©Antoine Merlet

À Lyon, Forum Réfugiés offre un foyer aux mineurs étrangers isolés

Depuis avril 2018, Forum Réfugiés assure l’accueil d’urgence des mineurs étrangers isolés sur la Métropole de Lyon. Dans le Centre de mise à l’abri et d’évaluation (CMAE) de l’association, les adolescents trouvent un soutien moral et une communauté à laquelle s’intégrer.

Un abri au bout de l’exil. Le bruit de la sonnette retentit au rez-de-chaussée du Centre de mise à l’abri et d’évaluation (CMAE) de Forum Réfugiés. Une salariée de l’association s’avance vers la porte, l’ouvre sur trois adolescents à l’air épuisé. “Bonjour !”, leur lance-t-elle chaleureusement, avant de les entraîner dans une petite salle où sont disposés plusieurs fauteuils. Ils sont bientôt assis avec une tasse de café entre les mains, encore emmitouflés dans leurs doudounes, leur visage affichant un mélange de satisfaction et d’étonnement. Comme eux, d’autres jeunes étrangers isolés se présentent tous les jours à la porte du centre d’hébergement d’urgence, niché sur les pentes de la Croix-Rousse. L’équipe d’accueil prendra bientôt leurs coordonnées, avant de leur donner rendez-vous pour leur évaluation de minorité. Dans les 24 heures, ils passeront cet entretien lors duquel ils évoqueront les raisons de leur départ du pays (Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée ou encore Albanie), leur situation familiale et comment ils voient leur avenir en France. À son issue, l’évaluatrice donnera une estimation de leur âge, qui sera suivie ou non par les services de la Métropole. S’ils sont reconnus mineurs, ils se verront proposer une solution d’hébergement par l’Aide sociale à l’enfance. Sinon, ils seront remis à la rue, après avoir reçu des informations sur les recours juridiques à leur disposition.

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Dans l’attente du verdict, les jeunes sont hébergés par Forum Réfugiés. Sauf ceux qui arrivent alors que les 25 lits sont déjà occupés : “Nos capacités d’accueil sont parfois saturées, explique Chloé Pons, psychologue travaillant au centre à mi-temps. Ceux qui restent dehors sont inscrits sur une liste d’attente, et on les appelle quand une place se libère. Ou on leur demande de revenir tous les jours s’ils n’ont pas de téléphone. En attendant que l’on puisse les accueillir, on leur indique des solutions d’hygiène et d’alimentation en ville.” D’autres sont réorientés en raison de leur profil particulièrement vulnérable. “Les filles et les jeunes de moins de 15 ans sont systématiquement mis à l’abri à l’IDEF (Institut départemental de l'enfance et de la famille, ndlr), un foyer de la Métropole de Lyon”, indique ainsi Virginie Clair, chef de service adjointe du CMAE.

Au-delà du gîte et du couvert

L’accompagnement proposé par la vingtaine de salariés dépasse de loin le gîte et le couvert, et contribue à créer une communauté autour des jeunes isolés. Ces derniers se retrouvent autour d’activités partagées : “On organise des séances en groupe avec des jeux, des débats, des ateliers d’écriture, décrit Chloé Pons. C’est l’occasion pour eux d’échanger sur leur parcours migratoire, les différences culturelles entre pays.” Au troisième niveau du bâtiment, la salle des éducateurs abrite des grands placards étiquetés “vêtements”, “pharmacie”, “jeux de société”. Les jeunes y circulent comme dans le reste de l’étage, s’adossant sur les bureaux pour discuter. La porte donne sur une petite pièce, où quelques résidents regardent la télé, installés sur des canapés. Ils n’y restent pas affalés toute la journée : “je sors me promener, on joue au football ou à d’autres sports, on va au théâtre”, énumère Christian, un Albanais de 15 ans à l’air espiègle, arrivé en France mi-octobre. Les sorties en groupe sont l’occasion de découvrir un environnement peu familier. “On les emmène à Fourvière pour leur montrer la ville, qu’ils puissent s’y repérer, raconte Virginie Clair. On leur montre aussi où trouver des lieux utiles, comme le Secours populaire.”

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L’accueil est aussi organisé dans un souci d’adaptation au profil des résidents. Par exemple à travers la nourriture : le contenu des repas est choisi afin de ne pas trop choquer les papilles des convives. “On s’est adressé à une entreprise d’insertion locale qui propose une “cuisine du monde”, avec souvent du mafé (sauce originaire du Mali, ndlr), du poulet, beaucoup de riz, détaille Virginie Clair. Mais les jeunes font aussi l’effort de découvrir des aliments. Un jour on leur a apporté des cerises, ils sont partis en fou rire”. Un suivi psychologique particulier est également mis en place. “Il y a très peu d’entretiens individuels, ça marche mal avec ce public-là, explique Chloé Pons. Cela se fait davantage sous forme de discussion informelle. Si on voit qu’un jeune ne va pas bien, on lui propose d’aller chercher le pain pour se retrouver en tête à tête avec lui. On essaye de repérer des syndromes post-traumatiques, de travailler sur les troubles du sommeil.” L’accompagnement se poursuit la nuit : une équipe de veilleurs employée par une société externe reste aux côtés des jeunes. “Ils sont très attentifs aux angoisses nocturnes, précise Virginie Clair. Si un jeune se réveille d’un cauchemar en hurlant à trois heures du matin, ils le répertorient dans un carnet.”

Un séjour prolongé dans l’attente d’un débouché

La durée théorique de l’hébergement d’urgence est de cinq jours. En pratique, les jeunes sont accueillis pendant un mois en moyenne, souvent plus. Le temps pour les services de la métropole de rendre leur verdict, et de trouver une solution d’hébergement si la minorité est reconnue. Cette durée permet à l’équipe de Forum Réfugiés d’affiner ses observations des résidents pour adapter leur orientation. “Les plus autonomes sont dirigés vers une chambre d’hôtel, pour les plus fragiles on recommande un placement en foyer”, explique Virginie Clair. Cette attente laisse aussi le temps aux jeunes de s’attacher au lieu et à ceux qui le font vivre. “Ils reviennent nous voir quand ils sont partis, raconte Virginie Clair. On fait quand même attention à ce qu’ils laissent de la place aux autres qui dorment chez nous”. Dans la cage d’escalier et la salle télé, les visages des adolescents passés par le centre sont omniprésents, immortalisés par des clichés collés sur les murs. “Ce sont eux qui prennent les photos et les accrochent où ils veulent, explique Virginie Clair. Et quand ils partent, ils en choisissent une pour l’emporter avec eux”. Le souvenir d’une famille éphémère, qu’ils doivent quitter pour partir en quête d’un nouveau foyer.

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