Philippe Cochet© Tim Douet_018
Philippe Cochet, maire de Caluire-et-Cuire © Tim Douet

Justice : les salaires disproportionnés de la femme de Philippe Cochet

Le maire de Caluire-et-Cuire, chef de file des élus LR à la métropole de Lyon, a fait appel du jugement rendu en octobre le condamnant à verser plus de 90 000 euros à une ancienne assistante parlementaire. La justice a estimé que l’écart de salaires de 2014 à 2017 entre cette dernière et l’épouse de l’ancien député (pour un travail dont Lyon Capitale posait en 2017 la question de l’effectivité) relevait d’une inégalité de traitement.

Attaqué aux prud'hommes par une ancienne assistante parlementaire (E.D.), Philippe Cochet a été condamné le 24 octobre dernier à lui verser 92 978,37 euros de rappels de salaire, primes et autres dommages et intérêts. Si le licenciement de son ancienne employée a été jugé légitime par la justice, les juges ont considéré que, pour un même poste, l'écart de rémunération entre celle-ci et l'épouse de Philippe Cochet, également assistante parlementaire, était disproportionné. Rien qu'entre 2014 et 2017 – seule période jugée, le reste étant prescrit –, plus de 87 000 euros d'écart de salaires et primes n'auraient pas été versés à la requérante.

62 % de salaires en plus pour moins d’heures de travail

L'histoire d’E.D. débute en 2005, lorsqu'elle est embauchée à temps partiel (121,34 heures par mois) en tant qu'assistante parlementaire du député Philippe Cochet, pour une rémunération brute de 1 400 euros. À l’époque, trois autres personnes travaillent pour le député : un chauffeur, une secrétaire et une collaboratrice, Laëtitia Cochet. E.D. travaille pendant douze années au service du député-maire LR de Caluire-et-Cuire. Le 20 juin 2017, la vague LREM fait aussi basculer la 5e circonscription du Rhône et l'élu LR perd son mandat. E.D. est licenciée le 30 juin.

Jugement Philippe Cochet © Lyon Capitale

Près d'un an plus tard, elle décide de contester ce licenciement, qu'elle juge sans cause réelle et sérieuse, et demande une réévaluation de sa rémunération de l'époque en la comparant avec celle des autres personnes travaillant pour Philippe Cochet, dont la femme du député. Le 29 janvier 2019, les prud'hommes ordonnent à l'élu de fournir les contrats de travail et bulletins de salaire de ses collaborateurs. Les chiffres sont impressionnants. Pour des temps de travail quasiment similaires, 121 heures pour E.D. et 113 heures pour Laëtitia Cochet, la deuxième touchait une rémunération de plus de 1 500 euros supérieure (voir photo du jugement ci-contre). “Mme Cochet percevait donc une rémunération de base de 62 % supérieure en 2017”, écrivent les juges.

26 400€ des primes exceptionnelles et exclusives

Outre les rémunérations, la justice critique plusieurs primes exceptionnelles de montants substantiels accordées par le député uniquement à son épouse (5 650 euros en 2013, 7 900 en 2014, 6 600 en 2015 et 6 250 en 2016). L'écart de rémunération entre les deux collaboratrices a été jugé illégal par les prud'hommes, qui soulignent que la requérante, de statut cadre, “disposait d'une classification supérieure par rapport à Mme Cochet (…) et que sa durée de travail était aussi supérieure”. “Philippe Cochet ne saurait soutenir que la différence de traitement entre E.D. et son épouse s'expliquerait par la confidentialité, son entière disponibilité et la discrétion dont elle a fait preuve, alors qu'il se prévaut des mêmes obligations à l’égard de la requérante. (…) De plus, cela reviendrait à confier les postes de collaborateur de député uniquement à des membres de la famille du parlementaire”, ajoutent-ils. En tout, c’est donc sur un salaire mensuel moyen de 5593,03 euros que la femme de Philippe Cochet a vu ses indemnités calculées à la fin de son contrat en 2017. Concernant le licenciement de madame E.D, les juges ont estimé que le licenciement reposait “sur une cause réelle et sérieuse”.

Un travail parlementaire ou municipal ?

Dans une enquête publiée en février 2017 (lire ici) en pleine campagne présidentielle et affaire Fillon, Lyon Capitale posait la question de l'effectivité du travail de la femme du maire de Caluire-et-Cuire. Une activité parlementaire difficile à déterminer à l'époque. “Elle passait à la permanence parlementaire toutes les deux à trois semaines. Elle prenait le courrier et l’emmenait à la Poste”, “Pendant très longtemps, elle ne venait que de façon très sporadique”, nous avaient confié à l'époque plusieurs sources. Lesquelles nous dressaient le portrait d'une employée sans réel bureau à la permanence, qui ne figurait pas dans le trombinoscope (annuaire professionnel du monde politique) et travaillait aussi pour des événements à la mairie de Caluire et lors de meetings politiques.

Dans le jugement d'octobre, E.D. déclare “ne pas avoir travaillé avec Mme Cochet et soutient ignorer ses fonctions réelles en lien avec le mandat”. De son côté, l'élu LR assure qu'elle était en charge de son “image de député”, en “alimentant son site et les réseaux sociaux”, en le “conseillant sur les événements et sa ligne politique”, en “coordonnant ses relations média”, en “gérant son agenda”, etc. Ce que confirme la justice, qui a estimé que les attestations fournies par Philippe Cochet, “quand bien même leur force probante s'avère faible en raison du manque de mentions obligatoires ou de lien amical existant entre le défendeur et le témoin, confortent cette liste de fonctions”. Cependant, le jugement note que ces fonctions étaient “exercées pour le compte du maire de Caluire-et-Cuire et non dans le cadre du mandat de député de son époux”. Philippe Cochet a fait appel de cette décision.

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