Les grandes écoles lyonnaises hostiles aux quotas de boursiers

La Conférence des grandes écoles refuse d'instaurer un seuil minimum de boursiers dans leurs établissements : les prestigieuses formations lyonnaises aussi. Chacune défend son dispositif. EM-Lyon, INSA, ENS, Sciences-Po, ESDES : nous avons interrogé les principales institutions sur leurs frais de scolarité, leur taux de boursiers et leur politique sociale. Revue de détail.

Leur imposer 30% de boursiers par promotion, ça leur donne des boutons. Les grandes écoles craignent que cet objectif, fixé par le ministère de l'enseignement supérieur, ne se traduise par un système de quotas à l'entrée de leur prestigieuse maison. Lequel système provoquerait, selon la Conférence des grandes écoles, la baisse de niveau de leur diplôme.

"Comment peut-on dans la société contemporaine être aussi réactionnaire ?", s'étranglent, indignés, Alain Minc et François Pinault, dans une tribune de ce jour, dans Le Monde. "Comment ne pas comprendre que l'équilibre de la société passe par le rétablissement de la promotion sociale et qu'à cette aune-là, le respect absolu des modes de recrutement traditionnels est suicidaire ?".

30,6% de boursiers à l'INSA

Nous avons interrogé nos grandes écoles lyonnaises (toutes ne faisant pas partie de la Conférence des grandes écoles). Seul l'INSA atteint déjà cet objectif, avec 30,6% des effectifs nationaux (26% en comptant les étrangers). Les autres sont à la traîne : 21% à l'Ecole normale supérieure (ENS), 20% à Sciences-Po Lyon, 15% à l'Ecole de management de Lyon (EM) et 9% à l'ESDES (Université catholique de Lyon).

Il faut noter que certaines opèrent sans le vouloir une véritable sélection par l'argent : les intégrer coûte cher : 9 000 euros à l'Ecole de Management, 6 600 euros à l'ESDES, 700 euros pour Sciences-Po Lyon, 657 euros pour l'INSA. A l'ENS, ce sont au contraire la majorité des étudiants qui sont payés puisqu'ils sont pour la plupart des stagiaires de la Fonction publique. Certaines pratiquent toutefois un tarif réduit pour les étudiants boursiers (voir ci-dessous), voire les en exonère comme Sciences-Po et l'INSA.

"Les quotas, c'est délicat"

Toutes ces écoles sont favorables à l'objectif d'une mixité sociale, aucune ne veut pourtant mettre en place un dispositif de quotas pour y parvenir. "Les quotas, c'est délicat", résume Christian Bérard, directeur de l'ESDES. "Cela revient à introduire un biais entre les étudiants qui sont théoriquement sur un pied d'égalité. Le risque, c'est l'entrée au rabais pour ceux qui bénéficient de voies d'accès particulières", estime cet enfant d'ouvrier qui a réussi Sciences-Po. "Ceux qui bénéficieraient de ces politiques pourraient en pâtir plus tard car ils seraient entrés par la petite porte", développe Jacques Samarut, président de l'ENS.

"Pourquoi ne pas instaurer aussi des critères sur le nombre d'étudiants étrangers ou sur les étudiants issus de la région où se situe l'école ?", s'interroge Patrice Houdayer, directeur général délégué de l'EM-Lyon. "Aujourd'hui nous parlons de boursiers mais nous pourrions vite basculer vers d'autres critères comme la couleur de peau", s'inquiète Jacques Samarut. "Ce serait complètement irréaliste de vouloir appliquer ces quotas dès la rentrée prochaine et ça pourrait avoir une influence sur le niveau de la formation", affirme Alain Storck, directeur de l'INSA, membre de la conférence des grandes écoles. La plupart préfèrent, à l'instar de Gilles Pollet, directeur de Sciences-Po Lyon, des aides aux lycéens défavorisés afin qu'ils réussissent les concours d'entrée. Voici les différents dispositifs qu'ils ont mis en oeuvre pour favoriser la mixité.

L'INSA

Seuls les étudiants français non boursier et les étudiants étrangers paient leur scolarité. "Depuis décembre, nous avons créé un centre de diversité et de réussite afin de se doter d'une politique globale en matière d'égalité des chances", ajoute Alain Storck.

L'Ecole normale supérieure (ENS)

L'ENS est partenaire du dispositif "Multi-campus multi-quartier" proposant un tutorat à cinq lycées en difficulté de l'agglomération (lire ci-contre). A la rentrée 2010, une classe passerelle va être ouverte : elle accueillera les bacheliers méritants afin de les aider à intégrer une prépa, soit en 1ere, soit en 2e année. "Ils seront choisis en fonction de leurs résultats au bac, de l'évaluation par l'équipe pédagogique qui les aura suivis tout au long de leur scolarité, mais surtout selon leur motivation", précise Jacques Samarut. Par ailleurs, les frais de concours sont gratuits.

L'institut d'Etudes Politiques de Lyon (Sciences-Po)

Sciences-Po a noué un partenariat avec 28 lycées défavorisés de la région afin d'accompagner les élèves en vue du concours d'entrée. "Pour l'examen d'entrée, nous avons aussi fait le choix d'une épreuve de langue écrite et non orale, cette dernière étant plus discriminatoire dans la mesure où les élèves n'ont pas tous la chance de faire des séjours à l'étranger pendant les vacances", confie Gilles Pollet. De plus, les boursiers jouissent d'un tarif réduit pour s'inscrire à l'épreuve, 60 au lieu de 180 euros.

L'Ecole de management de Lyon (EM)

Le concours d'entrée est gratuit pour les boursiers à l'EM-Lyon. En intégrant les bourses de la Région, celles de pays tiers pour les étrangers, celles qu'accorde l'EM-Lyon à certains étudiants ainsi que celles octroyées par des entreprises partenaires, l'école compte 1200 boursiers pour 3000 étudiants. Mais le montant des aides est variable. Enfin l'EM est partenaire du dispositif "Multi-campus multi-quartier (lire ci-contre).

L'ESDES (Université catholique)

"Ce que l'on fait pour plus de diversité sociale ? Pas grand chose", avoue avec honnêteté Christian Bérard. L'ESDES consent toutefois une réduction de 30% de ses frais de scolarité pour les jeunes en difficulté (la mesure touche 150 étudiants sur 1000). Une bourse d'excellence est également attribuée aux élèves les plus brillants qui peinent à financer leurs études. L'intégralité de leur scolarité est prise en charge. Mais ce dispositif ne concerne que 9 étudiants au total. D'autres pistes sont envisagées à l'avenir.

Lire aussi : Un tutorat de prestige pour les jeunes défavorisés

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