Patrick Grosperrin, préparateur et coach mental, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Une récente étude indique que la souffrance au travail touche 53 % des salariés, en augmentation de 13 points par rapport à l’année précédente. 62 % souffrent d’épuisement physique (+ 11 points) et 47 % se disent mentalement désengagés (+9 points), exprimant souvent une volonté de quitter leur poste.
Selon le Pr Irène Margaritis, cheffe de l'unité d'évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire), "c'est l’organisation même de nos modes de vies qui est à revoir, que ce soit dans l’espace public, en laissant davantage de place aux mobilités actives comme le vélo ou la marche, ou sur le lieu de travail, en favorisant la pratique sportive et en limitant les temps de sédentarité, ou encore dans le système scolaire en augmentant l’espace et le temps dédiés aux activités physiques et sportives."
La sédentarité, c'est le temps passé, assis ou allongé, sans autre activité physique, donc caractérisé par une faible dépense d'énergie.
Les pouvoirs publics ont tiré la sonnette d'alarme sur cette "priorité de santé publique" (seuls 5% des adultes ont une activité physique suffisante pour être protectrice et plus d'1/3 tiers des adultes cumulent un niveau de sédentarité élevé et une activité physique insuffisante), notamment en ce qui concerne ses conséquences au travail.
"Et on peut même parler d'hyper-sédentarité, reconnaît Patrick Grosperrin, coach et prépareteur mental depuis plus de vingt-cinq ans à Lyon. puisque avec la multiplication des écrans — ordinateur professionnel, ordinateur personnel, télévision, téléphone, console de jeu —, on en est arrivé à passer entre 8 et 14 heures assis ou immobile par jour, sur 16 heures d'éveil. On peut parler d'un fléau, le fléau des années 2020."
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La retranscription intégrale de l'entretien avec Patrick Grosperrin
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous accueillons aujourd'hui Patrick Grosperin. Bonjour.
Bonjour Guillaume.
Patrick Grosperrin, vous êtes préparateur mental. Très rapidement, vous avez participé à la conquête de trois titres olympiques : Galfione, or à la perche à Atlanta en 1996, Jean-Luc Crétier, or en descente à Nagano en 1998, et Philippe Rozier, or en équitation par équipe à Rio en 2016, ainsi que de nombreux autres résultats internationaux. Mais aujourd'hui, nous allons parler de sédentarité. Si je prends la définition, c'est le temps passé assis ou allongé sans autre activité physique, donc caractérisé par une faible dépense d'énergie. Les pouvoirs publics ont tiré la sonnette d'alarme sur la sédentarité, notamment en ce qui concerne ses conséquences au travail. La définition est-elle correcte ?
Oui, et on peut même parler d'hyper-sédentarité, puisque avec la multiplication des écrans — ordinateur professionnel, ordinateur personnel, télévision, téléphone, console de jeu —, on en est arrivé à passer entre 8 et 14 heures assis ou immobile par jour, sur 16 heures d'éveil. On peut parler d'un fléau.
Cela concerne qui ? Un Français sur deux ? Trois Français sur dix ? Lorsqu'on est assis plus de huit heures par jour ?
Cela dépend des métiers. Quelqu’un qui travaille dans le bâtiment ou qui fait des livraisons bouge beaucoup plus. Mais il y a de plus en plus de métiers où l'on est assis une grande partie de la journée.
Nous allons faire le lien avec la souffrance au travail. Une récente étude, qui date d’un an, indique que la souffrance au travail touche 53 % des salariés, soit une augmentation de 13 points par rapport à l’année précédente. 62 % souffrent d’épuisement physique, soit 11 points de plus. Finalement, l’hyper-sédentarité dont vous parliez détruit le moral des salariés, n’est-ce pas ?
Oui, ce sont les médecins qui le disent, ce sont des études scientifiques. Nous n'inventons rien. On connaît les dégâts de l’hyper-sédentarité sur le physique — la prise de poids et différentes pathologies — mais ce que l’on sait moins, c’est l’impact sur la santé mentale.
Justement, expliquez-nous l’impact sur la santé mentale...
Il se trouve que le fait de bouger nous amène à produire différentes substances qui sont indispensables à la circulation de l'information dans notre cerveau et à ressentir de l’énergie — mentale et physique. Moins on bouge, plus on a paradoxalement une sensation de fatigue. Ce n’est pas une véritable fatigue, mais lorsqu’on a marché 10 kilomètres ou fait une grande balade, le soir, on s'endort profondément. En revanche, avec une faible activité physique, on dort moins bien, on se réveille fatigué, on manque d’énergie pendant la journée, tout devient difficile. Cela se répercute sur l'ensemble de nos activités, y compris le travail.
Dans le travail, c’est ce que l’on disait : 53 % des salariés souffrent. Finalement, les conséquences de cette hyper-sédentarité sont encore assez méconnues, n’est-ce pas ?
Oui, on constate que cela devient de plus en plus difficile dans le monde du travail, malgré les outils modernes.
Le télétravail arrive en masse.
Justement, c’est un peu paradoxal. Les conditions de travail se sont plutôt améliorées ces dernières années : les 35 heures, le télétravail, l’accès aux formations, un cadre de travail souvent agréable. Pourtant, les salariés se sentent moins bien. C’est vrai. J’ai commencé ma carrière il y a plusieurs décennies, dans une grande entreprise. Globalement, les conditions de travail sont bonnes, et les entreprises font beaucoup d'efforts pour leurs salariés.
Paradoxalement, les employés souffrent davantage.
Paradoxalement, ils se sentent plus fatigués et moins bien dans l’entreprise, que ce soit par rapport à l’ambiance ou à ce qui s’y passe.
L'ANSES, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, signalait il y a un an que seulement 5 % des adultes ont une activité physique suffisante pour être protectrice. Est-ce que, finalement, le fléau des années 2020, c’est la chaise ?
Oui. On peut parler de fléau. C’est une véritable épidémie.
Les pouvoirs publics tirent la sonnette d’alarme. C’est vraiment un enjeu de santé publique. Maintenant que l’on a établi ce diagnostic, quelles sont les solutions ?
Les entreprises, qui sans le vouloir font asseoir leurs salariés entre 6 et 10 heures par jour — en incluant le travail, les transports et les repas —, doivent chercher à éviter que les gens se sentent de plus en plus mal. Cela entraîne des difficultés : baisse de productivité, qualité moindre, ambiance détériorée, absentéisme en hausse. Une des solutions, que nous proposons avec Sport Santé Conseil, est de réfléchir à ce que l'on peut mettre en place, en partie sur le temps de travail, pour permettre à un maximum de salariés d’avoir une activité physique protectrice, comme vous l'avez dit. Certains diront que chacun doit se prendre en main. Les messages d’alerte existent depuis 20 ans.