Suicides au Ministère des Finances

Les suicides dans le secteur privé ont fait la une de la presse, le service public n’est pourtant pas en reste. Avec 32 suicides en 2008, les agents affiliés au ministère de l’économie et des finances semblent également dans la tourmente. Rencontre avec Vincent Drezet, le secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts (SNUI).

Lyon Capitale : On parle beaucoup de suicides chez France Telecom, qu’en est-il dans votre administration ?

Vincent Drezet : On a recensé en 2008, non pas aux impôts mais au niveau du ministère de l’économie et des finances, 32 suicides dont 5 sur le lieu de travail. On ne peut pas dire, sur ces 32, dans combien de cas le travail a été déterminant. Les données viennent de tomber et il n’y a pas encore d’analyse “qualitative”. Il peut y avoir des causes personnelles et, de temps en temps, le travail vient aggraver la situation, ou alors être le facteur déterminant. Quand France Telecom a fait parler de lui il y a quelques semaines, on a eu un débat avec les militants sur le fait de faire connaître nos chiffres. Mais on ne veut pas jouer sur ce caractère un peu morbide. Simplement, dans le monde du travail en général, dans le public comme dans le privé, les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets.

Les pressions sont-elles les mêmes dans le privé et le public ?

Les mêmes mécanismes sont en place dans les entreprises et les administrations. Les méthodes de management, d’évaluation, d’objectif, la réduction des moyens entraîne une charge de travail en plus… Aujourd’hui, on sait qu’il y a un malaise dont le principal thème repose sur les conditions de travail. C’est notre priorité du moment. Il y a des problèmes psychosociaux et aussi matériels dans le cadre de restructurations. On ne sait pas trop ce que l’on va devenir. Même s’il n’y a pas de licenciement, on ne sait pas si on va continuer à travailler dans son domaine ou dans la même résidence...

Pourquoi les impôts semblent particulièrement touchés ?

Les administrations de Bercy sont souvent celles qui doivent montrer l’exemple en matière de réduction d’emplois. Comme parallèlement le travail augmente avec une nouvelle loi fiscale tous les ans et que les objectifs de contrôle fiscal ne diminuent jamais, ça entraîne une certaine pression. Mais ce n’est pas une spécificité des impôts. C’est un trait commun à pas mal d’administrations.

Cette pression est-elle un nouvel état de fait ?

Il y a un débat sur le travail de longue date. Mais depuis 10 ans, il y a une amplification du malaise due à une accélération des restructurations et à la mise en place d’outils contraignants en terme de management. Et globalement, il y a une grande pression hiérarchique. Et cette hiérarchie joue de moins en moins son rôle d’expert technicien. Avant, le chef de service était celui qui apportait une réponse à une question complexe en matière de fiscalité. Aujourd’hui, il n’y répond plus. Désormais, il dit : “vous devez rendre vos objectifs à telle date sinon, vous êtes mauvais”.

La sécurité de l’emploi, c’est tout de même un poids en moins pour les salariés de la fonction publique…

La principale différence entre le secteur public et le privé, c’est en effet la garantie de l’emploi. Mais quand on est 8 à 9 heures dans un service, qu’on soit dans le public ou le privé, la pression est la même. Évidemment, quand on rentre chez soi le soir, il vaut mieux être fonctionnaire qu’agent du privé, notamment quand on est dans des secteurs exposés à la concurrence et au chômage. Nous ne voulons pas dramatiser, on ne fait pas de notre cas une spécificité de la fonction publique. Mais il ne faut pas croire qu’on est à l’abri.

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