Lyon : en appel, Barbarin conserve sa défense, “des erreurs, pas de faute”

“Rumeurs”, “trucs” ou “agressions sexuelles”, les débats du procès en appel du cardinal Barbarin ont tourné autour de la connaissance, depuis 2010, par l’archevêque de Lyon, des faits perpétrés par le père Bernard Preynat. Les parties civiles ont de nouveau soutenu qu’il était obligé de dénoncer ces faits à la justice. Le cardinal a répondu : pourquoi plus lui que “les familles” ou “la justice” elle-même ?

“Pourquoi moi ? Pourquoi pas les familles ou la justice ?” a questionné le cardinal Barbarin face à la cour. Condamné à six mois de prison avec sursis en mars dernier pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs, l'archevêque de Lyon a axé sa défense sur sa volonté de ne pas apparaître comme le seul coupable de l'omerta générale de l'Église. “L’une des parties civiles m’a dit qu’elle portait plainte contre moi car elle ne pouvait pas le faire contre son père. La plus grande culpabilité est celle de ceux qui savaient et qui ne l'ont pas fait avant. Pourquoi c'eût été à moi de le faire pour eux vingt ans après les faits ? Pourquoi on me le reproche à moi et pas à la police ou à la justice ?” a-t-il demandé. Il a aussi plusieurs fois assuré ne “jamais avoir eu de réponse” de sa hiérarchie sur la façon de traiter “les faits anciens”. “Quand j'ai eu connaissance de faits précis et directs, j'ai toujours réagi dans la seconde”, a martelé l'homme d'Église.

Quel intérêt à agir ?

La défense de Philippe Barbarin rejoint celle de ses avocats, qui critiquent le fondement juridique de sa condamnation. “Depuis le début, il dit la vérité. Il appartient au juge de dire si cette vérité a une réalité pénale ou pas. Il dit qu'il n'a pas toujours pris les bonnes décisions. Il le redit. Mais le droit français dit qu'il n'est pas coupable parce que, si l'on comprend la décision de première instance, maintenant il faudrait déposer plainte pour n'importe quelle personne qui vient vous voir pour partager des faits”, a expliqué maître Jean-Félix Luciani.

La défense du cardinal conteste aussi sur la forme l'intérêt à agir des plaignants : “Cet intérêt se définit par un préjudice actuel, certain et découlant directement de l'infraction. Or, là, il y a une confusion entre Barbarin et l'Église. Ces hommes sont majeurs pour le dernier depuis 1998. Tous les faits ont donc eu lieu avant l'arrivée de Philippe Barbarin à Lyon.”

“Les rumeurs, c’était quoi ? Il leur apprenait à tricher au Monopoly ?”

De son côté, la défense, comme en correctionnelle, a cherché à définir ce préjudice par l'inaction du cardinal. “J'ai appris que Preynat était encore en fonction jusqu'en 2015 sur France 3. C'était au cardinal de le dénoncer, pas à France 3 ou d'autres. C'était à lui. J'aurais gagné dix-sept ans de ma vie. Si M. Barbarin avait foi en Dieu, il aurait réglé le problème tout de suite en 2002. Mais il a foi en son institution, en lui, en sa carrière, je ne sais pas. Dix-sept ans, c'est la moitié de mon silence”, a dénoncé Didier Bardiau, l'une des parties civiles. Les avocats de ces dernières ont tenté de démontrer que Philippe Barbarin n'avait jamais vraiment cherché à faire la lumière sur les faits alors qu'il était au courant “au moins depuis 2010”, lors d'une réunion avec Bernard Preynat. De préciser aussi de nouveau les faits d'agressions sexuelles. Ce que l'homme d'Église nomme des “rumeurs”, “des trucs”.

Les rumeurs, c'était quoi ? Il leur apprenait à tricher au Monopoly avec Preynat ? lance Me Boudot, l'avocat de l'une des parties civiles, au cardinal.

– Ce n’était pas clair, répond le cardinal. Monseigneur Billé lui avait dit [à Preynat, NdlR] d'aller voir un avocat. Personne ne m'a rien dit de précis, ni les parents ni les prêtres qui savaient. C'est l'histoire d'un silence.

– Une rumeur, ce n’est pas “oh, attention, il y a un prêtre”, il y a forcément quelque chose derrière le mot prêtre, renchérit l'avocat.

– Il se dit qu'il y a eu des trucs. Mais personne n'est venu me voir avant 2014 pour me faire part de choses précises.

– Pourtant, vous avez rencontré Preynat lors d'un rendez-vous en 2010. Donc, si je résume l’histoire que vous nous proposez, c’est : vous lui avez dit que vous ne savez rien ; qu'il y a des choses, mais pas de détail ! Et vous, vous dites à Bernard Preynat lors de votre entretien : “Est-ce que rien ne s'est passé depuis 1991 sur des faits dont je ne sais pas ce qu'ils sont ? ironise Me Boudot.

– Ce n'est qu'en 2014 que j'ai eu connaissance de faits précis, répond le cardinal.

2014, justement. Pour la première fois de la procédure, Philippe Barbarin s'est retrouvé coude à coude avec l'une des victimes, Alexandre Hezez. Celui qui va voir le cardinal en 2014. “Les faits étant prescrits, je lui ai dit de chercher d'autres victimes, de mettre ces faits par écrit et que moi je contacterais Rome”, a assuré régulièrement le cardinal. Des faits contestés par la victime de Preynat. “Il ne m'a jamais demandé de trouver d'autres victimes, assure Alexandre Hezez. Il m'a dit “Je vais agir”. Je n'avais pas connaissance de l'existence d'autres victimes et, quand je suis reparti, pour moi c'était clair qu'il y aurait une enquête sur Preynat. Quant au témoignage, je l'avais déjà fait en écrivant à Pierre Durieux [directeur de cabinet du cardinal à l'époque, NdlR].”

En première instance, les juges avaient considéré qu'en saisissant Rome et pas la justice le cardinal avait commis une faute pénale. Demain, la défense s'attellera à démontrer le contraire.

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