Un Lyonnais est toujours détenu à Guantanamo

Sur les sept français détenus entre 2002 et 2004 sur la base américaine de Guantanamo à Cuba, deux étaient originaires de Vénissieux dans la banlieue de Lyon.

Nizar Sassi et Mourad Benchellali ont été arrêtés en 2002 après avoir suivi le parcours de l'apprenti djihadiste : la mosquée de Finsbury Park à Londres puis direction Islamabad au Pakistan, Jalalabad, Kandahar et Kaboul en Afghanistan. Jusqu'alors, ils étaient les deux seuls enfants des cités lyonnaises à avoir fréquentés la géographie du terrorisme international. Mais l'identité d'un troisième jeune Lyonnais commence à émerger depuis quelques semaines.

Gone de Gerland

Nabil Hadjarab est emprisonné à Guantanamo depuis 2002 sous le numéro 238. Il a connu la même trajectoire que Nizar et Mourad, celle qui mène de Finsbury Park jusqu'aux montagnes du Pakistan et d'Afghanistan. Si le nom de Nabil Hadjarab n'a jamais été accolé à ceux des deux Vénissians, cela tient essentiellement au fait qu'il n'a pas la nationalité française. Né en 1979 à Aentaya en Algérie, Nabil Hadjarab est l'enfant unique du second mariage de son père. Auparavant, ce dernier aurait servi dans l'armée française et eu 7 enfants d'une première union, tous français. Aux débuts des années 1980, son père décide de revenir en France pour ouvrir un petit café à Lyon. Nabil le rejoint et grandit dans le quartier de Gerland notamment.

Mais très vite la situation se dégrade. Son père est alcoolique et l'enfant se trouve placé dans une famille d'accueil. En 1988, le père de Nabil réapparaît et le ramène en Algérie. Six ans plus tard, son père décède. Nabil est alors obligé de quitter l'école afin de trouver des petits boulots pour vivre. En 1999, il a vingt ans et décide de retrouver ses sept frères et sœurs installés dans la région lyonnaise. Il y restera un an sans parvenir à obtenir sa carte de résident. En novembre 2000, Nabil Hadjarab quitte Lyon pour rejoindre Londres et les prêches sulfureux des mosquées de Finsbury Park, de Stamfort Hill et de Baker Street où prêchait l'un des chefs spirituels d'Al-Qaïda en Europe, Abu Qatada Al Filistini.

Dans des rapports successifs, le département américain de la défense soupçonne Nabil Hadjarab d'avoir été en contact à Londres avec Hassan Ibn Omar qui était le bras droit d'Abu Hamza, le chef spirituel de la mosquée de Finsbury Park, condamné pour incitation au meurtre et à la haine raciale. Les rapports précisent également que Nabil Hadjarab a rencontré un dénommé Zacharias à Jalalabad qui lui aurait fourni une Kalachnikov avec laquelle il s'entraînait dans les montagnes afghanes au sein d'un groupe équipé d'armes et de grenades. Mais en 2007, le rapport du département de la défense a innocenté Nabil Hadjarab et l'a autorisé à quitter le camp de Guantanamo, considérant qu'il ne représentait pas une menace pour les Etats-Unis et ses alliés. Voilà un an que les autorités américaines ont statué sur le sort de Nabil mais ce dernier reste toujours prisonnier.

Situation Kafkaïenne

Mourad Benchellali a bien connu Nabil Hadjarab à Guantanamo. Il dit de lui qu'il " faisait partie des détenus les plus calmes. Il rigolait beaucoup. On parlait souvent de Lyon. D'ailleurs, il disait qu'il voulait rentrer en France et qu'il ne voulait pas retourner en Algérie. " C'est précisément ce qui empêche la sortie de Nabil Hadjarab. Pour Christopher Chang, enquêteur pour l'ONG Reprieve basée à Londres, Nabil est encore prisonnier à Guantanamo parce que " les autorités américaines ne sont pas parvenus à finaliser un accord avec les autorités algériennes et parce que Nabil a montré la volonté de rentrer en France où ses liens familiaux sont les plus forts. "

L'Algérie pose des conditions au transfert des détenus de Guantanamo. Pour Alger, le retour de ses ressortissants n'est envisageable que s'ils en font la demande. Or Nabil Hadjarab ne souhaite pas retourner en Algérie, mais veut revenir en France pour retrouver ses frères et sœurs. Nabil Hadjarab vit une véritable situation kafkaïenne. Sans pays d'accueil, il n'a d'autres choix que de rester enfermé à Guantanamo. Christopher Chang considère que la balle est désormais dans le camp des autorités françaises : " Son dossier est sur leur bureau pour considération. Ils ont le pouvoir d'accepter pour lui un retour en France pour que sa famille et lui soient réunis. En Algérie, il n'a vraiment plus rien. " Les ONG Reprieve et Amnesty International plaident pour un retour de Nabil Hadjarab en France et ont d'ailleurs déposé une requête dans ce sens auprès de Nicolas Sarkozy.

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