serait un “poids plume”, selon Mediapart, comparé au colosse américain CGS dirigé par une ancienne conseillère de l’administration Bush. Mais le journal en ligne révèle surtout que Me Trillat n’est autre que l’avocat personnel de Ronald Noble, l’actuel secrétaire général d’Interpol, notamment en charge de son divorce.

“Je te soumets en priorité”

“M. Noble n’a pas “choisi le cabinet Trillat” (...), c’est au contraire le cabinet Trillat qui est venu à la rencontre de M. Noble parce qu’il disposait de certaines informations, en lui demandant comment en faire le meilleur usage”, se défend le secrétariat général d’Interpol, dans une réponse à Mediapart. Mais le site d’investigation en ligne a pu consulter une étonnante correspondance par mail entre Joël Sollier, directeur juridique d’Interpol, et Me Pascal Trillat. Des échanges qui prouvent un favoritisme de la direction d’Interpol pour le cabinet d’avocats français.

Le 24 décembre 2012, Joël Sollier transfère à Me Trillat un mail du président du comité libyen de recouvrement des avoirs, destiné uniquement à Interpol. Le 10 avril dernier, le directeur juridique envoie le projet de “task force” à l’avocat parisien avant les Américains de CGS. “Je te soumets en priorité”, précise Joël Sollier, qui s’était déjà rendu, selon Mediapart, dans la villa de l’avocat à Saint-Tropez en décembre. Et le directeur juridique d’ajouter, dans un mail du 16 avril : “Je te communiquerai le pourcentage [de commission] acceptable à mentionner dans la convention dès que mes correspondants me donneront les indications demandées.”

Charte d’éthique

Une nouvelle affaire de conflit d’intérêts, dont Interpol commence à être coutumier, après les informations de Lyon Capitale sur le financement de l’organisation par Philip Morris, l’industrie pharmaceutique et la Fifa. Dans le manuel interne du personnel d’Interpol, que nous avons pu nous procurer, le secrétaire général d’Interpol a pourtant signé une charte d’éthique : “Je jure solennellement d’exercer en toute loyauté, discrétion et conscience les fonctions que l’on m’a confiées comme secrétaire général d’Interpol, de remplir ces fonctions et de réguler ma conduite avec seuls les intérêts de l’organisation en vue, et de ne pas chercher ou accepter d’instruction d’aucuns gouvernements ou autorités externes à l’organisation.”

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Lyon Capitale continue son enquête sur Interpol. Dans le numéro de septembre : Interpol à Singapour – pourquoi, comment et surtout grâce à qui l’organisation internationale va installer dans cet État autoritaire un second siège officieux, réactions et craintes à Lyon et à Paris.

Lyon Capitale n° 725 (septembre 2013) est en vente en kiosques depuis le 30 août, et dans notre boutique en ligne.

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