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Laurence Balas © Tim Douet

Machisme en politique : les élues lyonnaises témoignent

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Blagues grivoises, compliments orientés, doutes sur leur capacité ou volonté de les rabaisser émaillent la carrière de nos femmes politiques. Morceaux choisis.

Les machos ont connu leur heure de gloire. Un moment politique magique pour eux où leur parole s'est libérée : "Va faire la vaisselle", "après la putain de la République, la putain de la Région", ou" Geffroy salope". Le 8 et le 9 janvier 1999, pleuvent des phrases assassines sur les quatre femmes qui ont renversé le président sortant, Charles Millon, coupable d'une alliance avec le FN : Marie-Thérèse Geffroy, Florence Kuntz, Fabienne Lévy et Anne-Marie Comparini. Celle-ci l'emporte finalement, soutenue par le PS et notamment quelques femmes telles Annie Guillemot ou Christiane Demontès qui font barrage pour l'aider à monter à la tribune. Mais les machistes se rappelleront à elle quand, défaite par Michel Havard aux législatives de 2007, elle est traitée de "salope" par Patrick Devedjian.

Lévy ()

© Tim Douet

Autre temps, mêmes moeurs. Après le présumé viol de DSK, c'est Georges Tron, ex-secrétaire d'Etat à la Fonction publique, qui est accusé par deux fonctionnaires qui se disent victimes de harcèlement sexuel par l'élu UMP. Et voilà que Luc Ferry révèle une affaire de pédophilie, couverte par les autorités de l'époque. Un doute nous saisit : la politique est-elle cette sphère opaque où tout est possible, comportements machistes, agressions sexuelles et domination du sexe fort ? "La politique est particulièrement machiste parce que c'est un monde où il y a particulièrement peu de femmes. Ils nous prennent parfois pour leur secrétaire", accuse Fabienne Lévy (photo ci-contre), conseillère régionale (Parti Radical). Pour Nora Berra, secrétaire d'Etat à la Santé (UMP), cette attitude discriminatoire est "liée au pouvoir".

Nous avons interrogé une vingtaine d'élues de l'agglomération lyonnaise pour savoir si elles ont été victimes de ces excès de virilité. Certaines, en particulier les plus jeunes, nous ont rassurés. "Je souffre plus d'être jeune que femme", observe Sarah Peillon, conseillère régionale (PS). Selon elle, qui a travaillé à la chambre de commerce et d'industrie, les comportements machistes sont plus fréquents dans le monde économique.

Conseillère générale PS, Sandrine Runel est en "désaccord avec cette polémique". "Toute le monde se lâche et certaines de façon abusive. C'est la vengeance des femmes", décrypte-t-elle. Elle a reçu des observations sur son look, comme "t'es bien jolie aujourd'hui" ou "t'as de jolies jambes". "C'était des remarques, jamais des avances". Elle souligne en revanche avoir essuyé d'authentiques commentaires machistes… par des femmes, plus âgées qu'elle. "Si Collomb t'a choisie, c'est parce qu'il a besoin d'une minette", lui a lancé l'une d'elle, jalouse.

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Sont-elles capables ?

“Tu ne seras pas capable de résister“

Maire de Vénissieux (PCF), Michèle Picard (photo ci-contre) se souvient de la campagne des législatives de 2002 où elle est suppléante d'André Gerin. "Vous êtes sa secrétaire ?", lui demande un électeur. Elle observe aussi amusée le regard interloqué des enfants lorsque le maire leur est présenté.

"Quand je suis devenue députée européenne, la première question qu'on m'a posée c'était 'est-ce que tu penses avoir la carrure pour ce poste, et est-ce que tu parles plusieurs langues ?'. Chose qu'on n'a jamais demandé à mes collègues masculins. C'était l'un des pires moments de ma carrière", confie Martine Roure, conseillère municipale de Lyon (PS). Pour douter de ses capacités à exercer le pouvoir, on a reproché à Hélène Geoffroy "d'être trop douce, tranquille". Elle n'a "pas assez de poigne", disent-ils. Ils ajoutent : “tu ne seras pas capable de résister“.

Pas le droit à la parole

"Vous n'avez rien à dire"

A défaut d'avoir suffisamment de responsabilité, elles ont, croit-on, le pouvoir de la parole. Même pas : "Une femme ne prend pas facilement la parole et ils le sentent", glisse Fabienne Lévy. Ces messieurs ne se pressent pas pour leur tendre le micro.

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Quand elles parlent, ces dames ne sont pas toujours écoutées. Florence Perrin, conseillère régionale (PS), se souvient de interventions en tant que vice-présidente en charge de l'Enfance des Vallons du Lyonnais. Les élus reculent leurs chaises, se détendent. C'est presque une récréation. Ces comportements ne sont pas seulement le fait d'élus de villages. Alors que Nora Berra (photo ci-dessus) s'exprimait au Sénat, elle a été haranguée par un parlementaire socialiste qui s'est écrié : "mais taisez-vous, vous n'avez rien à dire" . "Je lui ai laissé la possibilité de faire ses excuses sur le moment ou plus tard. Il l'a fait tout de suite", raconte-t-elle.

Conseillère communautaire (Europe Ecologie-Les Verts), Pascale Bonniel-Chalier relève que si les femmes sont souvent interrompues, c'est parce qu'elles cumulent moins de mandats. "Leur parole est moins qualifiée car elles ne sont pas en position de pouvoir", analyse-t-elle. Par comparaison, ses collègues masculins sont plus entendus car ils sont déjà maires, vice-présidents ou députés.

Laurence Balas © Tim Douet

Laurence Balas © Tim Douet

Des compliments sur leur physique

"Tu as de jolies jambes"

Conseillère municipale (UMP), Laurence Balas (photo ci-contre) relève l'attitude particulière du maire de Lyon en conseil municipal. Gérard Collomb se montre condescendant voire méprisant à l'égard de ses opposants. Il traite ses opposantes à l'avenant, y ajoutant une pointe de donjuanisme. "Si vous étiez venue dans mon bureau, je vous aurais expliqué", taquine-t-il, en réponse à une question. Il n'a jamais fait pareille offre à Michel Havard ou Patrick Huguet (UMP). "Je le prends sur le ton de la rigolade, mais d'autres s'en énervent", relate l'intéressée.

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Ces dames sont habituées aux compliments sur leur tenue ou leur physique. Faut-il nécessairement y voir du sexisme ? Ne leur arrivent-elles pas de féliciter ces hommes pour leur bonne mine, leur régime ou leur costume ? Fabienne Lévy a plutôt rigolé quand un élu socialiste à la Région lui a lâché : "comment peut-on être aussi sexy et aussi dure en affaire ?". On la soupçonne d'en avoir été flattée. Idem pour Fouziya Bouzerda (photo ci-contre), conseillère municipale (centriste) qui a reçu plusieurs invitations à dîner ou à prendre un verre. Mais à force d'insistance, ce type de propositions lasse. "Quand c'est récurrent, on occulte le contenu et on se cristallise sur le contenant", proteste cette élue qui ne manque de rappeler qu'elle a mari et enfants. Martine Roure (PS) a arrêté de mettre des jupes. Elle en avait marre des remarques en dessous de la ceinture. Florence Perrin se rappelle d'un comité syndical du schéma de cohérence territoriale, en 2002. Elles sont deux femmes parmi une trentaine d'hommes. La jeune élue a le malheur d'être en jupe. Des sifflets traversent la pièce à son arrivée.

Ces petits compliments sont-ils toujours amicaux et désintéressés ? Vice-présidente à la Région, Farida Boudaoud reconnaît avoir été draguée par des élus. "On est obligatoirement sollicitée", souffle la députée Pascale Crozon (PS), évasive. Il y a quelques mois, elle a surpris deux députés se retournant au passage d'une "belle femme mûre", députée elle-aussi. "Elle est encore baisable", avait philosophé l'un d'eux. Ils n'avaient pas réalisé que se tenait près d'eux l'une des parlementaires les plus actives en matière de droits des femmes. "On est tellement peu nombreuses qu'on a l'impression d'être transparentes".

Des blagues graveleuses

"Il n'y a pas que les boules qui vous intéressent ?"

Conseillère régionale (PS), Sheila Mc Carron ne parvient même plus à les compter, les blagues misogynes. Nathalie Perrin-Gilbert nous confie une histoire, survenue en 1997. Elle participe à une commission de sport où elle présente un projet de soutien à une association de boulistes. Le président, un centriste au comique troupier, l'interrompt. "Rassurez-moi, il n'y a pas que les boules qui vous intéressent ?". Un ange passe.

perrin-Gilbert ()

© Tim Douet

Elles couchent pour réussir

"Le père, c'est Buna ou Collomb ?"

Pour Florence Perrin, le summum du machisme a été atteint en 2001. Un élu lui demande si elle a couché pour réussir. "Depuis, j'ai pris des responsabilités et on ne me pose plus directement la question. Mais on l'insinue à mon mari", raconte cette élue de Thurins. Au moment de son élection, Anne-Marie Comparini avait aussi essuyé ce type de sarcasme : "la bise à Queyranne" ou "madame Barre bis". Quand la maire du 1er arrondissement (PS) Nathalie Perrin-Gilbert (photo ci-contre) tombe enceinte de son premier enfant, un élu lui demande : "Le père, c'est Buna ou Collomb ?". Il ne viendrait plus à personne l'idée de lui poser la question, tant elle s'est depuis opposée à eux deux.

Les femmes à la maison

"Qui s'occupe des enfants ?"

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© Tim Douet

La question éducative est une obsession des élus masculins. Mais pourquoi diable s'enquièrent-ils autant du sort des progénitures de leurs collègues ? "C'est une question qu'on ne pose jamais aux hommes", relève Hélène Geoffroy (photo ci-dessus), conseillère générale (PS). "Des collègues masculins m'ont souvent dit : 'tu ne comprends rien, il faudrait mieux que tu t'occupes de tes enfants'", rapporte-t-elle. Cette phrase Florence Perrin l'a aussi entendue à maintes reprises. "Si ton fils se balade un peu trop dans la rue, c'est parce que sa mère fait de la politique".

Une variante : "qui s'occupe de ton conjoint ?". Lors d'une campagne sur les marchés, un homme a interrogé Sheila Mc Carron : « pourquoi n'êtes vous pas chez vous à faire à manger pour l'homme ? ». "Quand j'ai débuté, au conseil général en 2004, des élus hommes avaient demandé aux femmes de “rentrer dans leurs foyers“. Il s'en est suivi une révolte où mes collègues femmes sont revenues avec du tissu et des tricots pour souligner l'absurdité des propos", relate Hélène Geoffroy.

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