Lyon-Saint-Exupéry : le voyage des handicapés pas si easy(Jet) que ça

Après avoir refusé l'embarquement à deux paraplégiques mardi et mercredi derniers, la compagnie de transport aérien à bas coût EasyJet est sous le feu des projecteurs. Cette dernière se défend de toute discrimination, se retranchant derrière des problématiques de sécurité. Dominique Busserau, secrétaire d'État aux transports, a demandé l'ouverture d'une enquête auprès de la DGAC.

Victime d'un accident de moto à l'âge de 30 ans, Jean-Claude Mouton, un Lyonnais de 54 ans, est aujourd'hui paraplégique. Afin de se rendre en Corse rejoindre ses frères, il réserve un billet d'avion par Internet. Sitôt après, il reçoit un mail de confirmation, lui demandant de signaler à la compagnie tout besoin d'assistance. "Je me suis méfié car je savais qu'il y avait déjà eu des problèmes avec EasyJet, explique-t-il. Je voulais leur écrire. Après quelques recherches, j'ai trouvé un mail de contact sur sa version anglaise. Mais je n'ai eu que des réponses automatiques."

Le jour du départ, Jean-Claude Mouton se présente à l'aéroport pour l'enregistrement de ses bagages. "Là, on m'a répondu que ce n'était plus possible d'embarquer car je n'avais pas déclaré d'accompagnateur. Une personne s'est alors proposée de m'accompagner, mais l'hôtesse nous a répliqué que c'était trop tard ; le décollage était prévu dans 27 minutes. Mais, quelques minutes après, un autre passager a pu partir sur la même ligne sans problème. Enragé, je me suis dirigé vers le guichet d'Air-France où j'ai pu embarquer 1h30 plus tard." La pilule passe très mal : "C'est la première fois que je me fais rejeter. Ce n'est pas une question d'argent, mais de principe. Il faut les taper au portefeuille ces gens-là ! C'est scandaleux !"

Une personne à mobilité réduite doit se présenter au maximum 40 minutes avant

Du côté d'EasyJet, il n'y a aucun problème. Se référant à une directive européenne imposant l'évacuation des appareils en 90 secondes, elle demande à toute personne à mobilité réduite (PMR) d'être accompagnée. "On leur impose d'avoir un accompagnateur pour le confort de tous, explique Élisabeth Le Gall, directrice marketing France et Bénélux d'EasyJet. L'enregistrement des passagers doit se faire, au maximum, 40 minutes avant le décollage. Or, M. Mouton s'est présenté avec son accompagnateur après ce délai." Ce laps de temps correspond à l'envoi de la liste des passagers à l'équipage de bord. "Si le commandant de bord constate qu'une PMR a embarqué sans accompagnateur, il refusera de décoller." Quid du passager suivant qui a pu embarquer ? "Cette personne s'était déjà enregistrée par Internet et n'avait donc pas à s'inscrire sur ce vol." Pour une personne déjà enregistrée, le délai d'embarquement maximum descend à 15 minutes.

Finalement, toute la subtilité réside dans ces deux délais, car Jean-Claude Mouton s'était, lui aussi, inscrit par Internet. Mais lui n'est pas entièrement valide. Et c'est là que le bât blesse, puisque la compagnie aérienne n'enregistre pas les accompagnateurs à l'avance. "Nous laissons la liberté de choix au passager handicapé. Il n'est ainsi pas obligé de payer une seconde place pour partir avec quelqu'un de sa famille, mais peut demander à un voyageur de l'accompagner sur le vol." Il aurait donc fallu que Jean-Claude Mouton se présente au minimum trois quarts d'heure à l'avance afin de trouver un accompagnateur et de s'enregistrer avec lui. Une aide qui aurait probablement été difficile à trouver vu cette heure matinale. Certains y verront une forme de discrimination obligeant une personne handicapée à arriver plus tôt qu'une personne valide, la compagnie aérienne, elle, se retranche derrière la sécurité.

Une enquête ouverte par le secrétaire d'État aux transports

Jean-Claude Mouton n'en n'était pas à son premier voyage. Parmi les compagnies qu'il utilisait se trouve AirCorsica. Cette dernière trouve "absurde" le concept d'accompagnateur : "Cela ne veut rien dire ! En cas d'évacuation, rien ne nous indique que l'accompagnateur sera apte à aider à l'évacuation de la PMR. Pour nous, l'accompagnant n'existe que s'il est médical", détaille Julie Colonna, assistante à la formation du personnel naviguant à AirCorsica.

Dominique Busserau, secrétaire d'État chargé des transports, a depuis demandé l'ouverture d'une enquête auprès de la Direction générale de l'aviation civile : "EasyJet ne peut se réfugier derrière des règlements de sécurité pour refuser d'embarquer des passagers ayant des difficultés à se déplacer, elle doit mettre en œuvre des solutions adaptées à chaque cas, comme le font la plupart des compagnies. Sinon, elle doit être sanctionnée avec la plus grande sévérité". Mais la compagnie à bas coûts reste sereine et n'a rien à se reprocher. Quant au paraplégique, il saisira la Halde et l'Association des paralysés de France dès son retour de vacances mouvementées.

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L'aide aux personnes à mobilité réduite dans les aéroports

Depuis le 5 juillet 2006, une directive du Parlement européen enjoint aux aéroports de fournir une assistance aux personnes à mobilité réduite (PMR) pour "se rendre d'un point désigné d'arrivée à un aéroport à un aéronef et de cet aéronef à un point désigné de départ de l'aéroport, embarquement et débarquement compris". Depuis le 26 juillet 2008, c'est le Groupe Samsic qui s'occupe de ce service à l'aéroport Lyon-Saint Éxupéry. "L'objectif est de limiter le plus possible les difficultés des personnes handicapées", explique Xavier Mary, directeur général adjoint aux aéroports de Lyon. Cette aide, gratuite pour le passager, est "payée de manière uniforme par les sociétés au prorata des voyageurs", poursuit-il. En moyenne, ce service est facturé 50 centimes d'euros par passager aux compagnies. En 2010, le marché passé entre l'aéroport de Lyon et Samsic est de 1,835 millions d'euros.

Au total, 15 à 20 personnes se relaient toute l'année pour accompagner les PMR jusqu'à la porte de l'avion et pour les aider à redescendre. "Environ 41 000 PMR demandent ce service par an et, en juillet, ils étaient 4 000, soit plus de 100 par jour", assure Xavier Mary. Reste que pour EasyJet, ce service ne se substitue pas à l'accompagnement du passager handicapé, à l'intérieur de l'avion.

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