La culture va devoir serrer la ceinture

Les subventions de l'Etat allouées à la culture devraient baisser de près de 4% en 2008. Et on évoque déjà des baisses de crédits de l'ordre de 6% pour les scènes nationales, les centres dramatiques nationaux, et certaines scènes de musique actuelles. Au total, ce sont plus d'une vingtaine de structures en Rhône-Alpes qui risquent d'être affectées par une telle restriction budgétaire.

"Ce qui se passe est très grave ! On évoque des coupes très sévères, de l'ordre de 6,5%, sur beaucoup de crédits, dénonce Najat Vallaud-Belkacem, conseillère régionale déléguée à la culture (PS). Les coupes budgétaires en Rhône-Alpes pourraient être de 2,5 millions d'euros, ce qui est l'équivalent de la moitié des sommes consacrées aux compagnies par la Région. La Région ne pourra pas compenser le désengagement de l'Etat". A la Mairie de Lyon, le constat est tout aussi alarmant. Une diminution des subventions aurait de très lourdes conséquences selon Patrice Béghain, adjoint de Gérard Collomb à la Culture : "On enlève un peu aux gros mais c'est tout le monde culturel qui est en crise. Si on diminue de 6% les aides allouées par l'Etat à l'Opéra par exemple, cela représente une perte de près de 350.000 euros ! Il y aurait fatalement des répercussions négatives sur l'emploi, sur la programmation ou la production de nouveaux spectacles. Et l'annoncer maintenant alors que certaines programmations sont parfois établies deux ans à l'avance, c'est le pire qui pouvait arriver".

Le Ministère de la Culture justifie ce gel des subventions par un appel à la vigilance face au poids grandissant de la dette publique. Une décision qui s'avère paradoxale compte tenu de la lettre de mission adressée en août par Nicolas Sarkozy à la ministre de la Culture, Christine Albanel. Le président de la République y insistait sur "l'obligation de résultat" des structures subventionnées, sur la nécessité pour elles de présenter des œuvres "répondant aux attentes du public". Il établissait un lien entre versement des subventions et "popularité" des "interventions". Quand le taux de remplissage du Théâtre de la Croix-Rousse avoisine les 90% et que celui des ballets de l'Opéra est de 100%, difficile de ne pas pointer du doigt ce qui s'apparente à un désengagement de l'Etat. "On est en train d'étrangler la culture, s'indigne Philippe Faure, directeur du théâtre de la Croix-Rousse. Il n'y a plus de budget, plus de volonté politique. Plus qu'un désengagement c'est une absence : on ne peut plus dialoguer avec l'Etat, on est seuls dans nos maisons, on ne discute plus de nos missions, on ne parle que de gel budgétaire. Je vois défiler toutes les compagnies dans mon bureau, c'est terrible ! C'est une situation de totale panique ! Alors que la culture est plus que jamais un enjeu de société...".

Si les institutions nationales sont les premières touchées, l'onde de choc provoquée par une telle diminution des crédits risque fort de se répercuter sur l'ensemble du monde culturel. Jérôme Bouët, Directeur Régional des Affaires Culturelles (DRAC), a beau affirmer que "la distribution des prochaines subventions protègera ces compagnies", et que l'Etat "continuera à protéger les plus fragiles". Mais ce resserrement budgétaire fragilisera inévitablement l'ensemble des compagnies en Rhône-Alpes. Si les grandes institutions doivent se serrer la ceinture, elles hésiteront à coproduire certains spectacles avec de petites compagnies.

Le spectacle vivant n'est pas le seul concerné. Sylvie Burgat, directrice des biennales de Lyon, s'inquiète déjà du gel des crédits de l'Etat. "Une réduction de crédits de l'Etat de l'ordre de 6%, pour nous c'est énorme ; ça nous mettrait dans une situation extrêmement périlleuse, même si on se mobilise à fond, déjà depuis longtemps, pour essayer de recueillir des fonds privés. On sait que l'argent public manque et que la solution est de se tourner vers le privé". Faire appel au privé est peut-être une des solutions à envisager même si comme le confirme Jérôme Bouët : "les entreprises privées préfèrent soutenir les grandes expositions à Paris que la scène régionale".

Où trouver alors les crédits pour financer l'art et la culture et pour finir de boucler le budget 2008 des DRAC ? Certains appellent déjà à un Grenelle de la Culture...

Najat Vallaud-Belkacem, conseillère régionale déléguée à la culture (PS)
"On sent la protestation monter"

Quels risques pèsent sur la culture ?
On évoque des coupes très sévères, de l'ordre de 6,5%, sur beaucoup de crédits, en particulier ceux accordés aux scènes nationales, aux centres dramatiques nationaux, aux scènes de musique actuelles en Rhône-Alpes. Les crédits d'action culturelle - par exemple sur les actions de médiation et de diversification des publics - seraient diminués de moitié !

La Région pourra-t-elle pallier au désengagement de l'Etat ?
Pour Rhône-Alpes, les coupes budgétaires pourraient être de 2,5 millions d'euros, ce qui est l'équivalent de la moitié des sommes consacrées aux compagnies par la Région. La Région ne pourra pas compenser le désengagement de l'Etat. Depuis 2004, les régions se sont engagées dans des politiques culturelles nouvelles, dynamiques et concertées, fondées sur la confiance, le dialogue et le respect des engagements. Il y a donc un vrai décalage avec la politique menée au niveau de l'Etat !

Doit-on s'attendre à une mobilisation des acteurs culturels pour protester contre ce gel des crédits ?
Les acteurs culturels, comme les collectivités locales, sont très inquiets. On sent la protestation monter. Dans les jours à venir, avec les adjoints à la culture des principales villes de Rhône-Alpes, on va monter au créneau. On va se mobiliser tous ensemble, élus, acteurs culturels, y compris le public qui est très concerné par ces menaces qui pèsent, notamment sur les crédits de médiation.

Jérôme Bouët, Directeur Régional des Affaires Culturelles en Rhône-Alpes
"Ne pas opposer public et qualité"

Quelles seront exactement les coupes dans le budget culturel en 2008 ?
Pour l'instant, il ne faut pas tirer de conclusions. Les chiffres restent officieux, les choses ne sont pas définitives. On y verra plus clair dans une quinzaine de jours. Les chiffres annoncés (entre 3 et 8%, ndlr) ne correspondent pas à la réalité. De plus, il ne s'agit que du gel de certains crédits, l'Etat appelle à la prudence pour gérer le poids de la dette. La culture n'est pas le seul secteur concerné.
Le mécénat représente-t-il l'avenir du financement des actions culturelles ?
On peut souhaiter un peu plus de mécénat qu'aujourd'hui. Malheureusement, les entreprises privées préfèrent soutenir les grandes expositions à Paris plutôt que la scène régionale. Mais il demeure impératif que le théâtre attire plus de public, pour augmenter les recettes. Ce qui ne veut pas dire que la qualité sera au rabais. Il ne faut pas opposer public et qualité !

Propos recueillis par Anne-Caroline Jambaud et Mathieu Carbasse

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