Plombages : du poison plein les dents

Plusieurs élus écologistes et le Réseau Environnement Santé – qui fédère une vingtaine d'associations de scientifiques, de professionnels de santé, de malades et de protection de la nature – ont envoyé, ce jeudi 5 décembre, aux ministères de l'Environnement, de la Santé et du Travail, l'argumentaire d'un projet de loi d'élimination des amalgames dentaires.

17 tonnes de mercure dentaire sont placés chaque année dans la bouche des Français. Soit un tiers du volume utilisé au niveau européen - et la moitié de la consommation de l'Europe, en incluant la Pologne*. Pour comparaison, l’Allemagne, qui compte 16 millions d’habitants de plus, en utilise six fois moins et l’Italie quasiment plus. La Norvège, le Danemark et la Suède ont interdit l’amalgame entre 2008 et 2009 et dix-huit pays sur 27 consomment moins d’une tonne de mercure par an.

S'engager n'est pas promettre

Ce métal est contenu dans les amalgames dentaires, couramment dénommés "plombages". Neurotoxique (action sur le système nerveux), néphrotoxique (sur les reins), immunotoxique (sur le système immunitaire) et perturbateur endocrinien (système hormonal), c'est l'une des 10 substances qui préoccupent le plus l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré la nocivité avérée du mercure dentaire et les mises en garde récurrentes des plus hautes instances internationales, le mercure continue d'être utilisé tous les jours chez les dentistes.

En octobre dernier, 140 pays ont signé la convention de Minamata (du nom d'une ville japonaise victime du pire empoisonnement dû à ce métal hautement toxique) qui a pour objectif de réduire la production et les utilisations du mercure, en particulier lors de la fabrication de produits et lors de processus industriels. Pour que la convention entre en vigueur, il faut maintenant que les États la ratifient.

De quoi claquer des dents, vu les délais souvent très étirés entre la signature et la ratification.

Pour l'heure, dix-huit pays se sont engagés à interdire l'usage des amalgames dentaires sur leur territoire au plus tard en 2015. En Europe, seules la Suisse, la Georgie, la Suède, la Norvège et le Danemark l'ont déjà interdit. Dix-huit, même parmi les pays les plus pauvres, se sont également engagés à passer à une dentisterie dans mercure d'ici 2015.

"La France peut rejoindre ces pays au plus tôt ces pays, expliquent les signataires de ce projet de loi**. Il n'est pas justifiable de maintenir en usage, un dispositif médical qui empoisonne le patient, le professionnel, les écosystèmes et la population en général ; qui, par transfert placentaire puis lors de l'allaitement, intoxique l'embryon, le fœtus et le nouveau-né ; qui participe ainsi à l'émergence des maladies chroniques : hypersensibilité, maladies neurologiques, maladies mentales, troubles cardiovasculaires, résistance aux antibiotiques, etc."

Un dossier plombé par les conflits d'intérêts

En mai 2012, dans les colonnes de Lyon Capitale, la députée européenne Michèle Rivasi dénonçait la "grande complaisance des autorités sanitaires", notamment et surtout celle de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), en charge des dispositifs médicaux, dont ont bénéficié le conseil de l'ordre des dentistes et la Confédération nationale des syndicats dentaires.

"Depuis la création de l'agence, l'expert officiel chargé de ce dossier, un ondotologiste, dont la déclaration publique d'intérêts indique qu'il est rémunéré par le fabricant de matériaux dentaires Septodont, avait aussi un poste important à la FDI (Fédération dentaire internationale, NdlR). Il a toujours affirmé, contre l'évidence, qu'aucune étude scientifique n'avait pu montrer que les amalgames dentaires présentaient le moindre risque."***

* Rapport de Bio Intelligence Service, contesté par la France.

**Michèle Rivasi, députée européenne, membre suppléant de la Commission Environnement et Santé au Parlement européenne, Aline Archimbaud, sénatrice EELV, secrétaire de la commission des affaires sociales, Jean-Louis Roumegas, député EELV, membre de la Commission des affaires sociales, l’association Non Au Mercure Dentaire et le Réseau Environnement Santé.

*** « Le low cost nuit-il à la santé ? Enquête sur les soins à bas prix ». Lyon Capitale, mai 2012.

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