Quick halal à Villeurbanne : "Simplement du capitalisme"

La polémique ne cesse d'enfler depuis que Quick expérimente ses hamburgers halal dans huit de ses restaurants dont celui de Villeurbanne. Fondateur du portail Al-Kanz, Fateh Kimouche invoque la liberté d'entreprendre et estime que cette affaire stigmatise une fois de plus l'Islam.

Le burger Quick halal, certains n'arrivent pas à l'avaler. Pendant six mois, l'enseigne française expérimente ses hamburgers destinés à ses clients musulmans dans huit de ses restaurants (346 en France en 2008) : le boeuf a été abattu selon le rituel spécifique (1) et le bacon remplacé par de la dinde fumée. C'est le cas au fast-food implanté route de Genas, à Villeurbanne. Cette offre répond à un marché en pleine expansion qui croit de plus de 10% chaque année. Au point d'atteindre 5,5 milliards d'euros alors que le bio, plus médiatique, atteint poussivement les 2,6 milliards d'euros.

Mais ces derniers jours, cette initiative est sortie de la sphère du business pour devenir un sujet politique lorsque le maire PS de Roubaix, René Vandierendonck, a dénoncé cette pratique "discriminatoire" à l'égard de clients non-musulmans et a saisi la Halde. Marine Le Pen (FN) a renchéri en accusant l'Etat, actionnaire via la caisse des dépôts, de financier "une taxe aux organismes islamiques de certification". Nous avons interrogé Fateh Kimouche, fondateur d'Al-Kanz, portail francophone internet pour consommateurs musulmans.

Lyoncapitale.fr : Qu'avez-vous pensé de la polémique ?

Fateh Kimouche : Ce ne sont pas les musulmans qui sont allés chercher Quick mais l'inverse. Ce qu'ils ont constaté, c'est que l'offre n'était pas adaptée à leur zone de chalandise. Quick a choisi les restaurants déficitaires qui auraient éventuellement dû fermer. Ils ont simplement appliqué la loi de l'offre et de la demande. Ce n'est donc pas une islamisation rampante mais simplement du capitalisme. C'est la même logique qui a prévalu chez Duc, producteurs de poulets, qui a évité une fermeture de site et des destructions d'emplois en développant la gamme halal.

Et c'est une réussite ?

C'est un carton. Et ce n'est pas une surprise pour moi : qui est l’entreprise numéro 1 dans le monde en matière de (prétendu) halal ? Nestlé. Qui est le plus grand défenseur en France du marché du halal, plus particulièrement de la viande halal ? La toute-puissante industrie de la viande, dont les Bigard, Doux, Duc, LDC, Panzani. Le halal profite essentiellement aux non-musulmans. A Villeurbanne, les ventes du Quick ont progressé de 30% selon Télé Lyon Métropole. Partout où l'expérience est menée, Quick est parvenu à siphonner la clientèle de fast-food musulmans et des kebabs aux alentours. A Toulouse, le restaurant, le premier à avoir lancé l'expérimentation, a carrément doublé son chiffre d'affaires. L'enseigne a été surpris de ce succès dont elle n'attendait ni l'ampleur, ni la rapidité. Quick ne lâchera pas l'affaire.

Pour vous, c'est une stigmatisation des musulmans ?

Je constate que lorsque Franprix ne propose que des produits casher à Paris dans le 11e arrondissement, ça ne semble pas poser de problème. Serait-on aussi choqué si Quick proposait des menus bio, des menus anti-cholétérols ou même des menus casher ? Est-on heurté lorsqu'ils lancent un sandwich mexicain ? Le problème ici est le rapport à la religion, et l'islam en particulier.

Ne devraient-ils pas proposer deux gammes pour ne heurter personne ?

On peut invoquer la liberté d'entreprendre. Une société est libre de ne viser qu'une seule clientèle si elle le souhaite. Mais c'est vrai, Quick aurait dû se douter qu'avec cette expérience, on marchait sur des oeufs. Proposer une gamme complète, c'est une solution qui satisferait tout le monde. Je comprends que ça puisse être rageant pour des clients réguliers qui ne peuvent plus manger leur sandwich au bacon. Mais l'obstacle est sans doute financier : il faut aménager dans ce cas deux tables de cuisson, l'une halal, l'autre pas. Ce qui reviendrait quasiment à bâtir deux fast-foods en un.

(1) Tournée vers La Mecque, la bête est égorgée par un sacrificateur musulman assermenté, sans étourdissement préalable. Elle n'est envoyée vers la chaîne de dépecage qu'après s'être vidée de son sang.

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