Bruno Celini

Bruno Celini, mort d’un braqueur de la Dream Team

Exclusif Sud Radio/Lyon Capitale – Bruno Celini est décédé la semaine dernière des suites d’une longue maladie. C’était un des piliers de la plus célèbre équipe de braqueurs des années 2000.

Bruno Celini a été enterré lundi 20 janvier. Celui qui, pendant une quinzaine d’années, avait été des casses les plus audacieux, avait toujours évité les balles et n’était impliqué d’après sa fiche au grand banditisme dans aucun crime de sang, a succombé la semaine dernière aux suites d’une longue maladie. Il avait à peine 60 ans. Il était un des piliers de la Dream Team, une équipe de braqueurs surnommée ainsi par les policiers espagnols en hommage à la mythique équipe américaine de basket qui avait brillé aux JO de Barcelone. Sur un document officiel, le ministère de l’Intérieur ibère avait même été jusqu’à les qualifier de “gang le plus dangereux d’Europe”.

Tableau de chasse présumé : fourgons blindés, centres-forts et deux avions

Héritier d’une entreprise familiale de jouets, Bruno Celini, natif de Villejuif, au cœur de cette banlieue sud qui a formé des générations de braqueurs, croise la route de Michel Crutel dit “le Militaire” qui a réalisé un coup contre un centre-fort de la Brink’s à Colombes en 1985 (73 millions de francs). Trois ans plus tard, Celini plonge pour “association de malfaiteurs” : il est suspecté d’avoir préparé avec le Militaire et un porte-flingue du parrain marseillais Francis le Belge le casse d’un dépôt de 500 kilos d’or, rue Cadet, à Paris.

Au sortir de taule, Crutel, Celini et quelques amis montent ce qui va devenir la Dream Team. Dans les années 1990, leurs méfaits hantent les archives de la police judiciaire, rayon crimes irrésolus. Les enquêteurs les suspectent, sans pouvoir le prouver, d’être les auteurs d’une dizaine d’attaques de fourgons blindés et de centres-forts entre 1996 et 1998. Leur plus beau coup étant le braquage d’un avion, le 13 août 1996, sur l’aéroport de Perpignan. Face à l’Airbus qui atterrit, en bout de piste, un homme encagoulé déploie une banderole : “COUPE TES MOTEURS ET OUVRE LA SOUTE”, en grosses lettres rouges. En moins de trois minutes, les bandits armés de kalachnikovs raflent deux sacs de billets de la Brink’s, soit 4,4 millions francs en pesetas, puis disparaissent.

De leur côté, les policiers espagnols leur attribuent l’attaque d’un convoyeur de diamants sur l’aéroport de Malaga, durant l’été 1999, qui aurait permis à ses auteurs d’empocher 453 millions de pesetas et 120 millions de pierres précieuses (environ 3 millions d’euros).

Ils échappent à l’ADN mais tombent à Noël

Bruno Celini et quatre de ses complices écoperont bien d’une mise en examen pour un casse raté où avait été retrouvé leurs ADN, mais l’avocat historique de l’équipe, Me Denis Giraud, leur décroche un non-lieu en exploitant la thèse de l’ADN transportable. Les flics enragent d’autant plus que les membres de la Dream Team se jouent des filatures, des écoutes et continuent à prospérer. Bruno Celini, le fabricant de jouets ruiné, surnommé “Nono le Commerçant”, en profite pour se rendre en Hongrie en vue de monter un business de parfums.

Mais le champ du cygne approche pour l’équipe de rêve. Michel Crutel est mort en Espagne lors d’un échange de coups de feu entre trafiquants de drogue, un autre membre se tue au guidon de sa moto, un troisième croupit en prison. Le gang recrute à l’extérieur pour un très gros coup. Le 26 décembre 2000, une douzaine d’hommes en noir prend d’assaut un fourgon de la Brink’s chargé à bloc – les recettes de Noël des grands magasins et de Disneyland – à Gentilly, aux portes de la capitale. Ils emportent 41 millions de francs. Mais, le lendemain matin, les flics de la brigade de répression du banditisme (BRB) débarquent dans une planque à Paray-Vieille-Poste (Essonne) et arrêtent quatre membres de la Dream Team – Karim Maloum, Daniel Merlini, Jean-Jacques Naudo et Bruno Celini – endormis sur une partie du butin (16,5 millions de francs) et entourés d’un arsenal de guerre.

Parce que Nono le Commerçant, que des synthèses de police préfèrent surnommer “le Robot” ou “le Robotiseur”, est celui qui s’est procuré la planque, celui qui apparaît le plus sur les écoutes, Bruno Celini endosse crânement au cours de l’instruction comme lors du procès toutes les responsabilités. Il cherche à décharger au maximum ses amis, bien qu’ils aient été pris en flagrant délit ensemble. D’après ses dires, c’est lui qui aurait fait venir les armes, c’est lui qui aurait monté le coup, les autres seraient passés là par hasard ou presque. Ce qui n’empêchera pas les quatre d’écoper de peines de 12 et 13 années de réclusion criminelle. “Bruno Celini était le plus solide de la bande”, confie un grand flic un brin admiratif, qui a toujours pensé que c’était lui, le petit commerçant ruiné et discret, qui était le véritable cerveau de la Dream Team.

“Ce n’étaient pas des voyous, en tout cas pas Bruno Celini”

Quel que soit leur niveau de responsabilité, les membres de cette équipe étaient à part. “C’étaient des braqueurs, ils ne faisaient pas partie du milieu, ce n’étaient pas des voyous, en tout cas pas Bruno Celini”, raconte un truand qui respectait beaucoup le défunt. “C’était un mec bien, un homme de la vieille école”, regrette Me Giraud, qui ne défendait plus Celini depuis des années. À l’issue d’une confrontation dans le cadre de l’instruction de Gentilly, on avait croisé il y a quelques années l’avocat pestant, gentiment, contre ses clients : “On essaye de dire à la juge que la police les présente comme plus beaux qu’ils ne sont, et voilà qu’aux questions de la magistrate ils font assaut de courtoisie, lui adressent des plaisanteries, se révèlent fins, intelligents. Ils n’ont pas pu s’empêcher d’être la Dream Team…”

Les braqueurs respectaient beaucoup la juge Catherine Guidicelli qui, pourtant, instruisait un dossier dans lequel ils risquaient une dizaine d’années de prison. Tant et si bien que, lorsque la magistrats sera tuée dans un accident de la route, Bruno Celini et ses complices enverront une gerbe de fleurs à son enterrement.

La fin d’une époque

Ironie de l’histoire, Nono le Commerçant est décédé alors que la cour d’assises de Paris juge en ce moment même les assassins présumés de Thierry Saman, un gardien d’immeuble qui avait planqué les véhicules servant au braquage de Gentilly et qui était en réalité un indicateur de police, celui qui avait balancé le gang.

À l’issue de ce qui aura été sa plus longue peine – sept ans d’incarcération –, Celini avait été libéré en 2007. Dans un article consacré aux “Coups fumants de la Dream Team” (Libération, 5 février 2011), la journaliste Patricia Tourancheau avait rencontré le braqueur, qui avait transformé son ancienne usine de jouets à Villejuif en studios à louer. Elle décrivait un homme qui “porte beau et entretient ses abdos, moulés dans un polo mauve” et qui, à propos de la Dream Team, disait : “On n’était pas trop maladroits !”

La mort de Bruno Celini conclut la fin d’une époque. Sur les dix hommes qui composaient la Dream Team dans les années 1990, six sont désormais décédés et trois ont replongé en prison ; un seul, l’ancien international de rugby à XIII Jean-Jacques Naudo, est libre et ne fait plus parler de lui.

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