Corse : l’État reprend la main

Malgré 17 morts depuis le début de l’année, François Hollande a débarqué hier en pacificateur en Corse. Il s’appuie sur de bons résultats dans la lutte contre le grand banditisme, notamment le trafic de drogue.

François Hollande ne s’est pas contenté hier de venir décorer les goumiers marocains qui ont libéré la Corse en octobre 1943. Le vrai message qu’il a tenté de faire passer, c’est que l’État reste maître du jeu dans l’île. Qu’il s’agisse de la lutte contre la “mafia” insulaire ou des projets d’autonomie concoctés par l’assemblée de Corse. C’est donc Paris qui garde la main.

Le face-à-face avec les élus a tourné à leur désavantage : le projet de statut de résident – censé limiter l’accès à la propriété aux seuls résidents corses – a été balayé d’un revers de manche par le chef de l’État, qui a estimé qu’il était “contraire au principe d’égalité”.

Le Petit Bar dans le filet

Loin des salons de la collectivité territoriale de Corse, se joue simultanément une autre partie, qui oppose cette fois-ci police, justice et gendarmerie au grand banditisme insulaire. Cette semaine aura permis de marquer des points, avec le démantèlement de l’une des plus redoutables équipes corses, la bande du “Petit Bar”. Mais pas seulement. Des proches du clan Federici et des Bastiais sont eux aussi tombés dans les mailles du filet.

Depuis l’éclatement de la célèbre Brise de Mer, l’assassinat de Richard Casanova (tué à Porto-Vecchio en 2008) et celui de Francis Mariani (déchiqueté un an plus tard par l’explosion d’un engin explosif dans un hangar isolé), le banditisme du nord de l’île est en quelque sorte orphelin. Mais il ne dédaigne pas pour autant se lancer dans le trafic de stupéfiants à grande échelle. Cette semaine, en effet, un coup de filet a permis d’appréhender en Corse et sur le continent neuf personnes membres de l’équipe dite du “Hibou”, composée d’anciens fidèles de Francis Mariani. Ce surnom est dû au fait que le chef du clan a coutume de vivre la nuit et de dormir le jour…

Lancée en 2012, cette enquête, qui s’appuie notamment sur des écoutes téléphoniques, a permis d’établir que le groupe était sur le point d’organiser un important trafic de coke entre l’Amérique du Sud et le sud-est de la France, en collaboration avec un Colombien et un ressortissant espagnol. À l’été 2012, le groupe aurait même organisé un survol en hélicoptère de la région de Porto-Vecchio. L’hélico était ce jour-là suivi par un avion dans lequel avaient pris place des policiers en surveillance… Le Colombien et l’Espagnol étaient à bord de l’hélicoptère.

Parmi les suspects, figure le propriétaire d’une société de transport maritime de L’Ile-Rousse, associé à un homme activement recherché. Ce dernier se trouvait en effet aux côtés de Francis Mariani le jour de l’explosion qui a coûté la vie au caïd. Les enquêteurs le soupçonnent d’être directement impliqué dans cet attentat provoqué par une bombe télécommandée à distance. La piste accidentelle, un temps retenue, a été abandonnée au vu du rapport d’expertise d’un laboratoire toulousain.

Santoni ira-t-il un jour en prison ?

Toujours en matière de stups, les policiers de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) ont mis la main sur un autre réseau corse très actif mettant en scène certains proches du clan Federici, dans le prolongement du démantèlement au début de l’année d’un laboratoire dans le quartier de Plombières à Marseille. Une trace ADN identifiait un certain Jérôme Salvadori, abattu à Venaco le 10 mars dernier.

Mais l’opération sans doute la plus symbolique est le démantèlement de la bande du Petit Bar d’Ajaccio. Alors que trois membres suspectés d’être impliqués dans des actes préparatoires à l’assassinat de l’avocat Antoine Sollacaro en octobre 2012 ont été incarcérés voici quelques mois, c’est leur chef présumé, un certain Jacques Santoni, qui fait désormais l’objet d’une mesure d’écrou dans un autre dossier. Mais cet homme âgé de 30 ans n’ira sans doute jamais en prison. Ce tétraplégique ne se déplace qu’en fauteuil roulant et se terrait jusque-là dans une villa transformée en bunker à Porticcio (rive sud du golfe d’Ajaccio). Il a été victime en 2003 d’un accident de moto dans le centre-ville.

Santoni devrait demeurer sous surveillance à la prison-hôpital de Fresnes, à moins que ses avocats ne parviennent à le faire libérer. Condamné au printemps dans une affaire d’extorsion de fonds, le “capo” avait alors échappé à l’humidité de la prison pour raison médicale. Une nouvelle fois, le juge Christophe Perruaux de la JIRS de Marseille l’a mis en examen pour racket. Il a également retenu contre lui le délit de blanchiment.

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