Biennale d'art contemporain : les bons sentiments

Bannières au fusain, télés démocratiques, dahlias écloses et politique sucrée.

La dixième Biennale de Lyon ne fait pas dans la demi-mesure question bons sentiments, voire vœux pieux. Par le même temps, elle colle exactement à ce que Hou Hanru, le commissaire de cette édition, nous avait promis avant l'été : l'événement devait être clairement utopiste et, même, " proposer des choses meilleures pour le monde ".

Tout l'enjeu était alors de ne pas verser dans un discours verbeux, tentaculaire et finalement peu audible (comme celui de l'édition 2007). Le défi est-il relevé en 2009 ? Clairement, oui. Alors que le cynisme passe souvent pour une vision sur-élevée du monde, nombre d'artistes de la Biennale se sont approprié le cahier des charges très enrobé du commissaire en évitant, malgré cette ligne éditoriale périlleuse, les œuvres inutilement ludiques ou interactives (comme en 2005, histoire de faire le tour des biennales les moins bonnes). D'un point de vue formel, rien de tout à fait déroutant toutefois cette année. En revanche, sur les discours servis par les œuvres, le visiteur risque d'être surpris au détour d'un mur et même dans l'un des quartiers les plus smarts de la ville (près d'Ainay, dans la fondation Bullukian où Laura Genz expose une chronique percutante du quotidien des sans-papiers de la Bourse du Travail, à Paris).

Hou Hanru a, contre toute attente, fait preuve d'une certaine audace en choisissant de se pencher sur les questions identitaires et leurs pendants sécuritaires, en évoquant la variété des cultures adossée au commun constat de la globalisation. Aussi cette édition est-elle à la hauteur des ambitions qu'elle avançait. Et, sans doute contaminés par toute la vague de sincérité déversée par cet efficace commissaire, on a l'étrange et agréable sentiment de ne pas avoir été menés en bateau.

Sélection en vrac d'œuvres de la Biennale

A la fondation Bullukian : pas de concession. Laura Genz est une toute jeune fille brune, avec tongs et t-shirt noir, large, engagée auprès de la CSP75. Elle a passé plus d'un an à la Bourse du Travail, dans le 3ème arrondissement de Paris, investie par des familles sans-papiers militant pour la régularisation de leur situation. Ces dessins percutants, couleur sépia, représentent des scènes de vie à la façon d'" une chronique de guerre ", et leurs reproductions sous forme de cartes postales sont vendues au bénéfice des occupants de la Bourse, qui ont par ailleurs été expulsés des lieux en juin 2009.

A l'entrepôt Bichat : c'est le lieu qui confère véritablement à cette Biennale sa dimension de défrichage urbain et qui inscrit au mieux son développement plastique sur un territoire, bien qu'elle soit, autant que faire se peut, " internationale ". Pedro Cabrita Reis a conservé l'aspect sale et poussiéreux de ce hangar, tout en le sublimant grâce à un travail de néons qui se lit comme un tableau de Rothko. Obsession géométrique et atmosphère lumineuse réalisée avec délicatesse : sublime.

A la Sucrière : la qualité monte avec les étages, mais le lieu n'est peut-être pas dans sa globalité le plus intéressant. On recommande toutefois le mur de Dan Perjovschi, illustrateur roumain à la craie, fabricant d'utilités hilarantes, inquiétantes et d'une grande justesse. Mais aussi l'installation de la Société Réaliste : le collectif avait à l'origine monté un site " fake ", qui propose sur le modèle des Etats-Unis une loterie pour gagner une carte verte, laquelle donnait cette fois le droit aux Américains de fuir leur pays pour rejoindre l'Europe. Mais des centaines de candidats à l'immigration, résidant en Afrique notamment, ont postulé, prenant le site au sérieux. La Société Réaliste a monté un mur arrondi dans lequel le visiteur pénètre, pour voir toutes les cartes imprimées avec les visages de centaines de Nigérians qui souhaitaient obtenir la carte.

Au musée d'art contemporain : L'artiste chinois Wong Hoy Cheong re-crée à l'identique des tableaux célèbres du 19ème siècle, marquant une sorte d'" esprit français ", avec les visages de Nigérians, de Birmans ou encore d'Iraniens. Pour exemple spécialement frappant, les deux jeunes filles du célèbre tableau de Fantin-Latour, La Lecture, sont " interprétées " ou encore " incarnées " par deux femmes radicalement voilées.

Notre dossier complet sur la Biennale d'Art Contemporain en cliquant ici lien

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