Battisti / BHL

Quelques mots sur Battisti et sur BHL

Cesare Battisti est libre. Après trente années de cavale. La Cour suprême du Brésil vient en effet de rejeter son extradition à 6 voix contre 3, entérinant ainsi la décision de l’ancien président Lula, prise le dernier jour de son mandat. Archétype du héros romantique pour les Français, criminel lâche et fuyard pour les Italiens, Battisti, âgé aujourd’hui de 56 ans, sollicitera le ministère de la Justice en vue d’obtenir un visa de résident permanent au Brésil.

"La décision du Brésil est un acte indigne d’une nation civilisée et démocratique. Le gouvernement fera tout son possible – y compris au sein de l’Union Européenne- pour que le meurtrier soit livré dans une prison du pays et puisse enfin servir sa dette envers le peuple italien", s’est étranglé le chef de la diplomatie transalpine à l’issue du vote.

Au début de l’année, l’écrivain et essayiste italien Antonio Tabucchi, publiait déjà une tribune dans Le Monde, rappelant que "Cesare Battisti, sanctifié par quelques intellectuels français, a été condamné en Italie à la perpétuité pour quatre homicides dont deux qu’il a commis directement en abattant ses victimes d’un coup de revolver dans la nuque", ajoutant : "Il a débuté comme criminel de droit commun volant dans les supermarchés pour son bénéfice personnel jusqu’au moment où, en prison, il eut l’idée de mettre son expérience au service d’un groupe terroriste, les PAC, Prolétaires Armés pour le Communisme. (…) Il ne s’agissait plus d’attaques à main armée, mais de ce qui s’appelait désormais des "expropriations prolétariennes". Et si quelqu’un était tué, tant pis".

"Les chiens" et "les petits mecs"

En France, Bernard-Henri Lévy, toujours prompt à s’indigner et à tordre le réel pourvu qu’il y ait une caméra ou un micro à sa portée (et il y en a toujours), n’avait pas hésité, dans un raccourci malencontreux, à publier sur son blog la photo de Cesare Battisti à côté de celle de l’Iranienne Sakineh, condamnée à la lapidation, écrivant par ailleurs dans Le Point du 19 février 2009 cette phrase inouïe : "J’ignore si Battisti a commis ou non les crimes qui lui sont imputés". https://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/battisti-le-bresil-et-l-italie-principes/989/0/318926

Bien entendu, il n’est pas question ici de censurer BHL, mais il serait temps que ce dernier retrouve un minimum de mesure et de discernement, lui qui, il y a quelques semaines, jugeait également le traitement de DSK "dégueulasse", fustigeait "tous ces petits mecs" qui prétendaient savoir depuis longtemps que l’ancien directeur du FMI était un danger pour les femmes et concluait : "Les gens feraient mieux de se taire". https://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/bhl-en-colere-contre-les-petits-30268 Un conseil qu’il ferait bien d’appliquer aussi à son immense personne, ne serait-ce que par pudeur et par respect pour les victimes présumées, quelles qu’elles soient.

Faut-il rappeler, à l’instar de Tabucchi, que durant « les années de plomb » en Italie, les Brigades rouges étaient tout sauf des héros romantiques ? Faut-il rappeler que ces "justiciers" tiraient dans le dos des magistrats, des journalistes, des intellectuels, des commerçants et des policiers ? Prenons garde de ne pas tout mélanger, de ne pas tout mettre sur le même plan et au même niveau !

BHL devrait mieux vérifier ses informations et ses sources avant de se lancer dans ses diatribes théâtralisées tout azimut. D’autant que dans les affaires qu’il évoque et dont il se fait le vibrionnant avocat, il commence généralement ainsi : "Je ne sais vraiment pas ce qu'il s’est passé mais ce que je sais c’est qu’un ami est mis en cause par les chiens. Alors je prends la parole".

J’ignore pour ma part si Bernard-Henri Lévy maîtrise la langue de Dante et s’il a lu, dans le texte, les actes des différents procès de Battisti, et pas seulement ses polars, par ailleurs excellents, mais c’est un autre sujet (là encore, il ne faut pas tout mélanger et distinguer l’écrivain du justiciable). Ce que je sais en revanche, grâce au Nouvel Obs, https://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/culture/20100219.OBS7443/l-affaire-botul-fait-moins-marrer-bhl-qui-attaque-l-obs.html c’est qu’à la page 122 de son dernier livre, De la guerre en philosophie, BHL cite un certain Jean-Baptiste Botul, lequel aurait consacré un ouvrage majeur à Kant "au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale". Or, le fameux Botul n’a jamais existé. Et pour cause : il n’est qu’un canular inventé en 1996 par Frédéric Pagès, journaliste au Canard Enchaîné et agrégé de philosophie.

La vie sexuelle d’Emmanuel Kant, "philosophe sans vie et sans corps par excellence", comme la vie médiatique de Bernard-Henri Lévy, philosophe sans consistance et sans concept, doivent être prises pour ce qu’elles sont : des farces. Comique dans le premier cas, tragi-comique dans le second. Par conséquent, il est plus que temps que l’homme aux chemises immaculées cesse d’égrener ses leçons de morale et de droit, aux Français, aux Italiens, aux Corses, aux Arabes, aux Chinois, aux Africains, aux Américains et finalement aux quelques milliards de « petits mecs » que compte la planète. Comme disent les Siciliens : "Chi a belle posta alterca, La verita non cerca"(1). Lesquels savent aussi être moins poétiques : "Zitto ! Orbo cane !" (2).

(1) Qui dispute par plaisir, Ne cherche pas la vérité.

(2) La ferme ! Espèce d’aveugle !

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