Éducation : apprendre le consentement à son enfant

Très présente dans l’actualité, la notion de consentement est loin d’être intégrée par tous. Dès lors, les parents ont un véritable rôle à jouer pour transmettre à leur enfant la compréhension et le respect de son propre corps et de celui d’autrui. Explications.

Votée en 2021, la loi stipule qu’il ne peut pas y avoir de consentement sexuel en dessous de 15 ans. Dans les faits, le consentement va bien au-delà des relations amoureuses et sexuelles, et se définit comme le droit à disposer de son propre corps comme on l’entend. Il s’exerce au quotidien, et ce dès le plus jeune âge. En effet, un enfant a le droit d’accepter ou de refuser de faire un bisou ou un câlin – même à quelqu’un de sa famille –, d’être pris dans les bras, de se faire toucher les cheveux, la main, tout comme n’importe quelle partie de son corps… De même qu’il ne doit pas imposer ce genre de geste à celui ou celle qui n’en aurait pas envie.

Le consentement chez les tout-petits

Évidemment, les discours varient selon les âges, mais on peut, dès la naissance, commencer à inculquer à son enfant la notion de consentement, tout simplement par notre attitude. Il s’agit de traiter le corps de son bébé avec respect, de lui montrer que l’on prend en compte ses ressentis et que l’on n’est pas dans un rapport de force. Chaque geste, chaque parole compte. En effet, les parents sont les premiers modèles de l’enfant quant à la protection de son intimité. Les bases qu’il acquiert avec eux lui serviront partout ailleurs : en famille, avec ses amis, à l’école, pendant ses activités extrascolaires, dans la sphère publique… “Par exemple, quand on change son bébé, qu’on lui donne son bain, on le prévient et on lui demande son ‘autorisation’. On lui dit par exemple : ‘Là, je vais te changer, es-tu d’accord ?’ Et l’on reste attentif à son regard et ses mouvements corporels en réponse. L’idée, c’est d’habituer l’enfant à la bientraitance de son corps dès sa naissance, et de lui faire comprendre que son corps lui appartient”, souligne Delphine Binet-Colstoun, thérapeute familiale et formatrice au sein de l’association “Les maltraitances, moi j’en parle”. “Avec mon bébé, je considère les soins comme un moment privilégié, qui vont bien au-delà du simple maternage. Je m’amuse à lui parler, je décris ce que je vais lui faire, j’ai des gestes doux. Je trouve que c’est important de communiquer avec lui, même si évidemment il n’est pas en âge de répondre ! Ce n’est pas parce qu’il vient de naître et qu’il est dépendant que son corps m’appartient. D’ailleurs, j’ai l’impression qu’il apprécie, car il me renvoie des mimiques de contentement”, raconte Charlotte, jeune maman de 29 ans.

Quand l’enfant rentre à l’école

À cet âge, le cercle relationnel de l’enfant grandit, et le parent peut alors lui proposer de nouvelles clés de prévention pour qu’il ne se force pas à accepter des gestes non consentis, et qu’il n’en impose pas aux autres. “On explique à l’enfant ce que veut dire intimité, que les parties intimes sont celles qu’on ne montre pas – comme à la piscine par exemple où chacun garde un maillot de bain – et que l’on ne peut pas nous toucher ou nous demander de toucher, recommande la thérapeute. C’est valable aussi pour la bouche, qui est réservée aux amoureux. Comme le rappelle la loi, un mineur ne peut consentir. Ainsi il apprend que c’est son droit absolu de dire non si quelqu’un veut regarder ou toucher ses parties intimes.” Le parent doit bien se garder d’user de chantage affectif pour obtenir un câlin ou un bisou. Il est le premier à qui l’enfant se donne l’autorisation de dire non. Il faut d’ailleurs bien souligner à son enfant que ce n’est pas dangereux de dire non, que ce n’est pas pour cela qu’on arrêtera de l’aimer. D’une manière générale, on apprend à l’enfant à être à l’écoute de ses émotions, à les identifier et les exprimer. Il ressent du dégoût, il a le cœur qui bat trop fort et trop vite, il a mal au ventre ? Autant de sensations qui indiquent qu’il ne se sent pas à l’aise, et qu’il est en droit de refuser. “L’enfant doit se faire confiance,ajoute Delphine Binet-Colstoun. Tout simplement, le parent peut lui dire : à l’intérieur de toi, est-ce que ça fait oui ou est-ce que ça fait non ? Plus il s’entraînera à s’écouter, et plus ce sera facile pour lui de s’affirmer.”

À l’adolescence

L’adolescence est une période délicate pour parler de consentement avec son enfant, car on tombe au cœur de ses préoccupations. Il risque de se sentir embarrassé, d’avoir l’impression qu’on empiète sur son intimité. D’autant que tous les parents ne sont pas forcément à l’aise avec le sujet. On peut cependant lui signifier que le consentement est primordial pour avoir des relations équilibrées, et qu’il ne souffre pas l’ambiguïté. Comme le rappelle Delphine Binet-Colstoun, “l’accord donné doit être libre, volontaire et éclairé. On peut avoir dit oui une fois, cela ne vaut pas pour toutes les autres fois. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas dit non, que l’on est d’accord. On peut aussi changer d’avis à tout moment, dire oui à quelque chose et non à autre chose…”. Pour faire passer des messages, on peut s’appuyer sur un livre, un site, un podcast, une série… qui serviront de prétexte à lancer une conversation décentrée de la réalité de l’ado. “On peut par exemple l’orienter vers des sites de référence, constituer une petite bibliothèque dans les toilettes, en disant à son enfant que ces livres sont à sa disposition et que s’il a des questions, on est là pour y répondre. Il faut qu’il sente que le dialogue est possible avec ses parents, qu’ils sont dans l’ouverture. On peut aussi lui proposer de prendre un rendez-vous chez un gynécologue, de rencontrer l’infirmière ou la psychologue scolaire. L’idée, c’est de pouvoir se référer à des personnes compétentes que l’enfant peut consulter, en toute confiance, parfois anonymement, selon ses interrogations. Par ailleurs, dès que l’enfant a un portable, il faut absolument lui parler des principes de la sécurité en ligne, en lui expliquant le phénomène d’emprise et de manipulation qui s’exerce à travers les écrans. Les prédateurs outrepassent les limites, savent comment endormir le sens critique de leur cible et la rendre dépendante”, prévient la thérapeute. En effet, le consentement s’exerce aussi dans le monde numérique. Retranché derrière un écran, on peut avoir l’impression d’être protégé, alors qu’on se laisse embarquer plus facilement que dans la vraie vie.

Dépasser le contexte culturel et sociétal

C’est un fait, bon nombre de parents n’ont pas été élevés dans le respect du consentement. Ils doivent s’affranchir de cela pour que leur enfant se sente légitime dans la protection de son corps. “Quand j’étais petite, il fallait toujours faire un bisou à tout le monde pour dire bonjour, se rappelle Lise, 45 ans. Je n’aimais pas faire ça, ça me gênait, notamment avec certaines personnes que je trouvais impressionnantes ou qui me dégoûtaient un peu. Je l’avais dit à mes parents mais on ne m’a pas écoutée, à l’époque, c’était une question de politesse. Du coup j’ai toujours expliqué à mes enfants que bien sûr ils devaient dire bonjour, mais qu’ils n’étaient pas obligés de faire la bise s’ils ne le sentaient pas. Ce qui n’est pas forcément apprécié de tout le monde, certains le prennent comme une forme de rejet ou de manque de politesse, ce que je trouve vraiment dommage.” “Apprendre le consentement à son enfant peut être encore plus difficile si un parent a été victime de violences sexuelles,prévient Delphine Binet-Colstoun. Idéalement, il serait important d’être accompagné d’un professionnel spécialisé dans l’accompagnement de psychotraumas pour apaiser son histoire au présent, avoir les gestes qui protègent et que les limites soient bien intégrées au sein de la famille.”

Quoi qu’il en soit, les parents doivent encore et toujours aider leur enfant à avoir confiance en lui. Ce sentiment qu’il a de la valeur l’aidera à dire non, à supporter le non des autres, et à ne pas se laisser influencer.


Ressources

  • Pour les parents

Protéger son enfant des violences sexuelles (livre et podcasts), Joanna Smith

  • Pour les ados

www.onsexprime.fr

www.commentonsaime.fr

Le violentomètre : https://www.maisonegalitefemmeshommes.fr/ressource/ 471/514-le-violentometre.htm

Livret à télécharger : Stop aux violences sexuelles faites aux enfants, Bayard

  • Pour les plus jeunes

Et si on se parlait ? 3-6 ans, 7-10 ans et 11ans et +, Andréa Bescond, Mathieu Tucker

Ton corps t’appartient. Premières notions d’intimité et de consentement, Lucia Serrano

Mon corps, mon intimité. Tu veux qu’on en parle ?, Carine Simonet

Mon corps m’appartient. Respect, intimité, consentement, parlons-en, Isabelle Filliozat et Margot Fried-Filliozat

  • Numéros utiles à communiquer à son enfant

Police secours : 17

Violences et harcèlement numériques : 3018

Violences faites aux femmes : 3019

Enfant en danger : 119

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