Thierry Mueth

Le photovoltaïque mange les pissenlits par la racine

Coûts de production trop élevés, politique gouvernementale illisible et tous azimuts, concurrence chinoise dévastatrice... L’énergie solaire photovoltaïque est au bord de la faillite.

“L’État a géré n’importe comment le solaire !” Thierry Mueth, le président du Syndicat des professionnels de l’énergie solaire, en a ras les Ray-Ban. La filière solaire photovoltaïque (panneaux qui transforment la lumière du soleil en électricité) est au point mort, “atone”, “moribonde”. À la limite du krach. Et ce ne sont pas les non-annonces de François Hollande le 20 septembre, en ouverture de la conférence environnementale, qui changeront l’état d’esprit. “Il nous faut une feuille de route, gronde Thierry Mueth. Sinon...” Sinon, c’est l’effondrement complet de la filière.

Politique du “stop and go” et boudin d’andouille

Déjà, en juillet, la Cour des comptes avait émis des remarques – “L’État n’a pas su adapter son organisation, ce qui nuit à la visibilité et au pilotage d’ensemble” –, recommandant de “réviser (...) le niveau de soutien à cette filière (...) de façon à aboutir à moyen terme à un fonctionnement normal du marché, sans aide publique*”.

Retour en 2006. L’État engage une politique audacieuse basée sur des tarifs avantageux pour l’achat de l’électricité produite à partir des panneaux photovoltaïques. La croissance est fulgurante. Les volumes augmentent. En quatre ans, le nombre d’emplois explose (+2 100 %), passant de 1 390 à 31 550. Problème : en parallèle, la France rate le coche de la dimension industrielle, qui aurait permis de réaliser des économies d’échelle et de rendre les techniques plus performantes. Les tarifs sont trop élevés. L’écart entre le tarif d’achat de l’électricité et le coût de revient des panneaux se creuse dans des proportions abyssales (à tel point qu’aujourd’hui l’activité de production des panneaux photovoltaïques n’est pas viable, le coût de fabrication des panneaux étant 60 % plus élevé que leur prix de vente**).

En 2010, la filière doit faire face à une bulle spéculative (tarifs de rachat avantageux, baisse des coûts, hausse des projets à faible valeur ajoutée). Fin 2010, un moratoire gèle le tarif de rachat de l’électricité d’origine photovoltaïque. En 2011 et 2012, ce même tarif de rachat diminue, tout comme les subventions et les crédits d’impôt. Entre 5 000 et 7 000 emplois disparaissent. En gros, la politique de soutien du Gouvernement est claire comme du boudin d’andouille.

Péril chinois

Dans le même temps, le gouvernement chinois mène une politique agressive, entretenant une surcapacité massive de production qui permet à ses entreprises d’exporter à bas coût. Cette surproduction tire les prix vers le bas. Les échanges commerciaux internationaux sont bouleversés, et les Européens littéralement asphyxiés par la concurrence chinoise. Des acteurs majeurs déposent le bilan. Bruxelles menace de surtaxer les panneaux chinois (80 % des panneaux solaires installés en 2012 en Europe viennent de Chine). Pékin réplique en menaçant de surtaxer les vins européens (français pour les trois quarts).

Fin juillet, un accord est trouvé : les industriels chinois s’engagent à respecter un prix plancher et à réduire leur part du marché européen. Malgré cela, la production française reste insignifiante comparée aux leaders mondiaux, notamment chinois. La France doit donc importer en masse, avec pour conséquence de creuser le déficit de la balance commerciale du photovoltaïque français, estimé à près de 1,35 milliard d’euros.

Rhône-Alpes souffre et résiste

En Rhône-Alpes, l’énergie solaire est au milieu du gué. Une entreprise comme Photowatt, en Isère, pionnière et leader du photovoltaïque en France, est (encore) rachetée. Le site de production ultramoderne de Bosch, à Vénissieux, ferme. Plus globalement, de nombreuses entreprises ont recours au chômage partiel ou connaissent des diminutions drastiques d’effectifs. Dans le même temps, en début d’année, deux nouveaux bâtiments de recherche ont été inaugurés par l’Institut national de l’énergie solaire (Ines), au Bourget-du-Lac, en Savoie. Et Rhône-Alpes reste la région française qui compte le plus grand nombre d’installations photovoltaïques (13 % du total). Elle est aussi la seule à posséder l’ensemble de la chaîne de valeur : centre de recherche international (Ines), leaders nationaux (notamment Photowatt), pôles de compétitivité (Tenerrdis, cluster Éco-énergies). Selon le Syndicat des énergies renouvelables, 40 % des industriels français travaillant dans le photovoltaïque sont encore installés en Rhône-Alpes.

Le solaire, comme le nucléaire, est une affaire de long terme. “Il serait de bon ton qu’on annonce des choses rapidement”, conclut Thierry Mueth.

* “La politique de développement des énergies renouvelables”, rapport de la Cour des comptes, juillet 2013.

** Panorama des cleantech en France en 2013, Green Univers.

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Cet article est extrait de Lyon Capitale-le mensuel n°726 (oct. 2013)

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