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Diffamation : Les politiques plus menaçants qu’offensifs

Les responsables politiques brandissent souvent la menace de plaintes en diffamation. Mais ils ne vont pas toujours jusqu’à l’audience, pour éviter de relancer des affaires tassées.

Le monde économique n’a pas le monopole des plaintes en diffamation. Il est même probable qu’en cette matière il ait succédé aux dirigeants politiques, qui, dans un passé récent, ont eu recours à ce type de procédure. Ils ne l’ont pas totalement abandonné d’ailleurs. Les périodes électorales y sont assez souvent propices. Le feuilleton Fillon se poursuivra aussi devant les tribunaux pour Le Canard enchaîné ; le candidat de la droite a attaqué l’hebdomadaire, non pas en diffamation, mais pour diffusion de “fausses nouvelles”, en se fondant sur le Code électoral. Emmanuel Macron a pour sa part porté plainte contre X pour “faux, usage de faux et propagation de fausse nouvelle destinée à influencer le scrutin” après la diffusion des Macron Leaks. Le Front national reste un gros pourvoyeur de plaintes en diffamation, des deux côtés de la procédure. “C’est lorsque je traitais le FN que j’ai eu le plus de procès, se souvient un journaliste d’investigation. Ils ont cette culture. De temps en temps, ils en gagnent quelques-uns.” À Lyon Capitale, pendant la campagne de la présidentielle, les cadres locaux du parti d’extrême droite n’ont pas déposé plainte, malgré des menaces répétées, mais nous ont réservé une avalanche de droits de réponse à la suite d’une enquête qui portait notamment sur le fonctionnement de la fédération du Rhône.

Annonces sans suite

Les procédures contre la presse visent, pour les politiques, à éteindre un incendie ou du moins à circonscrire le départ de feu. “Ils annoncent souvent qu’ils vont porter plainte, mais ils le font rarement ou retirent leur plainte avant le procès. C’est un scénario assez fréquent”, s’amuse un journaliste du Canard enchaîné. Dernier exemple en date, Laurent Wauquiez qui, malgré ses annonces, n’a toujours pas déposé plainte contre Quotidien pour la diffusion de l’échange que le président du conseil régional avait eu avec les étudiants de l’EM Lyon. En 2011, François Bayrou nous avait par exemple menacés d’un procès après la publication d’un article sur notre site Internet dans lequel nous évoquions les interrogations de la justice sur un éventuel délit de favoritisme dans l’attribution de la délégation de service public Rhônexpress. L’une des pistes de travail des enquêteurs se concentrait sur des soupçons de financement occulte de la campagne présidentielle de 2007 de François Bayrou, dont Michel Mercier était le mandataire financier. “Il y a au moins un homme politique en France qui n’a jamais eu aucune sorte de financement occulte, c’est moi. Et Michel Mercier, c’est une des raisons pour lesquelles je suis ami avec lui, c’est quelqu’un qui de ce point de vue-là a toujours été intraitable. Alors peut-être que vous vivez dans un monde où il y en a, dans une ville où il y en a. Mais moi je n’en fais pas. Alors, donc, vous allez, de ce point de vue-là, aller devant les tribunaux, pour que les choses soient claires.” Sept ans plus tard, il est clair que le délai de prescription est largement dépassé et qu’il n’a pas mis sa menace à exécution.

Les plaintes peuvent être contreproductives pour les politiques. L’audience ramène dans l’actualité la polémique lancée quelques mois plus tôt. Les affaires entre politiques et organes de presse sont en effet les plus médiatisées. Mediapart, en dix ans, s’est imposé comme un acteur incontournable de ce type d’audience. Un des volets judiciaires de l’affaire Bettencourt s’est joué autour d’une plainte pour atteinte à la vie privée suite à la diffusion par Mediapart et Le Point des enregistrements réalisés par le majordome de Liliane Bettencourt. L’affaire dite du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy a aussi fait l’objet d’une intense passe d’armes juridique. Au terme de cinq ans de procédure, le site d’investigation a obtenu un non-lieu dans le cadre d’une plainte déposée par Nicolas Sarkozy pour faux concernant un document attestant d’un financement de sa campagne présidentielle de 2017 par la Libye à hauteur de 50 millions d’euros.

Lire aussi notre dossier sur la liberté de la presse, notamment :

• Avis de tempête sur le journalisme d’investigation

• Combien coûtent les procès à Lyon Capitale

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