"La campagne PS est autodestructrice"

Arnaud Montebourg, porte-parole de Ségolène Royal, répond aux attaques virulentes de Laurent Fabius à l'égard de sa candidate la semaine dernière dans Lyon Capitale. Tout en appelant Fabius et DSK à "modérer leurs ardeurs", il cogne lui-même sans retenue... Signe que la campagne interne laissera des traces.

Les Français vous reconnaissent une certaine intégrité. Vous avez pourtant rallié la candidate la plus "people"...
C'est au contraire une candidate qui apporte beaucoup d'idées nouvelles dans le débat public. (...) J'ajoute que les dérives de la peopolisation de la politique sont générales : Laurent Fabius avec sa Star Ac', ses carottes râpées dans Paris Match et sa moto de location dans les Pyrénées ; Dominique Strauss-Kahn avec sa femme célèbre et son riad à Marrakech.

Est-ce que cela vous oblige à faire de même ? Pour la première fois, vous avez été "piégé" par Gala...
Comme vous l'indiquez, j'ai été moi-même la victime involontaire de cette dérive que je combats depuis longtemps. J'ai attaqué, comme je le fais systématiquement, toute atteinte à ma vie privée dans la presse.

Au dernier congrès du PS, vous avez refusé la "synthèse" trop droitière. Finalement, n'avez-vous pas le sentiment de soutenir la candidate la plus à droite du PS ?
Le candidat le plus à droite, d'ailleurs plébiscité par les électeurs de droite, c'est DSK ! Ségolène Royal est pour moi la plus audacieuse sur le terrain des valeurs de gauche, parce ce qu'elle s'attaque aux structures économiques, sociales et politiques. Avec les jurys citoyens, ajoutés à la République nouvelle que nous allons fonder, c'est une "révolution démocratique" qui se prépare. (...) Ségolène Royal s'attaque aussi aux structures sociales défavorables aux salariés en proposant d'organiser un syndicalisme de masse. C'est ainsi réconcilier les deux gauches, celle étatiste en réhabilitant la force démocratique de l'Etat, et celle mouvementiste qui s'appuie sur les mouvements sociaux.

Est-elle la seule à pouvoir battre Nicolas Sarkozy ?
Je n'ai pas besoin de sondages pour savoir que les deux anciens ministres des finances de Lionel Jospin sont considérés par l'opinion publique comme ayant une part de responsabilité dans la situation de discrédit dans laquelle la gauche s'est retrouvée plongée le soir du 21 avril 2002, au terme d'un processus de 15 ans de pouvoir. La population a des reproches à adresser à ceux qui ont été les piliers de la gauche pendant des années, comme ils en avaient à adresser à Lionel Jospin. Nous devons nous interroger sur le désir de renouvellement politique, à la fois de notre projet, mais aussi de ceux qui le portent.
De ce point de vue, Ségolène Royal n'est pas "vierge" non plus. Elle a été ministre sous Mitterrand et Jospin...
Elle était une ministre déléguée, toujours sous la tutelle d'autres. Elle n'avait pas le poids politique de Fabius ou Strauss-Kahn, qui ont inspiré une grande partie des politiques sociales-libérales du gouvernement Jospin.

Dans un entretien à Lyon Capitale la semaine dernière, Laurent Fabius décrit le programme de Ségolène Royal comme "une copie de celui de Tony Blair" et "un concours Lépine des idées choc"...
Ce sont des propos particulièrement désobligeants de la part d'un homme qui a théorisé et pratique le blairisme au PS. Le programme de Ségolène Royal, c'est celui du PS ! Enrichi de propositions audacieuses et rénovatrices.

Fabius dénonce aussi les remises en cause des valeurs de gauche par Ségolène Royal, et veut assumer lui une "gauche décomplexée"... N'est-ce pas un discours qui aurait dû vous séduire au lieu d'aller défendre l'encadrement militaire des délinquants ou la suppression de la carte scolaire ?
Elle n'est pas pour la suppression de la carte scolaire, comme le prétend la propagande fabiusienne ! Elle est favorable à sa redéfinition afin d'assurer effectivement l'objectif de mixité sociale aujourd'hui de moins en moins réalisé.. On ne peut pas, comme Laurent Fabius, être à la fois un des porteurs - bien peu crédible - d'une gauche ancrée à gauche, et le meilleur défenseur du statu quo. Sur l'école, sur l'ordonnance de 45, à l'entendre, il ne faudrait rien faire, ne rien faire évoluer ! Alors que ce sont des débats qui ne font que commencer. Les positions de Laurent Fabius sont excessivement conservatrices, au lieu de s'interroger sur la nécessite de rénover notre socialisme.

Les Français vous connaissent pour votre engagement en faveur d'une VIe République Parlementaire. Or au PS, c'est Laurent Fabius qui défend le plus clairement ce projet...
Vous avez totalement tort. Le projet socialiste fait état d'un référendum dans les six mois pour établir une République parlementaire nouvelle. C'est la position des trois. Mais leur manière d'enrichir le projet est totalement différente : pour Laurent Fabius c'est à nouveau le statu quo, il souhaite ne pas affaiblir les pouvoirs du Président. Dominique Strauss-Kahn veut au contraire encore les renforcer. Ségolène Royal veut augmenter le contrepoids des citoyens et abandonner les domaines réservés du Président. Ça c'est la position la plus forte !

On vous connaît aussi pour votre prise de position en faveur du "non". Vous soutenez une candidate du "oui". Est-elle la mieux placée pour relancer l'Europe sociale ?
Dominique Strauss-Kahn instrumentalise le oui, et ne rassemble personne du non. Laurent Fabius instrumentalise le non et ne rassemble personne du oui. Et une troisième réunit le oui et le non, en cherchant à tirer les leçons de la victoire du non et à organiser la réorientation du projet européen : réforme du pacte de stabilité, remise en question de l'indépendance de la Banque centrale, création de normes sociales et environnementales à l'OMC... Elle a évolué intelligemment par rapport à son vote initial.

C'est la plus-value Montebourg ?
C'est surtout l'intelligence politique de la candidate !

En tant que républicain, peut-on dire comme Ségolène Royal que "la campagne interne n'a que trop duré" ?
Je pense que la campagne est autodestructrice. Certains arguments utilisés par les candidats sont exactement ceux utilisés par la droite contre nous. Ce n'est pas acceptable.
Il faudra pourtant bien y faire face, si Ségolène Royal est désignée : Sarkozy n'est pas un tendre non plus...
Le problème c'est que Nicolas Sarkozy pourra se servir de toutes les attaques des socialistes pour dire à Ségolène Royal : "Voyez, mêmes vos amis le pensent !". C'est une source d'affaiblissement considérable.

Ségolène Royal demande aux militants socialistes de la désigner dès le premier tour. Est-ce qu'un second tour serait un échec ?
Non je ne crois pas. D'ailleurs je crois que rien n'est joué et qu'il est nécessaire pour nous d'aller chercher les voix avec les dents et convaincre, encore convaincre.

Lyon Capitale Semaine du 7 novembre 2006 - N°591

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