Agnes Verdier-Molinie (Directrice de la fondation IFRAP)
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“Nous sommes au stade du réveil après l’anesthésie de l’argent magique”

Dans une économie "totalement shootée à la dépense", Agnès Verdier-Molinié appelle à "changer de logiciel" pour devenir un pays de production, pas de consommation.

Agnès Verdier-Molinié est la directrice de l’Ifrap, une fondation reconnue d’utilité publique. Ce think tank libéral, chargé d’évaluer l’efficacité des administrations et des politiques publiques, passe au crible indicateurs, tableaux, graphiques, chiffres en tous genres. Dans cet entretien, Agnès Verdier-Molinié revient sur les défis qui attendent le Premier ministre, la dette et le déficit publics de la France, “lanterne rouge de l’Europe”, le gel des dépenses “nécessaire”, les 30 milliards d’économies en 2025 que doit faire la France pour maîtriser sa dépense publique dans le but d’“éviter une cascade de nouveaux impôts et taxes dans le pays où les prélèvements obligatoires pèsent le plus lourd”.
Dernier livre paru : Où va notre argent ? (L’Observatoire, 2023)

Lyon Capitale : Le profil de Michel Barnier comme Premier ministre, plutôt pro-business, est-il, selon vous, à la hauteur des enjeux ?

Agnès Verdier-Molinié : Disons qu’en l’état actuel des choses, c’est l’un des meilleurs castings qu’on pouvait faire. Il fallait quelqu’un. Une personne respectée, en capacité de créer du consensus. Beaucoup de nos compatriotes sont rassurés d’avoir échappé au programme du Nouveau Front populaire qui nous aurait envoyés directement dans le mur de la dette. La mission n° 1 du Premier ministre est de faire atterrir le budget 2025. Il n’est pas certain que les Français aient bien conscience de l’importance de ce budget, peut-être le plus important de la Ve République. On est dans un dérapage du déficit annoncé à 5,6 % de la richesse nationale en 2024. On sait qu’en 2025, si on ne fait rien, on sera à 6,2 %. La dette de la France est à 110,6 % du PIB et pourrait grimper à 124 %. On est lanterne rouge de la zone euro sur ces sujets en déficit public et en dynamique d’augmentation de la dette. Cela fait peser un risque considérable sur la situation de nos finances publiques. Aujourd’hui, le Portugal emprunte moins cher que la France. Les enjeux sont colossaux.

D’autant que la France, compte tenu du dévissage des finances publiques, est visée, depuis le milieu de l’été, par une procédure européenne pour “déficit excessif” – comme l’Italie, la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie et Malte. À ce propos, quelles seraient les conséquences autres qu’une amende à hauteur de 0,1 % du PIB ?

L’amende représenterait entre 2 et 3 milliards d’euros, ce qui n’est quand même pas négligeable quand on est déjà très déficitaire. Dans les faits, cette sanction n’a jamais été appliquée jusqu’à présent. Pour rappel, la première procédure de déficit excessif de la France a démarré en 2003 et a été clôturée en 2007, après que la France a ramené son déficit sous les 3 %. Puis une nouvelle procédure a été engagée entre 2009 (après la crise financière) et 2018. Et, en 2020, la procédure avait été temporairement suspendue en raison de la crise du Covid. Il est possible que cette sanction ne soit jamais prononcée. Mais, au-delà de la sanction ou non, c’est tout le rayonnement de la France en Europe qui est en jeu. Si, demain, la France veut proposer des grands plans d’investissement en innovation au niveau européen, elle n’est pas du tout en posture de pouvoir convaincre ses partenaires. La mauvaise gestion de la France impacte notre influence.

“Nous sommes les passagers clandestins de la bonne gestion des pays du Nord de l’Europe”

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