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Pourquoi la commission Duron condamne le TGV

Le rapport Mobilité 21 rendu ce jeudi préconise de traiter en priorité les nœuds ferroviaires et le réseau vieillissant. Fini l'ère des lignes à grande vitesse : la commission suggère une approche nouvelle. Quelles sont les lignes en sursis ?

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Philippe Duron sera-t-il ce jeudi soir l'homme le plus détesté des maires de France ? A moins d'un an des municipales, le député socialiste du Calvados a la lourde tâche de présenter un rapport qui enterre ou repousse nombre de projets pharaoniques – lesquels offrent leur part de rêve aux habitants – qui une autoroute, qui un TGV. L'Etat ne pourra pas réaliser les 245 milliards contenus dans le Schéma national des infrastructures de transport (Snit). Lui et sa commission, mise sur pied par le Gouvernement, ont donc passé au crible tous les dossiers en suspens. On le soupçonnait de recaler les autoroutes, ce n'est finalement pas toujours le cas, l'A45 pourrait ainsi être réalisée (lire ici). On s'attendait moins à ce qu'il condamne autant de TGV. Pourtant, un autre rapport, présenté par Jean-Louis Bianco, ex-ministre, avait préparé les esprits, proposant une alternative avec des trains circulant à 200/220 km/h, ne nécessitant pas la construction de voies nouvelles.

Pas de TGV en deçà de 400 km de distance

La rapport Duron reprend ses conclusions. "La grande vitesse ferroviaire prend tout son sens sur des distances de 400 km à 1 000 km, pour les relations entre grandes métropoles. Elle est ici une alternative efficace et justifiée au transport aérien", estime le document. Au passage, celui-ci relativise le besoin de grosses infrastructures nouvelles : "Avec plus de 29 000 km de lignes et 15 000 km de voies de service, le réseau ferroviaire français est le deuxième en Europe par son linéaire et le plus dense d’Europe rapporté au nombre d’habitants", jugeant qu'une fois la construction des quatre lignes à grande vitesse actuelles, "la France confortera sa place de plus grand réseau européen à grande vitesse derrière l’Espagne". La commission envisage de couper les TER les moins rentables, remplacés par des autocars au coût d'exploitation kilométrique "sensiblement moins élevé". Le rapport pense que l'usager pourrait même y gagner au change grâce à "une amélioration de l'offre".

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Tristan Paret

En revanche, les sages des transports veulent améliorer les autres lignes. Nombre de TER ou de trains intermédiaires ont un gros besoin de modernisation. "Plus de 2 000 km de voies restent à circulation ralentie à cause de l'insuffisance de mise à niveau de sécurité des circulations de train", note le rapport. Ils tirent la sonnette d'alarme sur le problème des nœuds ferroviaires français, prenant exemple de celui de Lyon, jugé "édifiant" : "Les TGV sont souvent ralentis avant leur entrée dans la métropole et pendant sa traversée, les TER peuvent avoir plusieurs minutes de retard aux heures de pointe, les trains de marchandises ont de plus en plus de difficultés à y transiter." Le rapport retient l'amélioration des nœuds ferroviaires lyonnais, marseillais et celui autour de la gare St-Lazare à Paris avant 2030, pour un coût de 6,5 milliards d'euros. Voire celui de Nice (4,2 milliards) si les finances le permettent.

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Epargnée : la ligne Bordeaux-Toulouse

La quasi-totalité des projets de TGV sont repoussés à l'après-2030 : la ligne Bordeaux/Hendaye (5,6 milliards), la ligne Paris/Orléans/Clermont/Lyon (14 milliards), la 2e phase du TGV Rhin-Rhône, la ligne Ouest Bretagne/Pays-de-la-Loire (3,1 milliards), la ligne Montpellier/Perpignan (6,3 milliards). Seule Bordeaux-Toulouse, au coût de 7,1 milliards, serait exécutée avant 2030 si les finances le permettent – c'est le scénario 2, qui comprend une enveloppe de 28 à 30 milliards d'euros entre 2020 et 2030. La commission souligne toutefois qu'en son sein des avis divergents se sont exprimés, certains préconisant "une modernisation de l'existant". Les 155 km qui séparent Montpellier et Perpignan attendront 2030/2050.

Le sort de la ligne Marseille/Nice, aux 200 km de linéaire (carte ci-dessous), est incertain : dans le scénario 1 (8 à 10 milliards entre 2020 et 2030), 5,3 milliards à 7,8 milliards lui seraient alloués entre 2030 et 2050, ce qui est très en retrait du coût d'une ligne TGV. Il ne serait donc plus question que d'un train rapide. En revanche, dans le scénario 2 (28 à 30 milliards), l'Etat ferait preuve de plus de largesse (9,5 à 12 milliards entre 2030 et 2050). L'enjeu : relier les 3e, 5e et 10e agglomérations françaises, et amorcer un arc Barcelone/Marseille/Gênes. Dans toutes les hypothèses, le rapport suggère un séquencement, en se concentrant d'abord sur le traitement des nœuds marseillais et niçois.

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La ligne Paris-Normandie est préparée, elle qui à terme pourrait relier Paris, Nantes, Rouen et Le Havre, avec une section vers Caen et Cherbourg. Mais la commission Duron n'évoque que le traitement du nœud ferroviaire de la gare St-Lazare et celui de Rouen. Le reste sera traité plus tard. De la même façon, il est urgent d'attendre avant de lancer la nouvelle ligne Paris/Orléans/Clermont/Lyon, au coût exorbitant de 14 milliards. Il convient "d'actualiser les études prospectives pour mieux préciser l'horizon de saturation de la ligne Paris/Lyon". Un observatoire y serait dédié. Le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (3,5 milliards) patientera aussi (lire ici).

Les lignes enterrées

La commission donne presque un coup fatal à plusieurs projets. Par exemple, la ligne Ouest Bretagne/Pays-de-la-Loire (3,1 milliards). Il s'agit de créer de nouveaux tronçons entre Nantes et Rennes et sur les axes Rennes/Brest et Rennes/Quimper, s'inscrivant dans le prolongement de la ligne Bretagne/Pays-de-Loire. La commission "considère qu'il existe incontestablement un besoin", mais que le projet "se traduit par un coût pour la collectivité sans commune mesure avec les gains attendus". Le dossier est remis à plat.

Il en va de même pour la ligne Rhin-Rhône, composée de trois branches : une branche Est (140 km), déjà pour partie en circulation, devrait relier Dijon et Mulhouse ; une branche sud (160 km) évoluerait entre Dijon et Besançon, en lien avec l'agglomération lyonnaise ; enfin, une branche ouest offrirait une connexion avec la ligne Paris-Lyon au niveau d'Aisy. La commission a semblé très réservée sur ces esquisses, enterrant carrément les branches ouest et sud. Et la section Est pourrait être lancée entre 2030 et 2050.

Incertitudes sur le Lyon-Turin

Des doutes se sont exprimés sur la réalisation du TGV Lyon-Turin, même si, in fine, le rapport ne fait état que d'"incertitudes de calendrier". "J’ai le sentiment que le TGV Lyon-Turin [estimé à 26 milliards d’euros par la Cour des comptes, ndlr] a du plomb dans l’aile. Et je pense que cet avis est partagé", nous a soufflé un membre de la commission. Les accès français sont majoritairement payés par l'Etat français même si des financements européens seront apportés. Ils se décomposent ainsi : une nouvelle ligne de fret entre Lyon et le sillon alpin, une ligne à grande vitesse entre Lyon/St-Exupéry et Chambéry, une ligne mixte fret/voyageurs entre le sillon alpin et St-Jean-de-Maurienne, et un terminal d'autoroute ferroviaire à l'est de l'agglomération lyonnaise. Ces chantiers sont nécessaires pour éviter "la saturation des lignes existantes et les conflits d'usage entre les différents services qui devront y circuler (fret, TGV, TER)". Toutefois, la commission "n'a pu s'assurer" que la situation deviendrait difficile "avant les années 2035 à 2040". Elle repousse à 2030/2050 leur réalisation.

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