Affaire Michel Neyret : "Il y a certainement une taupe quelque part"

INTERVIEW - Michel Neyret, ancien numéro 2 de la Police judiciaire lyonnaise, mis en examen le 3 octobre pour trafic de stupéfiants et corruption notamment, incarcéré à la maison d'arrêt de la Santé depuis bientôt trois mois, a été entendu, mardi 20 décembre, pour la première fois par le juge d'instruction, Patrick Gachon. Yves Sauvayre, l'un de ses avocats, répond à nos questions.

Lyon Capitale : Votre client a été entendu mardi par le juge Patrick Gachon. A-t-il pu se défendre sur les faits qui lui sont reprochés ?

Yves Sauvayre : Michel Neyret a répondu à un certain nombre de questions du juge mardi. L'audition s'est déroulée durant trois heures et demie dans l'après-midi. Et en effet, il a pu se défendre. Mais quand vous êtes dans une instruction, ce n'est pas comme lorsque vous êtes placé en garde à vue, vous avez accès aux pièces du dossier. Vous pouvez répondre aux questions du juge sur la base d'éléments concrets. Mardi, nous n'avions pas toutes les pièces du dossier. Certaines ne nous avaient pas été envoyées. Des relevés d'écoutes et une commission rogatoire en particulier. Si bien que nous avons demandé au juge de nous les faire parvenir afin de continuer l'audition dans les meilleures conditions. Ce qu'il s'est engagé à faire. Quand nous les aurons reçues, nous étudierons ces pièces et Michel Neyret sera à nouveau auditionné courant janvier. Mais, oui, on peut d'ores et déjà dire que Michel Neyret s'est défendu mardi, sans problèmes.

Comment se fait-il que vous n'ayez pas eu accès à toutes les pièces du dossier ?

Il ne s'agit pas d'un acte de malveillance de la part du juge. Il est logique qu'entre le moment où celui-ci fixe le rendez-vous de l'audition et le moment où il reçoit le client, d'autres pièces aient pu être apportées au dossier. C'est ainsi que certaines questions posées par le juge hier portaient sur des pièces portées au dossier dont nous n'avions pas connaissance. Nous lui avons demandé de nous faire suivre ces pièces, et de poursuivre l'interrogatoire une fois que nous en aurons pris connaissance. Il n'y a pas eu de problèmes. Il a promis de nous les envoyer très rapidement. Nous espérons pouvoir reprendre l'audition le plus rapidement possible, courant janvier.

Selon certains articles de presse parus ces derniers jours, certaines pièces du dossier ne vous ont pas été transmises permettant d'évaluer le "degré d'intimité" existant entre Neyret et ses amis voyous, Gilles Bénichou et Stéphane Alzraa en particulier. Est-ce à dire que le commissaire Neyret essaie de démontrer au juge qu'il n'était pas "ami" avec eux ?

Il n'a jamais dit qu'il n'était pas ami avec ces personnes. Et comme nous l'avons déjà déclaré Me Versini et moi-même, Michel Neyret a eu par le passé des relations à caractère professionnel avec eux. Le temps passant, ce sont devenues des relations d'amitié, en particulier Albert et Gilles Bénichou. La question se pose donc de savoir aujourd'hui si cette amitié était réciproque ou si elle s'est construite sur un malentendu. Pour qu'il y ait corruption, il faut que l'on prouve qu'il y a eu des rapports professionnels en échange d'avantages personnels. Les éléments et avantages liés à ces relations ne constituent pas, à notre sens, un pacte de corruption.

Comment avez-vous vécu les fuites des écoutes téléphoniques de l'IGS dans la presse ces derniers mois ?

Nous avons posé la question au juge hier. Nous lui avons dit qu'il y avait certainement "une taupe" quelque part. On a pu lire en effet dans la presse que Michel Neyret avait accepté de donner une fiche de police contre 50 000 euros. Tout d'abord, ceci est totalement faux et deuxièmement, par rapport au service rendu, c'est une somme démesurée qui relève d'un délire médiatique. Peut-être que ces fuites proviennent de personnes proches du dossier. Ce qui est certain, c'est que cela nuit à notre travail et à notre client...

Avant l'audition de mardi, vous aviez envisagé de demander la libération sous contrôle judiciaire de votre client afin qu'il puisse passer Noël en famille. Pourquoi avez-vous reculé ?

Nous avions envisagé cette démarche en effet, mais il vaut mieux la repousser. Demander la libération sous contrôle judiciaire de notre client a un triple fondement. Tout d'abord, il s'agit d'un honnête homme qui a servi les intérêts de la Police nationale durant des années. Deuxièmement, son contrôle judiciaire peut être envisagé dans des conditions suffisamment précises pour le laisser sortir. Et troisièmement, Michel Neyret doit franchir cette étape importante qui consiste à s'expliquer sur tout ce qu'on lui reproche. Nous continuons à penser qu'en l'état de la procédure, en dépit du report de l'audition, la détention de Michel Neyret ne se justifie pas.

Comment se sent votre client aujourd'hui ?

La prison est une charge extrêmement lourde, même si Michel Neyret est incarcéré dans le "quartier des particuliers" à la maison d'arrêt de la Santé. Il fait contre mauvaise fortune bon cœur et s'incline devant la décision des juges. Mais il compte bien se défendre.

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