Procès Agnelet : 4 points qui en font une affaire hors norme

Le procès de Maurice Agnelet à Rennes est dans sa dernière ligne droite, avec la plaidoirie de Me Hervé Témime, avocat des parties civiles, et le réquisitoire de l’avocat général ce jeudi. Les événements survenus en début de semaine confirment la singularité de l’affaire et ses mystères.

1 – Les rebondissements sur 40 ans

Les faits remontent à 37 ans, une quarantaine d'années émaillée par des rebondissements. Dernier en date, les révélations de Guillaume, 45 ans, fils de Maurice Agnelet. Dimanche, il a révélé au parquet de Chambéry avoir reçu des confidences, dans sa jeunesse, de son père et de sa mère, Anne Litas, au sujet d'Agnès Le Roux. Entendu physiquement ce mercredi matin par la cour, il confirme ses accusations.

Des confidences faites en trois temps, où il lui fut expliqué que Maurice Agnelet avait tué Agnès lors d'un camping sauvage en Italie, près de Monte-Cassino. Il lui aurait tiré une balle dans la tête, en pleine nuit, et aurait laissé son cadavre, dénudé, dans un fossé. Maurice Agnelet, toujours selon son fils, aurait abandonné la Range Rover blanche d'Agnès sur un parking près d'une gare italienne, les clefs sur le contact. Ces révélations ont été formellement contestées par Anne Litas, Thomas et Maurice Agnelet, devant la cour d'assises de Rennes.

Auparavant, en 1999, Françoise Lausseure, ancienne maîtresse de Maurice Agnelet, qui avait confirmé l'alibi de celui-ci (ils étaient en week-end en Suisse) se rétracte. L'avocat niçois n'était pas avec elle à la Toussaint 1977. Ce nouvel élément permet d'ouvrir une nouvelle instruction qui a conduit Maurice Agnelet devant une cour d'assises.

2 – Nice, l’argent, ses casinos

Le décor est planté. Nous sommes à Nice, au bord de la Riviera. Agnès Le Roux, la jeune femme disparue ce mystérieux week-end de la Toussaint 1977, est l'héritière d'un des plus grands casinos de la Côte d'Azur, le Palais de la Méditerranée. Elle est la cadette d'une fratrie de quatre enfants, la préférée de son père. Artiste, elle va ouvrir un petit magasin de décoration après l'échec d'un premier mariage. On la décrit un peu insouciante.

La bataille de propriétaires de casinos fait rage. Durant sa liaison avec Maurice Agnelet, à la réputation douteuse, elle va même jusqu’à vendre ses parts du Palais de la Méditerranée à l’ennemi intime des Le Roux, Dominique Fratoni, un autre patron de casinos à Nice. En échange, 3 millions de francs vont être versés sur un compte suisse au nom d’Agnès et Maurice. Renée Le Roux et sa fille ne se parlent plus. "Dans ce milieu, la brutalité est parfois plus forte que dans le banditisme", avoue un ancien enquêteur à la cour d'assises.

3 – La personnalité de Maurice Agnelet

L'homme n'est pas sympathique, de l'aveu même de son avocat, Me François Saint-Pierre. "J'ai été élevé très gentiment par les jésuites", explique Maurice Agnelet. Il devient franc-maçon très jeune, à 18 ans. "C'était un moyen de trouver une autre famille", tient-il à préciser à la cour d'assises. Il sera un avocat peu brillant. Il a une grande estime de lui-même. Dans ses propos, Maurice Agnelet a cette habitude de ne pas répondre directement aux questions. "C’est un homme classique, défend Me Saint-Pierre. Il prend le temps de construire son discours." Pourtant, par moments, il y a cette impression d’esquive. Patricia Le Roux, l'une des sœurs d'Agnès, dit de lui : "c’est un séducteur, un grand manipulateur. Je pense qu’il a joué avec elle."

4 – Les familles Agnelet et Le Roux

Au-delà de Maurice Agnelet, il y a bien sûr sa famille. Sa première épouse, Anne Litas, mère de ses trois enfants. L'un d'eux, Jérôme, est décédé en 1990 des suites du sida. Guillaume, qui accuse aujourd'hui son père du meurtre d'Agnès, est en froid avec sa famille depuis plusieurs années. Thomas, le seul présent à l'audience, habite la Nouvelle-Calédonie.

Ces derniers jours, la cour d’assises a assisté à une véritable tragédie familiale. Mercredi soir, Anne Litas envoie même un message douloureux à Guillaume : "Tu vas avoir la mort de ta mère sur la conscience."

Face à cette famille, il y a celle des Le Roux. Renée Le Roux, trop âgée pour assister à ce troisième procès, s'est battue pendant plus de 30 ans pour faire condamner Maurice Agnelet. Elle lui voue une haine féroce. Il y a également Jean-Charles Le Roux, le petit frère, qui a repris le flambeau de sa mère dans sa quête de vérité. Et ses deux sœurs, Catherine et Patricia, toujours très dignes durant l'audience. Lundi matin, en entendant les révélations de Guillaume, ils étaient en larmes. Pour la première fois en 37 ans, ils entendaient un scénario pouvant expliquer la disparition de leur sœur.

"Au croisement de ces tragédies, il y a une vérité", résume bien Me Témime, ce jeudi matin, dans sa plaidoirie.

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