Hôtel de ville de Lyon © Eliot Lucas
La mairie de Lyon se dote d’un service pour les personnes sourdes et malentendantes © Eliot Lucas

Municipales : des citoyens dans le gouvernement des communes !

TRIBUNE LIBRE – “Il est temps de sortir de l’idée qu’il n’y a que deux rôles possibles dans la démocratie locale, celui d’électeur et celui d’élu. (…) Il y a place pour des citoyens entreprenants, acteurs de la vitalité locale”, assure Hervé Chaygneaud-Dupuy*, qui prône un “contrat de gouvernement local” donnant “toute sa place à cette forme d’engagement”.

“À Lyon comme ailleurs, le désir de renouvellement de la politique se heurte aux pesanteurs d’un système qui peine à se remettre en cause. On a parfois l’impression de vivre dans Un jour sans fin, le film où le héros est condamné à revivre sans cesse le même jour. Et pourtant, derrière des querelles d’hommes et d’appareils qui ont un air de déjà vu, la politique continue sa mue. Au moins si on accepte de voir que tout ne se joue pas dans le choix des élus.

Comment contribuer à ce renouvellement au cours de cette campagne des municipales quand on ne souhaite pas être candidat, même dans le cadre de listes dites citoyennes ? En tant que citoyens, nous pourrions demander aux futurs élus d’adopter un “contrat de gouvernement” avec quelques règles simples pour donner une place inédite aux citoyens dans le gouvernement de leur commune.

L’irruption des citoyens dans le jeu politique local est souvent mal vécue par les élus. Ils peuvent y voir une menace (par une forme de concurrence déloyale et un risque de blocage) face au pouvoir légitime qu’ils ont acquis par l’élection, menace venant de personnes qui ont des prétentions à être écoutées sans s’astreindre au difficile exercice de la responsabilité des fonctions municipales.

Beaucoup de citoyens voient ainsi leurs tentatives d’engagement au service du bien commun peu prises en compte ou même ostensiblement ignorées alors même qu’elles pourraient contribuer à enrichir la vie locale. Les formes traditionnelles de l’engagement ayant beaucoup perdu de leur attrait (partis, syndicats ou même grands réseaux associatifs d’éducation populaire), il leur est souvent difficile de passer d’une envie d’agir individuelle à l’inscription dans un cadre plus collectif.

Quel dommage de se priver de ce potentiel de citoyenneté active. Pour au moins deux raisons :

– cette énergie citoyenne est une ressource indispensable pour réussir les transitions écologiques et énergétiques en cours qui ne peuvent être mises en œuvre seulement par la règle et l’incitation budgétaire. Nouvelles mobilités, pratiques alimentaires flexitariennes, habitat partagé : autant de transformation des modes de vie qui supposent que les personnes se mobilisent pour construire des solutions qui leur conviennent dans des espaces de négociation collectifs ;

– accueillir cette capacité de mobilisation des citoyens peut aussi faciliter la vie des élus, contrairement à ce qui est souvent imaginé. Remplacer les sollicitations de “monsieur le maire” par des occasions de dialogue constructif pourrait faire baisser la pression sur les élus pris individuellement et rendre les mandats locaux plus sereins et plus efficaces.

Le contrat de gouvernement local devrait faciliter le passage de la sollicitation individuelle à l’élaboration commune de solutions :

– en permettant de mettre à l’agenda local des sujets de préoccupation des citoyens dès lors qu’ils trouvent un large écho au sein de la population ;

– en donnant toute sa place à l’expertise d’usage des citoyens pour construire des solutions qui impliquent réellement les habitants sur les enjeux que porte la municipalité (la démocratie d’implication qu’a mise en œuvre Daniel Cueff à Langouët réussissant par exemple à passer en bio le menu des cantines) ;

– en donnant surtout un débouché concret aux envies d’agir au service du bien commun avant même que des projets soient formalisés.

Pour cela, les règles de gouvernement devraient prévoir au moins :

– un lieu et des occasions de rencontre ouverts à tous les citoyens désireux de se retrouver à leur gré pour échanger, croiser les points de vue, former leur jugement, partager leurs envies d’agir, découvrir des possibilités d’action, retrouver de l’énergie quand ils n’en ont plus. Un lieu géré comme un “commun” au service de la vitalité locale ;

– une rencontre trimestrielle (au minimum) entre les citoyens ayant l’envie de s’engager dans la vie locale, les services et les élus pour choisir les “défis” municipaux sur lesquels l’implication des habitants est jugée indispensable à leur réussite (ex. : un projet zéro chômeurs de longue durée) et pour définir les campagnes de mobilisation citoyenne sur des enjeux perçus par tous, élus et citoyens, comme nécessaires à la vitalité locale (ex. : le renforcement de la présence de la nature en ville).

Le contrat de gouvernement tiendra bien sûr compte des situations locales. Rien ne serait pire qu’un contrat type, signé machinalement et oublié aussitôt après l’élection !

Il est temps de sortir de l’idée qu’il n’y a que deux rôles possibles dans la démocratie locale, celui d’électeur et celui d’élu. Nous ne voulons pas tous devenir des élus, tout en reconnaissant le rôle essentiel de ceux qui acceptent de s’engager au service de leurs concitoyens. À l’inverse, nous ne voulons pas seulement rester des électeurs qui n’auraient plus rien à dire une fois les élections passées sauf dans le cadre d’une démocratie participative octroyée, trop descendante pour être réellement satisfaisante. Il y a place pour des citoyens entreprenants, acteurs de la vitalité locale. Le contrat de gouvernement local doit donner toute sa place à cette forme d’engagement. À nous ensuite de choisir les élus qui accepteront de s’engager à mettre en place ce type de relation aux citoyens.”


* Fondateur et animateur des Ateliers de la citoyenneté au début des années 2000, Hervé Chaygneaud-Dupuy développe aujourd’hui ses idées sur le blog Persopolitique.fr

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