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Fin du diesel à Lyon : débats vifs à la métropole autour de l'extension de la ZFE

La métropole de Lyon a voté ce lundi la mise en place d'une ZFE plus stricte à partir de 2022 pour les véhicules particuliers Crit'Air 5 et non-classés. Une large concertation va être par ailleurs engagée pour déterminer le calendrier de la sortie du diesel et des véhicules Crit'Air 4, 3 et 2 d'ici 2026. Les débats sur le sujet ont été animés, mettant en balance la nécessaire réduction de la pollution dans l’agglomération, l'efficacité de la ZFE mais surtout son acceptabilité sociale. 

Les élus métropolitains ont adopté ce lundi 15 mars sous l'impulsion de l'exécutif écologiste une délibération interdisant les véhicules particuliers Crit'Air 5 et non classée dès 2022 dans le périmètre de la zone à faibles émissions qui sera ainsi renforcée. Un texte adopté à 77 voix pour,  53 contre et 20 abstentions qui n'a pas fait l'unanimité au sein de la majorité puisque les groupes La France insoumise et communistes se sont abstenus. Concrètement, les élus ont voté l'interdiction dans un premier temps des véhicules particuliers Crit'Air 5 et non classés dès 2022, soit environ 4% des véhicules particuliers. Cette mise en place sera précédée d'une concertation qui débutera dès ce printemps.

Par la suite, d'ici un an, les élus écologistes interdiront progressivement les véhicules classés Crit'Air 4, 3 et 2 entre 2023 et 2026 selon un calendrier défini lors de la concertation. Cette dernière servira aussi à déterminer quel devra être le périmètre de cette ZFE qui ne comprend actuellement que les villes de Lyon, Villeurbanne, Caluire-et-Cuire, une partie de Bron et de Vénissieux. L'objectif affiché est bien de sortir les véhicules diesel de la ZFE en 2026. À cette date, seuls 73,4% des véhicules qui circulaient en 2020 seront encore admis dans le périmètre de la ZFE.

“Vous n'êtes pas seulement le président des vélotaffeurs”

Lors de débats qui ont duré pas loin de 3h, les élus ont fait attendre plusieurs critiques, avec pour principale inquiétude les impacts sociaux que pourrait avoir cette ZFE. “Vous n'êtes pas seulement le président des vélotaffeurs, mais aussi celui des ménages dont l'usage de la voiture est une nécessité et qui n'ont pas les moyens de changer de voiture dans les mois. Vous mettez en place un système punitif qui ne tient pas en compte de la justice sociale”, a lâché l'élu centriste Pierre Chambon. “Cette délibération présente le risque de braquer une partie de la population et ne permettra pas d'atteindre les objectifs de dépollution que nous partageons pourtant”, a abondé l'élu Insoumis Laurent Legendre pour qui il est “écologiquement aberrant de mettre à la casse des véhicules en bon état de marche”. 

Même discours du côté de l'élu communiste Pierre-Alain Millet. “On ne peut considérer l'utilisation d'un véhicule Crit'Air 2 comme une incivilité ou un délit”, a-t-il débuté pointant du doigt une inégalité de classe face à l'automobile. “À Albigny, Charbonnière, Collonges ou Tassin, le nombre de véhicules Crit'Air 2 a déjà commencé à baisser en 2020 au profit des Crit'Air 1, c'est-à-dire des SUV hybrides chers. Mais dans le reste de la métropole, ce nombre de Crit'Air 2 continue d'augmenter”, a déclaré l'élu vénissian. Et d'ajouter : “Soyons clair, ce sont biens les milieux populaires qui ont le plus besoin d'amélioration de la qualité de l'air. Nous soutenons les politiques publique d'amélioration de la qualité de l'air au nom de ces quartiers populaires. Mais il faut prendre en compte le bilan coût/avantage. On ne peut pas se trouver dans une situation ou des dizaines de milliers d'habitants se retrouveraient interdits de véhicules ou confrontés a des milliers de PV. Ainsi délibérer sur une interdiction des Crit'Air 2 en 2026 est prématuré.”

Au centre, Christophe Geourjon a lui qualifié la ZFE élargie des Verts “d'outil pour réaliser une obsolescence réglementaire des véhicules en forçant le renouvellement de près de 80% du parc auto”. “Nous ne partageons pas votre volonté d'un entre-soi confortable”, a-t-il critiqué avant de demander le déplacement de l'échéance du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2023 pour les Crit’Air 5. Un amendant finalement refusé. 

Max Weber roulait-il au diesel ?

David Kimelfeld, l'ancien président de la métropole, qui a été à l'origine de la mise en place du premier cadre de la ZFE, a filé une métaphore dans la même veine que ses homologues refusant de voter “une mesure qui frappera les plus modestes qui n'ont pas d'alternative à la voiture individuelle.” Reprenant les propos de Jean-Charles Kohlhaas qui a déclaré vendredi dernier qu'il fallait “sortir de l'addiction à la voiture”, l'élu Les Progressistes a lui estimé que les Lyonnais “ne sont pas des gens addicts à la voiture qu'il faudrait soigner ou dresser. Non ce sont des gens qui ont besoin de leur voiture et qui devront attendre 5 ou 6 ans un transport en commun régulier”.

Et de conclure en paraphrasant Max Weber (et en se plaçant volontiers du bon côté de la formule) : “Il y a une différence entre l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité. D'un côté, le militant qui se donne bonne conscience dans un langage quasi religieux sans se préoccuper des conséquences. De l’autre, le politique qui veut changer le monde en prenant en compte la pluralité des habitants et en se préoccupant des conséquences de ces actes.”

Les élus Les Républicains, ont eux aussi critiqué le projet des écologistes. “Votre majorité ne souhaite pas aider les propriétaires à changer de véhicules. En définitive, vous prenez la question de la santé publique comme alibi. La volonté réelle est de diminuer drastiquement le nombre de voitures surtout dans l’hypercentre et d’empêcher les habitants de la périphérie de s’y rendre en voiture par une remise en cause de la liberté fondamentale d’aller et venir : « chacun chez soi », voilà le vrai crédo de cette majorité”, a estimé Pascal Charmot. 

L’opposition dans une “zone à fort opportunisme” ?

Face à ces critiques nourries, Jean-Charles Kohlhaas a assumé “un changement de culture politique” et la volonté de donner un cap d'ici 2026 en indiquant qu'il ne faut plus acheter de véhicules diesel. “Vous parlez de zone à forte exclusion, j'ai le sentiment que vous entrez dans une zone à fort opportunisme. Voir même dans un certain populisme. Vous avez mis en place une zone à faible efficacité peu opérante lors de votre mandat”, a-t-il notamment répondu à David Kimelfeld. Et d'ajouter : “Aujourd’hui, la voiture occupe plus de 80% de l’espace public pour moins de 50% des déplacements. Sur les 510 000 foyers de la métropole, 170 000 n'ont pas de voiture. Ainsi, ce sont les mêmes personnes qui sont touchées par la pollution et qui cumulent de ne pas avoir de voiture et donc cette “liberté fondamentale” de se déplacer en voiture comme vous le dites.”  Concernant les véhicules achetés récemment (entre 2017 et 2021) et qui sont Crit'Air 2 des “dérogations pourraient être envisagées”, a-t-il indiqué. 

Dans le sillage de son adjoint, Bruno Bernard a estimé “qu'il y a d’un côté l'exécutif qui souhaite avancer vite et réellement et des groupes qui avancent des raisons pour avancer moins vite ou pour ne pas faire”. “L’ensemble de la majorité souhaite que cette ZFE se fasse dans la justice sociale”, a-t-il assuré expliquant que ce sera “l'objectif de la concertation de trouver des solutions pour que chaque personne puisse continuer de travailler tous les jours à Lyon. Cela pourra se faire par du transport en commun ou des dérogations.” “Tous les sujets sont ouverts”, a conclu le président de la métropole.

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