Dossier Foot : Les petits secrets de Lacombe

Le bureau de Bernard Lacombe fait face à Gerland, son jardin. Il s’y rend seul ou accompagné de Benzema parfois pour sentir la pelouse, toucher le terrain, voir les tribunes, les cages, parler de telle zone de jeu. En bon artisan du ballon rond.

Lyon Capitale : Vous êtes un personnage charismatique du club. C’est vous qui avez été cherché au Brésil les Edmilson, Juninho, Caçapa ou encore Cris...

Bernard Lacombe : (un peu gêné) C’est vrai, que lorsque je suis allé les chercher, ils n’étaient pas connus. J’ai eu la chance de connaître Marcelo qui est notre superviseur au Brésil. La première fois que j’ai vu jouer Edmilson, il m’a fait penser à Laurent Blanc, mais avec dix ans de moins et plus rapide. Techniquement, c’est quelque chose. Ensuite, il y a eu Claudio, Juninho, Nilmar. Pour Cris, il a fallu se battre pour le faire venir car Paul le Guen n’en voulait pas. Ricardo (actuel entraîneur de Monaco et ami de Le Guen) lui a déconseillé de le recruter car Cris n’avait pas réussi à s’imposer au Bayern Leverkusen. J’ai insisté auprès du président pour qu’on le recrute car j’étais convaincu qu’il pouvait beaucoup nous apporter. Il y a un autre joueur que je suis très fier d’avoir fait venir, c’est Mahmadou Diarra. Depuis qu’il joue en Europe, il a gagné six titres (4 avec Lyon et 2 avec le Real). Je suis son papa blanc (rires).

Y a-t-il des joueurs que vous auriez souhaité recruter ?

Sans hésiter, Didier Drogba. Bien avant qu’il signe à Marseille, j’étais en contact avec lui. Il y a un moment on aurait pu le faire signer puis après c’est devenu compliqué car son agent c’était Pape Diouf (devenu depuis président de l’OM). J’ai été en Côte-d’Ivoire, je lui ai emmené un maillot de l’OL, le numéro 9, avec son nom inscrit au dos. On a discuté et c’est là que Pape Diouf m’a demandé ce que j’avais fait car Didier hésitait entre Lyon et Marseille. À l’époque, on souhaitait le faire venir, pour remplacer Sonny, c’était une grande responsabilité. Sinon, lorsque je suis allé chercher Marcelo, en 1993. Il y avait un joueur au Corinthias qui jouait avec Marcelo, un gaucher, que je trouvais très bon. J’ai donc interrogé Marcelo sur ce joueur qui m’intriguait, c’était Rivaldo qui était alors âgé de 18 ans.

On dit que vous êtes en partie responsable de la valse des entraîneurs. Apparemment avec Gérard Houllier, il y a eu quelques incompréhensions...

La seule chose qui m’a dérangé avec Gérard, c’est qu’on avait fait une réunion de deux heures à l’Argenson (restaurant situé à proximité du siège du club), le président, lui, Rémi Garde, Marino Faccioli et moi. On sort de la réunion, on avait parlé de Carew, de prolonger Caçapa, on avait évoqué le cas Piquionne (à l’époque Lyon souhaitait déjà recruter le Martiniquais qui jouait alors à Saint-Étienne). Gérard avait l’air content, de son propre aveu, c’était une réunion constructive. Et lors d’une conférence de presse, il s’est permis de dire qu’à Lyon, il ne peut même pas acheter une poubelle neuve. Je n’avais pas apprécié, car ça allait à l’encontre du club.

Ça vous blesse qu’on puisse dire que vous vous mêlez de tout, même du choix des joueurs ?

Avec l’âge, je pense avoir une certaine expérience, j’ai pris du recul. J’ai un sale caractère, on me prend comme je suis. Je n’ai pas envie de perdre mon temps avec les cons. Je ne dois rien à personne et si on en marre de moi, je pourrai partir la tête haute. Quand je recrute un joueur, ce n’est pas pour embêter les entraîneurs en place, je ne joue pas contre mon club. Je suis Lyonnais, c’est ma ville. Je ne ferai jamais rien qui irait à l’encontre de l’institution OL. Il y a qu’un seul joueur que j’ai imposé à Jacques Santini, c’est Juninho. Et vous savez pourquoi ? Parce que la même année, qui d’autre est venu à Lyon ? Seulement, Eric Carrière. Et que Juninho jouait dans le registre de Malouda. Et aujourd’hui, je ne pense pas qu’on regrette la venue de Juni à Lyon.

On dit souvent que l’OL est une équipe mal aimée. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ?

Je ne sais pas si on est mal aimé, en tout cas on est jalousé. Le problème en France, c’est que les gens qui gagnent, ils dérangent. Yannick Noah, me disait récemment qu’aux États-Unis, lorsqu’un speaker cite tel joueur, classé tant, gagnant tant, les gens applaudissent. En France on te jette des pierres. Dans les années 70, la France était verte le mercredi soir, car le football français c’était l’équipe de Saint-Étienne. Aujourd’hui, la tendance s’est inversée, les plus jeunes sont fans de Lyon. Il faut voir l’amour des gamins pour ce club. Dernièrement, lorsqu’on a fait le déplacement à Caen, il y avait de nombreux enfants avec les maillots de Benzema, Juninho.

Et pourtant, les supporters de l’OL semblent blasés par ces sept titres de champion...

On a l’impression que c’est devenu banal (depuis la fenêtre du bureau de Bernard Lacombe, on aperçoit un groupe de retraités). Je les appelle les spécialistes, ils sont là tous les matins à refaire le match (rires). Ils ont connu les années creuses, difficiles. Mais eux aussi ils sont devenus exigeants. Comme je dis souvent, il faut bien se souvenir de ce qu’on vit en ce moment, parce que ça ne va pas durer aussi longtemps que le marché de Villefranche. Je sais trop ce que c’est la difficulté de réussir. Quand vous êtes en haut, vous ne pouvez que redescendre. Quand on voit un club comme Barcelone, ils en ont gagné que deux de Ligue des Champions. Alors que c’est un club gigantesque.

Au sujet du projet du grand stade, vous ne semblez pas très heureux de devoir quitter Gerland...

Il est évident que pour les anciens, quand on en parle entre nous, notamment avec Fleury Di Nallo (attaquant vedette de l’OL de 1960 à 1974), Gerland, c’est notre histoire, c’est l’histoire de l’OL. Je sais que le stade de Décines, ça fait partie de l’évolution du club. Comme le dit si souvent le président, si on veut passer un pallier, au niveau des structures, des finances, si on a un stade de 60 000, ça va être autre chose. Regardez le Bayern, quand on voit aujourd’hui, l’Allianz Arena, c’est magnifique. Mais il est resté à Munich, à quelques kilomètres de leur ancien stade. Je pense que s’il y avait eu une réelle volonté, on aurait pu construire ce nouveau stade à Gerland.

Comment expliquez-vous cette cascade de blessures. Certains laissent entendre que le responsable c’est Robert Duverne....

Cris qui, comme un bourricot a tapé dans la cuisse de Elmander, Robert Duverne qui est sur son banc, je ne vois pas ce qu’on peut lui reprocher. Cleber Anderson au Mans ou Ludo Giuly qui tape dans Réveillère ou Clerc ici face à Toulouse, c’est pareil. S’il y avait des soucis musculaires, à la limite, on aurait pu se poser la question, mais là, ce n’est pas le cas. C’est de la malchance. Aujourd’hui on est moins performant, il leur faut un peu plus de temps. Il ne faut pas oublier que des joueurs comme Malouda, Abidal avant de signer à Lyon, ils n’avaient disputé aucun match de coupe d’Europe, lorsqu’ils sont partis ils en avaient 35 et autant de sélections en équipe de France.

Qu’en est-il de la situation de Fred ?

Il va terminer son contrat, j’espère qu’il va signer à nouveau. Je suis très embêté par cette situation. Je pense que le vrai Fred, on ne l’a pas encore vu. Parce que si on lui permet sur une année de faire quinze matches, si lui en démontre l’envie, quand on a la chance d’avoir Fred et Benzema, c’est une grande chance pour un club. D’autant plus qu’ils ont une grande complicité. Ils sont même partis en vacances ensemble. J’ai même demandé à Karim de le convaincre de rester (sourire). L’attaquant, je le compare au gardien. Il a besoin d’énormément de confiance, de se sentir soutenu par son entraîneur. Il faut être plus indulgent avec un attaquant, il faut essayer de le comprendre, de lui parler. Fred peut-être qu’il a besoin de ça. Maintenant, attention, je lui ai dit à Fred, qu’il était redevable vis-à-vis du club. Quand il a été blessé, la première fois à la cheville contre Paris, il pouvait terminer meilleur buteur du championnat (il avait marqué 14 buts), et il part jouer avec l’équipe du Brésil, puis il n’est pas rentré pour des problèmes familiaux. On a fait un gros investissement sur lui. Il a six mois pour tout donner et prouver que c’est un grand joueur. Claude est exigeant mais il l’a bien aidé. Fred est un grand buteur, il a quelque chose, mais il ne l’a pas démontré sur une grande régularité. C’est un bon mec, dans le vestiaire il est aimé.

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