Mineur isolée guinéen
© Tim Douet

Lyon : Est-ce qu’on laisse des enfants seuls à la rue ?

Édito issu du mensuel n°769 de Lyon Capitale à paraître ce vendredi 1er septembre - L’agglomération lyonnaise fait face à une arrivée sans précédent d’orphelins africains. Victimes de violences familiales, d’abandon, ou pire, ils fuient. Que cherchent-ils ? Se mettre à l’abri. Étudier pour avoir un avenir.

Ils ont appris l’existence d’une “route” par le Mali, le Niger et la Lybie. Sans conscience des dangers qu’elle leur réserve. Est-on raisonnable à 12, 13 ou 14 ans ? À l’issue d’un périple d’un ou deux ans d’une violence inouïe – où ils ont été dépouillés, traités en esclaves, affamés, abusés sexuellement, ont côtoyé la mort qui a pris nombre de leurs compagnons d’équipée –, quelques-uns de ces enfants voyageurs arrivent à Lyon. Quelques dizaines chaque semaine. Sans famille, sans réseau, sans rien. Est-ce à nous de les prendre en charge ? De suppléer des familles et des États défaillants ? C’est une partie infime de la misère du monde et elle est dans notre ville.

Alors, oui, il nous revient de prendre cette part. Notre nouveau ministre de l’Intérieur a les idées claires, lui sait faire la distinction entre les bons et les mauvais migrants. Les bons ont des diplômes, des opinions ou une identité qui leur vaut d’être persécutés. Ils trouveront refuge… s’il reste de la place dans nos centres d’accueil. Les mauvais, ce sont tous les autres. Ceux qui fuient la famine ou le désespoir, plutôt que la guerre, et dont il faut éviter “l’appel d’air”. Gérard Collomb a tout de même annoncé cet été la création de 3 500 places d’hébergement partout en France. Suffiront-elles à tenir la promesse présidentielle qu’il n’y ait plus un migrant dehors “d’ici la fin de l’année” ? Pour les mineurs isolés, il est interdit d’attendre. Au nom de la morale commune. Et surtout au nom de la loi : la France ne laisse aucun enfant à la rue. Quand un mineur est en danger, elle le nourrit, le loge, le scolarise, l’aide à construire un avenir. S’il est étranger et non régularisable, elle s’efforce au moins qu’il ait un diplôme et un projet quand viendra l’heure de rentrer au pays.

La France confie cette tâche aux départements et à leurs services d’aide sociale à l’enfance. Tous les jours, la métropole prend ainsi en charge un mineur isolé. Mais, tous les jours, elle en renvoie au moins deux ou trois à la rue. Comment fait-elle le tri ? Tous les prétextes procéduriers semblent bons. Un tampon délavé ? Principe de précaution, c’est peut-être un faux papier… L’ado restera dehors. L’étourdi a perdu ses papiers lorsque son bateau a chaviré et qu’il a fait partie des trois seuls survivants, dérivant trois jours accrochés à un flotteur ? Il apprendra à mieux prendre soin de ses affaires sous les voûtes de Perrache. Son récit comporte une incohérence sur un détail, il paraît un peu grand pour son âge, il n’avait qu’une photocopie de ses papiers ? Laissons-le à la rue, surtout ne pas courir le risque de prendre en charge un majeur de 18 ans et un jour…

Est-ce réellement cela, l’humanisme à la lyonnaise ? Tous ces enfants refusés, la métropole les a mis à la porte, manu militari si besoin, en leur disant : “On ne peut rien pour toi, débrouille-toi.” Et tant qu’ils n’ont pas été repérés par une association, qu’ils n’ont pas vu un juge qui va ordonner à la métropole de faire son travail, ils resteront à la rue. Les associations espèrent trouver une oreille plus attentive avec le nouveau président métropolitain, David Kimelfeld. En attendant, ce sont des familles lyonnaises qui ouvrent la chambre d’amis à ces ados perdus. Il est là, l’humanisme à la lyonnaise. Comme il est à Handicap International, qui se lance dans une grande campagne pour faire interdire les bombardements de civils, à l’origine de la crise dont nous ne subissons à Lyon que la queue de comète. À Lyon, où les habitants ont encore un cœur et des idéaux. Et les élus ?

Retrouvez cet édito et notre dossier sur ces mineurs isolés que la métropole laisse à la rue dans le numéro 769 de Lyon Capitale disponible ce vendredi.

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