Décision d'expulsion pour la famille modèle d'intégration

Sur le terrain, les cas de rejets administratifs et d'OQTF sont dénoncés par les associations. Comme dans le cas des Boulendjas.

Il y a des airs lancinants que l'actualité ne cesse de jouer. L'expulsion de familles immigrées en est un des plus récurrents. Mais le dossier qui était à l'ordre du jour mardi matin, au tribunal administratif ne semblait pas devoir rejoindre le flux incessant des procédures de contestation des décisions préfectorales.

Fatiha et Sarah Boulendjas viennent d'Algérie. Suite à des drames familiaux (morts du père et du frère, respectivement à cause d'un cancer et d'un accident), la mère décide de rejoindre ses deux grandes filles, seules attaches familiale évidentes, et qui habitent en France légalement.

Elles arrivent sur le territoire en 2005 avec un visa touristique. Commence pour elles une très rapide et facile intégration à la société française. Il faut dire qu'elles parlent un français impecable, pouvant faire rougir plus d'un ardent défenseur de notre patrimoine linguistique.

Les voies impénétrables des refus préfectoraux

La suite semble à la fois étonnante et classique. Etonnante parce que l'intégration de cette famille est en totale osmose avec le discours ambiant du gouvernement. La demande de titre de séjour en qualité d'ascendant à charge déposée par la mère en 2006 avait été explicitement motivée par la dépendance affective suite à de multiples dépressions liées aux deux décès.

Ensuite, malgré le cadre de la circulaire Sarkozy de Juillet 2006 et l'article 7 bis de l'accord franco-algérien de 1968, les refus s'enchaînent, avec pour arguments un séjour trop " récent " sur le territoire et une mère qui ne serait pas dépendante de ses grandes filles.

Au moment de la majorité de Sarah, la demande de titre de séjour qu'elle fera se verra également refusée. Pour finir un dénouement classique : la Préfecture motive régulièrement ses décisions en fonction de critères oblitérant les réalités familiales." La préfecture argue qu'elles sont entrées récemment en France, qu'elles ont passé la majorité de leur vie sur le territoire algérien et qu'elles ne sont pas nécessairement dépourvues d'attache en Algérie. Moi je plaide sur l'histoire de vie de ces deux requérantes du fait d'abord qu'elles aient perdu leur fils et frère et leur époux et père. Et leur vie se situe sur le territoire français avec une vie privée familiale stable et une vie sociale construite toutes les deux. "

Une famille intégrée et impliquée socialement.

La demande de titre de séjour de Mme Boulendjas a été refusée parce qu'en tant qu'ancienne institutrice elle touchait l'équivalent de 300 euros en Algérie. Cette pension et l'existence d'une famille (au sens large du terme) ont été pesant dans le dossier.

Toutefois, on peut s'interroger sur l'incapacité de la préfecture à juger la consitance de sa relation avec deux filles résidentes en France.

On s'interroge également sur l'évidente intégration de ces deux personnes et du drame familial. Face aux décisions administratives, Mme Boulendjas met en opposition son implication en France : " je faisais des dépressions, Sarah était mineure. Je ne pouvais pas correctement m'occuper d'elle, et elle ne pouvait pas s'occuper de moi. J'ai préféré venir parce que j'ai mes deux filles. C'est tout ce qu'il me reste. L'une est française, ses enfants sont français ; et l'âinée, chez qui je vis et qui n'a pas demandé sa nationalité par paresse, est en situation régulière. Je suis intégrée, bénévole, je donne des cours de français à des personnes étrangères dans un centre social où j'ai été cooptée en tant que membre du Conseil d'administration. Je demande ma régularisation. "

Aujourd'hui, Sarah demeure très " stréssée " par les OQTF (obligation de quitter le territoire français) qui pèsent sur elle et sa mère : " C'est sûr qu'on peut pas régulariser tous les sans papiers mais il existe aussi une immigration choisie. Je suis bien intégrée, je fais des études. Je rentre dans le cadre d'une immigration choisie. Je veux devenir infirmière... en plus il en manque des infirmières en France (sourire). Mais je ne peux pas entrer dans mon école à cause des papiers. J'ai donc fait une inscription en fac de médecine. "

La décision du tribunal sera rendue d'ici trois semaines. En attendant, on ne manquera pas de s'interroger sur cette réflexion de l'avocate de la famille : " Il y a les arguments théoriques que peut nous donner le gouvernement en terme d'intégration, en terme de prime donnée à un certain élitisme au niveau de la scolarité... Et puis ce qu'on a sur le terrain : à savoir des décisions qui interviennent sur des personnes alors que celles-ci remplissent les conditions de la loi. "

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