Lyon Capitale n°155
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Il y a 20 ans : La Catho fait la quête, les laïques protestent

Il y a 20 ans dans Lyon Capitale – La Catho fait désormais partie intégrante de la place Carnot et s’étend même jusque derrière Perrache. Pourtant, elle a failli ne jamais voir le jour dans le quartier.

Lyon Capitale n°155, 21janvier 1998, © Lyon Capitale

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D’abord Bellecour, puis Carnot, enfin les prisons Saint-Paul/Saint-Joseph : depuis sa création, l’université catholique de Lyon n’a cessé de s’étendre. Fondée en 1875 par un groupe de laïcs catholiques, “la Catho” accueille aujourd’hui environ 10 000 étudiants et se place comme une des principales universités de Lyon. Il y a vingt ans, elle n’occupait encore que l’hôtel de Juys, à Bellecour. Sa volonté de s’étendre rencontre l’objectif municipal de l’époque : revitaliser le quartier de Perrache. C’est la caserne Bissuel qui est choisie pour accueillir les nouveaux locaux de l’université. L’opération a un coût : 180 millions de francs, dont la moitié est versée par la collectivité. Trahison de la laïcité française ! pour certaines associations, qui bloquent le projet pendant des années. Il faudra attendre 2005 pour que le nouveau campus accueille ses premiers étudiants.

Lyon Capitale n°155, 21 janvier 1998, p. 13 © Lyon Capitale

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Un article de Lyon Capitale paru le mercredi 21 janvier 1998, signé par Aude Spilmont.

La catho fait la quête, les laïques protestent

Les collectivités locales se sont engagées à verser une subvention de 90 millions de francs à l'université catholique de Lyon pour financer son installation dans l'ex-caserne Bissuel de La place Carnot. Le conseil général et la Région ont déjà donné leur bénédiction. Du coup les associations laïques montent au créneau. Elles dénoncent un non-respect des principes de La séparation des Eglises et de l'Etat et demandent l'intervention du préfet.
"Les fonds publics doivent aller à l'université de la République et non à un établissement privé à vocation confessionnel, comme l'université catholique", s'exclame Jean Pétrilli, président du Comité laïcité république réuni en collectif avec plus de cinq associations dont la Fédération du Rhône de la Libre pensée, la Fédération des œuvres laïques, l'Association lyonnaise pour la défense de la démocratie communale et le Comité local d'action laïque. Un front uni, soucieux de voir respecter la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. Et bien décidé à faire capoter le projet de subvention des collectivités locales à l'université catholique de Lyon pour son installation dans l'ancienne caserne de la place Carnot. Voilà, en effet, bien longtemps que cet établissement privé envisage de transférer sa faculté des sciences ainsi que l'Institut supérieur d'agriculture RhôneAlpes (ISARA) et l'Ecole supérieure pour le développement économique et social (ESDES, école de management et de gestion) sur le site de l'excaserne Bissuel. "Ces formations sont aujourd'hui disséminées dans la presqu'île, ce qui est peu commode", explique le recteur de l'université catholique Mgr Christian Ponson. Ce projet permettrait ainsi le regroupement de tous les enseignements sur deux sites et entraînerait la fermeture des bâtiments annexes. L'installation dans ces nouveaux locaux a cependant un coût : 180 millions de francs d'investissements immobiliers. Les collectivités locales ont donc été sollicitées à hauteur de 90 millions de francs, partagés entre la Région (27 M.F), le Département (27 M.F), la COURLY et la Ville de Lyon (36 M.F). "Ces sommes sont relativement peu importantes face à celles versées par les collectivités locales aux universités publiques, commente le recteur Mgr Ponson. "Enfin dans la mesure où nos formations sont reconnues par l'état et que nous participons à une mission d'enseignement supérieur sur la région, cette demande de contribution des collectivités locales n'a rien d'illégitime. D'autant que l'université catholique n'est pas confessionnelle : nous n'exigeons pas de certificats de baptême aux étudiants."

Les laïques "bernés"

Voilà près de quatre ans que ce projet d'installation de la catho place Carnot revient régulièrement sur le tapis. En mai 1995, la COURLY, alors sous la présidence de Michel Noir vote l'acquisition de l'ex-caserne Bissuel en vue de la rétrocéder à l'Université catholique. Pourtant, quelques mois plus tard, l'opération est annulée par le préfet pour illégalité : un vice de forme a été constaté dans la procédure. Les associations laïques sont alors aux anges mais en décembre Raymond Barre, le nouveau président de la COURLY, invoquant "une revitalisation du secteur de Perrache" fait adopter une nouvelle délibération d'acquisition. Conséquence : les laïques ne tardent pas à remonter au créneau. Mais Raymond Barre les assure que l'acquéreur n'est pas encore choisi et qu'il devra régler le tènement au prix payé par la COURLY. "Dans cette affaire on a vraiment l'impression d'avoir été berné puisque aujourd'hui les collectivités locales se sont engagées à financer l'installation de l'université catholique place Carnot", proteste Jean Pétrilli, du Comité laïcité république. Le 15 décembre dernier le conseil général du Rhône votait, en effet, une subvention de 27 millions de francs à l'université catholique. La proposition a même rallié le parti communiste aux suffrages de la majorité UDF-RPR tandis que le PS s'est abstenu. Deux jours après, la Commission permanente de la Région Rhône-Alpes votait elle aussi le principe d'une participation forfaitaire de 27 millions de francs pour la construction d'un nouveau site destiné à l'université Catholique. On ne connaît pas encore la date d'examen en conseil municipal mais le dossier doit être traité à la communauté urbaine le 26 janvier. La COURLY planche cependant encore sur les modalités techniques et juridiques de l'acquisition de la caserne. Il s'agit, en effet, de ne pas courir le risque d'une nouvelle annulation de l'opération par le préfet. Des négociations sont donc actuellement en cours avec le ministère de la Défense, encore propriétaire du bâtiment.

Un recours au préfet

Plus inquiet que jamais les laïques entendent aujourd'hui tout mettre en œuvre pour que l'ex-caserne Bissuel ne passe pas entre les mains de la catho. Depuis début janvier ils tentent de mobiliser l'opinion à grand renfort de pétition. Le syndicat étudiant UNEFID ainsi que la section départementale de la Fédération nationale Force ouvrière de l'enseignement sont venus les rejoindre au rang des défenseurs de la laïcité. Dans un récent communiqué les représentants départementaux de la FNECFPFO demande, en effet, que "les terrains de la caserne Bissuel soient attribués à l'Université publique qui en a le plus urgent besoin". "Beaucoup d'amphithéâtres sont bondés dans les universités publiques et on refuse chaque année des inscriptions lorsque les sections sont surchargées", renchérit Jean Pétrilli, président du Comité laïcité république. C'est pour demander l'annulation du vote du conseil général et de la Région que les militants ont demandé à être reçus par le préfet vendredi 23 janvier à 18h. Au même moment, un rassemblement aura lieu devant la préfecture. Le front laïque espère ainsi obtenir gain de cause au nom de la loi sur "la séparation des Eglises et de l'Etat". Mr Ponson reste cependant confiant : "L'attribution de subventions par les collectivités locales à un établissement privé d'enseignement supérieur est autorisée par le législateur. Pour preuve cela s'est déjà pratiqué à plusieurs reprises en France. Notamment en faveur de l'université catholique de l'ouest". "Il n'est pas acceptable que les collectivités locales financent un patrimoine immobilier privé. D'autant que la somme de 90 millions de francs est considérable, nous espérons donc un revirement de la jurisprudence", rétorque le président du Comité laïcité république du Rhône. Ainsi dans cette affaire le conflit est davantage un affrontement de principes qu'une bataille strictement juridique. Certes l'université catholique répond aujourd'hui à une mission d'enseignement supérieur. Elle propose en outre des formations qui n'existe pas ailleurs en région comme sa filière agroalimentaire. Mais son enseignement n'est pas accessible à tous. Les droits d'inscription à la catho s'échelonnent entre 6 000 et 12 000 francs alors qu'ils sont de 1 000 francs dans les universités publiques. Ce qui fait dire aux laïques que "le droit à l'instruction et à l'égalité des chances n'est offert que par l'université publique et que l'Etat ne doit pas se désengager sur le privé", explique Jean Pétrilli. Le vieux débat privé/public refait ainsi surface. Reste maintenant au préfet ainsi qu'à la communauté urbaine et à la ville de Lyon à se prononcer sur cette affaire.
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