©PHOTOPQR/LE PROGRES/Maxime JEGAT – Visite du chantier du tunnel Lyon-Turin

Lyon-Turin : Élisabeth Borne rebat les cartes sur les voies d'accès au tunnel

Coup dur pour les soutiens du Lyon-Turin. La Première ministre Élisabeth Borne a donné sa faveur pour un scénario du Comité d’orientation des infrastructures (COI) sur les projets de transports de demain. Un scénario qui, entre autres propositions, repousse la livraison des voies d'accès françaises du tunnel transfrontalier à 2045 et donne la priorité à la ligne historique Dijon-Turin.

Douche froide pour les partisans du "Lyon-Turin" ce vendredi 24 février. Le Comité d’orientation des infrastructures (COI) a rendu son rapport sur les projets de transports à la Première ministre Élisabeth Borne. Or cette dernière a annoncé prendre pour base de travail le scénario de "planification écologique". Ce dernier propose de multiples mesures en France, dont certaines sur le Lyon-Turin. Parmi celles là : repousser la construction de nouvelles voies d'accès au tunnel transfrontalier à 2045 et donner la première place à la modernisation de la ligne existante entre Dijon-Modane. Reste à savoir comment le gouvernement va s'approprier ce scénario concrètement. Matignon annonce déjà ne pas reprendre le scénario dans son intégralité.

"Le COI recommande d’accélérer les études et la réalisation en vue d’une livraison complète pour l’ouverture du tunnel de base Lyon-Turin, dont la ligne Dijon Modane constitue l’accès" explicite l'étude qui privilégie donc la ligne historique, confirmant les données révélées par les fuites de ce rapport en janvier.

En attendant, avec cette nouvelle annonce les compteurs paraissent, de nouveau, à zéro sur le dossier des voies d'accès au tunnel. Malgré les avancées des collectivités locales en faveur d'un tracé l'année dernière, où les élus avaient majoritairement opté pour un scénario "grand gabarit" entre Lyon et Modane à l'entrée du tunnel, tout semble remit à plat côté français. Or le tunnel devrait être livré en 2032 et l'Italie a déjà décidé son tracé.

Pas de voies d'accès avant 2045

Le scénario choisi comme base de travail par le gouvernement prévoit aussi de repousser la livraison des nouvelles voies d'accès au tunnel transfrontalier, sous les Alpes, à l'horizon 2045. Autant dire jamais, à l'échelle de la temporalité politique. Un élément qui était pourtant partie intégrante du projet Lyon-Turin.

La suite : le gouvernement annonce le début des négociations avec les régions et les autres collectivités locales concernées en mars. L'objectif ? Décider d'ici juin un plan de financement de ces infrastructures. Pas de véritable décision avant donc.

La perspective d'un tunnel sans nouvelles voies d'accès se profile donc, sachant que la déclaration d'utilité publique (DUP) du projet expire en 2028. Au-delà, les procédures administratives rejetteraient le projet aux calendes grecques... sauf en cas de choix de l'Etat en faveur de la ligne de train historique - comme le préconise le rapport - qui a toutefois été jugée non proportionnée aux capacités de fret du tunnel par les précédents gouvernements. Un verdict qui fait débat notamment pour les élus écologistes et de la Nupes tant à l'Assemblée nationale qu'à la Ville de Lyon qui demandent la modernisation de la ligne Lyon-Modane, ouverte au XIXe siècle et toujours en activité depuis.

Le Lyon-Turin tel qu'imaginé à l'initial. Un schéma qui pourrait évoluer avec les nouvelles décisions du gouvernement.

Dans le détail, le scénario choisi par la Première ministre prévoit "le report des études pour de nouveaux accès en tunnel au quinquennat 2028-2032, pour un début de réalisation à partir de 2038, et une livraison au plus tôt vers 2045". Soit 13 ans après l'année d'ouverture officielle du tunnel qui est censé être livré d'ici 2032.

La déception de Laurent Wauquiez et des partisans du projet

Soupe à la grimace pour beaucoup d'élus locaux aurhalpins qui avaient soutenu l'idée d'une nouvelle ligne. Les collectivités locales concernées avaient même choisi majoritairement le scénario "grand gabarit", le plus cher et aussi le plus favorable au fret (10 milliards d'euro, 28 millions de tonnes de marchandises par an). Néanmoins, à Lyon, Grégory Doucet (EELV), le maire de Lyon, et plusieurs élus écologistes ou Nupes s'étaient prononcés contre le projet d'une ligne nouvelle, en cohérence avec leur soutien en faveur de la ligne historique.

Laurent Wauquiez, le président (LR) de la Région Auvergne-Rhône-Alpe a réagi à l'annonce de la Première ministre : "Les pistes étudiées aujourd’hui méprisent les attentes du terrain par leur manque d’ambition et par la faiblesse des investissements proposés. Il faut accélérer : l’Italie sera prête à temps ; la France se doit, elle aussi, d’être à la hauteur de l’enjeu." Il poursuit : "Les pistes proposées actuellement par le COI sont inacceptables tant elles condamneraient le transport ferroviaire de voyageurs du quotidien".

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Pareillement pour la député de Savoie, Emilie Bonnivard (LR) qui attaque le Comité d’orientation des infrastructures - "Le COI est composé de membres notoirement opposés au Lyon – Turin" - et le sénateur Cédric Vial (LR) qui rejette les décisions du rapport.

Une décision attendue de longue date

L’État repousse donc sa décision finale sur les voies d’accès depuis 2021. Clément Beaune, le ministre des Transports en fonction depuis juillet 2022, mettait seulement en avant que les collectivités locales devaient s'entendre sur le montant qu'elles étaient prêtes à investir sur le projet d'une nouvelle ligne. Depuis, plus rien de la part du ministère des transports qui attendait ce rapport du Comité d’orientation des infrastructures (COI).

Une absence de décision du ministre qui a étonné aussi à cause du risque de perte des financements provenant de l'Union européenne alors que l'Italie a déjà dessiné un tracé pour ses propres voies d'accès au tunnel et planifié un budget. La date limite de dépôt de dossier était fixée à janvier 2023 jusqu'au prochain mandat d'appel à projet. Résultat, quelle que soit la décision précise du gouvernement, il est certain qu'un projet de nouvelle ligne, s'il a lieu, se fera avec beaucoup de retard.

Impatience de l'Italie et de l'Europe

Pas sûr que l'Italie apprécie ces reports et surtout des ambitions revues à la baisse quant aux nombre de marchandises pouvant transiter par la section française. Dans les colonnes de La Stampa, le ministre italien des Infrastructures et de la Mobilité durable, Matteo Salvini a enjoint Emmanuel Macron a "tenir sa parole". L'Italie a déjà voté ses budgets pour une livraison de ses voies d'accès en 2032.

Même son de cloche du côté de Bruxelles qui s'agace des lenteurs et indécisions françaises. L'Union Européenne est prête à financer jusqu'à 50% du projet total, mais pas sûr qu'elle accepte de payer pour un projet transformé avec un potentiel Dijon-Turin. "Je ferai tout ce que je peux pour demander au gouvernement de tenir ses promesses, car les solutions sont déjà trouvées" rappelait la coordinatrice européenne chargée du dossier, Iveta Radičová lors d'un passage à Lyon en juin dernier.

La Transalpine déplore une "aberration écologique et économique"

La Transalpine, l’association réunissant les acteurs défendant le Lyon-Turin, a réagi : "les propositions alternatives du COI tendent à pérenniser, sur la base de calculs théoriques à mille lieues des réalités ferroviaires locales, la ligne historique Dijon-Modane qui ne correspond en rien aux engagements de la France ni aux objectifs de report modal du Lyon-Turin tel qu’il a été conçu avec nos partenaires internationaux." Elle déplore aussi "le risque d’une telle aberration écologique et économique qui fait peu de cas de l’avis des parlementaires et des collectivités des territoires concernés, des acteurs économiques, des opérateurs ferroviaires, de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, de l’Union internationale du transport combiné rail-route."

Le plus grand tunnel ferroviaire du monde

Rappelons ce projet vieux de trente ans : les enjeux sont européens et pourraient révolutionner la manière de transporter des marchandises à travers les Alpes, sur les 270 kilomètres qui séparent Lyon de Turin. L’objectif est de porter le trafic à 40 millions de tonnes de marchandises échangées en mettant des camions sur des trains afin de capter les flux européens, au cœur d’un immense axe ferroviaire reliant Lisbonne à Kiev. L’idée étant de décarboner la vallée de la Maurienne, polluée par le trafic routier. Le projet se découpe en trois parties : les accès français (150 km), les accès italiens (60 km) et le tunnel de base (57 km), qui deviendra le plus grand tunnel ferroviaire au monde.

Les projets lyonnais sur la table

Enfin, le COI préconise d'accélérer les projets de transports autour de Lyon. Le contournement ferroviaire de Lyon (CFAL), et la mise à quatre voies de la ligne Saint-Fons-Grenay, et un nouveau franchissement du Rhône au sud de Lyon sont posés sur la table parmi les urgences. Aujourd’hui, tout le fret de marchandise sur l’axe nord-sud entre dans Lyon. De quoi engorger des gares comme la Part-Dieu. Le contournement pourrait ainsi assainir cette situation.

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