L’instruction à la maison face à la justice

De plus en plus de familles qui ont fait le choix d’instruire leurs enfants à domicile sont en bisbille avec l’inspection académique et se retrouvent devant la justice.

Des parents au tribunal pour répondre de l’éducation de leurs enfants. Comme la famille Deveaux, ce mardi 24 septembre, confrontée au juge pour enfants de la cour d’appel de Lyon pour demander la suspension d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) décidée quelques mois plus tôt. En cause : sa pratique de l’instruction à domicile. Depuis le printemps 2011, la maman et le beau-père de Léo, 10 ans, sont en bisbille avec l’inspection académique du Rhône. “Nous refusons que le contrôle de l’inspecteur se fasse selon ses modalités, car elles sont contraires à notre méthode pédagogique”, explique Sylvain Deveaux. À savoir une méthode dite “informelle” qui rejette toute forme de contrôle, d’horaires et de contraintes et prône un apprentissage selon les besoins de l’enfant. Dans l’Ain, le 27 septembre, c’est au tour de la famille Rodriguez-Martin d’être convoquée chez les gendarmes suite à une injonction de scolarisation. À Nice, la famille Abel Larrouy a finalement obtenu gain de cause devant un tribunal administratif… “Les litiges impliquant l’instruction en famille sont de plus en plus nombreux”, assure maître Anne-Claire Le Jeune, avocate de la famille Deveaux. Elle-même reconnaît défendre une dizaine de dossiers. “Dès lors que l’on parle d’instruction en famille, on pense forcément à une dérive sectaire. Ou que l’enfant sera forcément désociabilisé”, expose Me Le Jeune.

Trois fois plus d’enfants déscolarisés qu’il y a dix ans

La pratique de l’instruction en famille est toutefois très minoritaire en France. Sur 12 millions d’enfants en âge d’être scolarisés, seuls un peu plus de 3 000 bambins n’ont pas rejoint les bancs de l’école à la rentrée de septembre et ne suivent aucun cours à distance. C’est peu, mais c’est trois fois plus qu’il y a dix ans. Surtout que l’école n’est pas obligatoire, contrairement à l’instruction. Quand celle-ci se déroule à la maison, elle est soumise à un double contrôle : une enquête sociale de la commune et, chaque année, une visite de contrôle de l’inspecteur académique. L’encadrement de cette forme d’instruction a d’ailleurs été renforcé par le gouvernement Jospin en 1998 et par un décret de 2009. Les inspecteurs doivent notamment s’assurer que les choix éducatifs des parents assurent à l’enfant un socle commun à l’âge de 16 ans. “La circulaire prévoit aussi qu’en cas de refus du contrôle le directeur académique doit effectuer un signalement auprès du procureur de la République, explique Gwénaëlle Spenlé, membre de l’association Les Enfants d’Abord, qui compte 500 familles. Alors, face à des parents qui n’acceptent pas les modalités de contrôle, un inspecteur peut déclencher une procédure.”

Mission d’information

Selon Mme Spenlé, le problème vient de l’autorité de contrôle : “L’Éducation nationale est juge et partie. Trop souvent, les inspecteurs ont un a priori en venant nous contrôler et ne sont pas du tout au fait de nos méthodes. Comment évaluer une pédagogie avec des supports adaptés à l’Éducation nationale ? Il faut que l’inspecteur soit remplacé par une autre personne, du ministère de la Famille par exemple, et qui soit formée aux autres pédagogies.” Une mission d’information sur les relations entre l’école et les parents, présidée par Hervé Breton, député (UMP) de l’Ain, a prévu de se pencher sur l’instruction à domicile : “Aujourd’hui, certains parents ne se retrouvent pas dans les méthodes d’enseignement de l’Éducation nationale et il est important de rappeler le principe de la liberté d’éducation. Mais la collectivité doit aussi s’assurer qu’il n’y ait pas de dérives dans cette pratique. Le système d’évaluation de l’instruction à domicile n’est peut être plus adapté.”

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