Des nourrissons sous haute surveillance à Givors

Un service gratuit et sans obligation qui suscite engouement chez les parents, mais aussi interrogations de la part du CNIL, Commission nationale de l'information et des libertés. Reportage.

Chambre 212, à la maternité de Givors, Isabelle vient de terminer de donner le sein à sa petite Melinda, née il y tout juste deux jours. Allongé sur le lit, engoncé entre les jambes de sa mère, le nouveau né remue quelque peu les jambes. Si ce n'est quelques cris épars, rien ne semble venir perturber l'oisiveté du nourrisson. Pas même le bracelet électromagnétique accroché à sa jambe depuis sa naissance.

Le nom de ce dispositif : la géolocalisation. Installée il y a tout juste un an à Givors, la surveillance électronique permet de localiser les nouveaux nés à tout instant dans l'enceinte de l'hôpital. Dès qu'un bébé franchit le périmètre de sécurité, une alarme retentit dans le bureau des sages femmes. De retour dans

la chambre individuelle 212, Isabelle avoue que sa peur principale pour l'accouchement était 'de perdre l'enfant, qu'on me l'enlève'. Un regard de tendresse et d'amour maternel sur sa petite, elle dit également qu'elle a vu trop 'de films où les bébés étaient échangés ou kidnappés'. Un sentiment de peur dont elle a voulu se délester au moment de l'avènement de son enfant : 'je suis venue à Givors parce que j'avais entendu parler du dispositif de surveillance électronique'. Christian Griamaldi, responsable informatique de la maternité, analyse ce phénomène comme 'une impression d'insécurité plus large inscrite dans la société. Les difficultés économiques, la délinquance, les faits divers sanglants relayés par les médias... Tout cela, concoure à ce que les jeunes mamans se sentent rassurées par la surveillance électronique de leur enfant, même si les cas d'enlèvement de nourrissons sont extrêmement rare. En 2007 deux enfants sur l'ensemble des naissances en France ont été dérobés à leur famille'. Sur les 600 naissances comptabilisées depuis la mise en place du bracelet, seule une dizaine de parents ont refusé.

Entre deux rendez-vous, un verre d'eau à la main pour reprendre haleine, Serge Malacchina explique la genèse du dispositif : 'La maternité a déménagé il y a un an. Dans les anciens locaux il n'y avait que deux issus. Dans les nouveaux bâtiments il y en a désormais six. D'où la nécessité de contrôler les allées et venues au sein de la maternité pour assurer la sécurité des mères et de leur nourrisson'. Un coup de téléphone retentit, Serge Malacchina glisse avant de répondre : 'La mise en place du système de surveillance a permis à l'hôpital de rester un lieu ouvert à tous, sans que personne n'ait besoin de montrer sa carte d'identité à l'entrée'.Un autre problème inhérent aux évolutions de la société est apparu au fil des ans : la question des familles recomposées. 'Parfois ce ne sont pas quatre grands parents mais huit qui viennent à la maternité. Nous avons du mal à nous y retrouver à certains moments' avoue Isabelle Messalta, auxiliaire en puériculture.

Sur le plan financier, 'la géolocalisation a coûté 20 000 euros la première année, pour des dépenses ultérieures de manutention annuelle de 5000 euros' expose Christian Grimaldi. 'Une économie pour l'hôpital, qui au lieu d'embaucher des vigiles plus onéreux que la surveillance électronique, a préféré engager de nouvelles sages femmes' renchérit Serge Malacchina. Fortement demandé, ce système est aussi gage de développement : 'bien que nous ne soyons pas une clinique privée qui fait de l'argent avec les malades, nos financements dépendent de la fréquentation de l'hôpital. Le bracelet attire beaucoup de futures mamans et contribue au développement de la maternité' continue le directeur. 'Enfin pour re-situer le contexte, le bracelet n'est qu'un service gratuit offert par l'hôpital, au même titre que la possibilité pour les pères de dormir à côté de leur famille' énumère Serge Malacchina.

Mais l'utilisation du bracelet électromagnétique dans les maternités ne fait pas encore l'unanimité. Alex Türk, président de la Cnil, Commission nationale de l'informatique et des libertés, indiquait au journal la-Croix que 'dans le cas des maternités, le bénéfice du bracelet par rapport au déploiement de technologie semble bien maigre. Le dispositif a vocation à suppléer une éventuelle carence de surveillance humaine, mais il faut que quelqu'un surveille le système de surveillance. On s'abandonne ainsi à l'idée que la technologie peut remplacer la surveillance humaine'. Serge Malacchina, lui, répond sans détour : 'la géolocalisation ne reste qu'un outil. Rien ne remplacera la surveillance et les bons soins du personnel hospitalier. Par ailleurs il n'y a pas d'enregistrement de données nominatives sur la situation des parents et les données propres à l'enfant sont automatiquement effacées dès sa sortie' avance Serge Malacchina. 'Les problèmes d'éthique autour du bracelet sont louables. Concernant Givors, la technologie est utilisée de façon préventive et est très bien encadrée. Par ailleurs les réfractaires au système n'ont pas besoin de signer de décharge. En aucun cas l'hôpital ne se défausse de ses responsabilités' conclut-il. Un système analogue est en cour de réflexion pour surveiller certains patients atteints de la maladie d'Alzeimer.

La fin d'après-midi approche à grand pas, les heures de visites se terminent. Pendant que les familles des nouvelles mamans regagnent la sortie, le personnel médical commence à s'activer. Au quotidien, les sages femmes et les auxiliaires en puériculture ont mis un peu de temps à s'adapter. Mais au final, 'les conditions de travail n'ont pas été bouleversées. Nous pouvons laver les bébés comme auparavant, les manier sans aucun souci. Pour la sérénité et le calme du service des efforts ont été accomplis pour régler les alarmes et faire en sorte qu'elles ne réveillent pas tout l'étage. Mais il est rare qu'elles sonnent' souffle Fatima Barret, une sage femme.

Florian Fayolle

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