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© Alexis Boyer

Les responsables musulmans réunis contre la radicalisation

Plus de 200 personnes, en majorité des imams et des aumôniers musulmans, se sont réunies samedi à Lyon pour un colloque sur la radicalisation. L’objectif : prendre conscience du phénomène pour pouvoir l’enrayer.

"Il faut se pencher sur le problème de la radicalisation. Les musulmans l'ont trop longtemps sous-estimé", a déclaré Mohamed Bousekri, président régional du Rassemblement des musulmans de France (RMF). Première étape de cette prise de conscience, plus de 200 personnes se sont réunies, ce samedi 24 janvier à Lyon, pour un colloque sur la radicalisation. Une assemblée prévue de longue date, mais dont les attentats de Paris début janvier ont souligné la brûlante actualité. "L’objectif est de surtout toucher les jeunes", ajoute Mohamed Bousekri.

“L’islam est le nouvel anti-impérialisme”

Pour la jeunesse, on repassera. Dans le public se distinguent surtout des responsables religieux et associatifs. Des cadres musulmans, souvent plus proches de l'islam traditionnel des parents que de l'islam de ces jeunes concernés par la radicalisation. Conséquence, les participants ont surtout cherché à comprendre les sources d'un tel phénomène : sentiment de subir des injustices, impossibilité de donner un sens positif à sa vie et surtout ignorance des textes coraniques.

L'idéologie religieuse radicale ne vient jouer qu'un rôle de "détonateur". "La religion n'est souvent qu'un prétexte pour ces jeunes pour légitimer une violence accumulée ailleurs, estime ainsi la sociologue Ouisa Kies. L'islam apparaît pour des jeunes en échec, qui se jugent exclus et discriminés, comme le nouvel anti-impérialisme, la religion de ceux qui sont opprimés."

“Beaucoup d’imams ne savent pas comment vivent les gens”

La question se pose particulièrement pour les prisons où, selon les statistiques de la direction pénitentiaire, l'islam serait la religion la plus répandue. La prison a focalisé les tensions ces derniers jours, deux des trois auteurs des attentats de Paris y étant passés.

Mais le sociologue Moussa Khedimellah nuance : "On assiste surtout dans ces lieux à une désinsertion sociale et à une sur-radicalisation. (…) Il y a une porosité entre la cité et la prison, la radicalisation de l'une est la radicalisation de l'autre." Sa collègue Ouisa Kies complète : "Les détenus doivent faire face en prison à la surpopulation, à une frustration et à un désœuvrement qui facilitent le retour au religieux et, dans quelques cas, la radicalisation."

Les causes sont connues, mais les moyens de lutte paraissent parfois plus flous. Amine Nejdi, imam à Nancy et président du conseil régional du culte musulman de Lorraine, tente de lister les problèmes à résoudre pour les responsables musulmans : vocation parfois déterminée par l'argent, vieillissement des cadres et parfois connaissance imparfaite des textes. Surtout, les imams sont trop souvent éloignés de la réalité de cette jeunesse : "Beaucoup d'imams ne sortent pas de leur mosquée, ne savent pas comment vivent les gens", ajoute-t-il.

“Utiliser les textes”

Face à une jeunesse en cours de radicalisation, "il est vain, estime Amine Nejdi, de raisonner avec des arguments purement rationnels, il faut utiliser les textes" : "Par exemple, il n'y a pas de texte explicite dans le Coran qui justifie le meurtre de ceux qui insultent le Prophète. Les fatwas [avis juridiques, dans la loi islamique, NdlR] qui le font se basent sur des hadiths [paroles de Mahomet] qu'on peut contester ou comprendre autrement. Il faut remettre dans leur contexte ces fatwas : celui d'un Etat islamique souverain, émis par des personnels de ces Etats."

Et que faire des salafistes, dont le rigorisme moral ne signifie pas forcément passage à l'acte violent ? "Beaucoup d'imams se satisfont de les expulser, mais ce n'est que repousser le problème", estime Amine Nejdi. "L'idéal est de leur laisser la mosquée ouverte mais de contrer la lecture qu'ils font du Coran", renchérit Mohamed Bousekri.

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