Albert Doutre Autre Direct
Albert Doutre © Tim Douet

Le patron de la police lyonnaise est-il devin ?

La réponse d’Albert Doutre, directeur de la sécurité publique du Rhône, à l’enquête de Lyon Capitale qui dénonce une violation du secret des sources, contient plusieurs contre-vérités. À moins qu’il ne dispose d’un don paranormal…

Vendredi 31 octobre, dans un article intitulé “L’incroyable dérive d’un juge et du premier flic de Lyon”, nous racontions comment un juge d’instruction et le patron de la police locale avaient délibérément violé le secret des sources de Slim Mazni, journaliste à Lyon Capitale (lire ici). Mais, pour Albert Doutre, le patron de la police lyonnaise, le secret des sources “n’est pas le sujet”. Lyon Capitale se “fourvoie complètement”, a déclaré à l’AFP le directeur départemental de la sécurité publique.

Le premier flic de Lyon affirme que le rendez-vous de notre journaliste avec ses sources n’a pas fait l’objet de surveillance ou de filature. Selon l’explication qu’il a donnée à l’AFP, il ne s’agissait que “de captations de vidéosurveillance faites a posteriori”.

Mais comment diable a-t-il su qu’un rendez-vous avait eu lieu dans l’après-midi du 12 avril 2014 à la cafétéria Casino de Mermoz (Lyon 8e) entre le journaliste de Lyon Capitale et des interlocuteurs qui l’informaient d’une enquête en cours ? Car saisir des bandes de vidéosurveillance sur requête d’un magistrat ne se fait pas au hasard. À moins d’être devin…

Il y avait bien une surveillance policière…

En réalité, un procès-verbal de surveillance confirme la présence de policiers autour du rendez-vous entre notre collaborateur et ses sources. L’existence de ce PV est confirmée par une source judiciaire proche du dossier.

Un autre fait confirme l’existence d’une surveillance policière. Quelques jours seulement après la rencontre du 12 avril, un service de police sous l’autorité de M. Doutre avait procédé à l’interrogatoire d’un ancien fonctionnaire de police présent à ce fameux rendez-vous – un ancien policier dont les états de service affichent d’ailleurs plusieurs lettres de félicitation du directeur départemental de la sécurité publique. Selon son témoignage, qu’il confirme à Lyon Capitale, les policiers qui l’ont entendu lui ont présenté des photographies de la rencontre au moment où toutes les personnes présentes s’étaient retrouvées sur le parking extérieur de la cafétéria. Loin de toute caméra de vidéosurveillance…

Enfin, dans une déclaration étonnante, Albert Doutre affirme : “Nous ne cherchons pas à identifier les sources puisque ces prétendues sources, nous les connaissions.” Mais comment pouvait-il connaître les sources de Lyon Capitale, alors que, pour certaines, soit nous n’en avions encore jamais fait usage dans aucun article, soit nous ne les avions même jamais rencontrées avant ce rendez-vous du 12 avril ? À croire que la police lyonnaise compte un devin vraiment doué dans ses rangs…

Des policiers en garde à vue pour avoir saisi l’IGPN ?

D’après les explications données par M. Doutre à l’AFP, la police ne cherchait donc pas à identifier des sources, mais “trois hommes et une femme que la police soupçonne d’avoir fait pression sur un tiers, témoin sous X dans une information judiciaire en cours, la tortueuse affaire dite des “ripoux” de Vénissieux”. C’est ce “soupçon” qui a conduit à l’ouverture d’une enquête pour “violence volontaire sans ITT” supposément commise ce 12 avril, et qui a justifié la convocation de notre journaliste et la mise en garde à vue de quatre personnes le 9 octobre. Pourtant, deux fonctionnaires de police, placés en garde à vue ce jour-là, n’étaient pas présents au fameux rendez-vous du 12 avril…

Reste donc une question : s’ils n’étaient pas présents le 12 avril, de quoi les suspectait-on réellement ? Leur seul lien avec cette affaire, c’est qu’ils ont témoigné à Paris devant l’IGPN, la police des polices, de la manipulation policière de leur hiérarchie. Cette même hiérarchie qui décide de les placer en garde à vue pour une supposée agression qui n’a jamais existé, lors d’une rencontre à laquelle ils n’étaient de toute façon pas présents…

Difficile de voir autre chose dans cette affaire qu’un véritable détournement judiciaire. Le but ? Uniquement savoir qui dans les rangs de la police lyonnaise a eu le courage de dénoncer une manipulation policière, dans l’affaire des ripoux de Vénissieux. En somme, chercher qui a parlé à Lyon Capitale. Et qui a témoigné devant la police des polices.

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