Affaire Spanghero : les défaillances des contrôles sanitaires

Depuis la mi-février, la sécurité sanitaire de la viande est remise en question avec deux affaires de tromperie qui trouvent leur origine à l’usine Spanghero de Castelnaudary. D’abord les “lasagnes au cheval” puis, mi-mars, la découverte de lots de viande de mouton en provenance de Grande-Bretagne, dont l’importation est pourtant interdite par l’Europe. Deux affaires symptomatiques, selon l’UFC-Que Choisir, de défaillances au niveau national et européen.

“La viande de mouton a été facturée comme de l’agneau haché, avec l’étiquette viande dénervée d’agneau”, indique le communiqué du ministère de l’Agriculture, lundi 18 mars, après la révélation d’un nouveau scandale chez Spanghero. En réalité, les 57 tonnes de viande de mouton retrouvées dans l’usine de Castelnaudary, en provenance de Grande-Bretagne, ressemblaient plutôt à une “pâte gluante” réalisée à partir d’une technique de découpage mécanique interdite en Europe. Cette affaire signe la deuxième tromperie en quelques semaines, dans une même usine. Et remet forcément en question le circuit du contrôle sanitaire de la viande.

Des garde-fous mis en place avec la vache folle

“Les deux affaires “Spanghero” révèlent la fragilité de notre traçabilité, véritable épine dorsale de la garantie du système sanitaire européen, explique Olivier Andrault, chargé de mission alimentaire à l’UFC-Que Choisir. Plus grave, cette deuxième affaire du mouton touche à l’un des garde-fous de la sécurisation mise en place par l’Europe après la crise de la vache folle.” Car, depuis le scandale né dans les années 1990 en Angleterre, la Commission européenne a interdit l’utilisation des “os de bovins, ovins et caprins originaires de pays présentant un risque d’épidémie d’EST”. C’est-à-dire un risque d’encéphalopathie spongiforme transmissible, plus connue sous le nom de “vache folle” ou “tremblante du mouton”.

Pâte de mouton destinée à la fabrication de merguez

Par précaution (aujourd’hui les risques de contamination sont considérés comme quasi nuls), l’Europe a donc interdit la technique mécanique de séparation de la viande qui permet, via une machine, de récupérer les derniers morceaux de l’animal après avoir broyé la carcasse. Or, les lots interceptés chez Spanghero sont de la pâte de mouton obtenue avec cette technique et destinés, entre autres, à la fabrication de merguez. Comment cette “viande” a-t-elle pu arriver jusqu’aux ateliers de Spanghero ?

La règle : l'autocontrôle

“C’est en principe au pays qui expédie la viande de contrôler les lots”, indique la Direction générale de la santé. Donc à l’agence de sécurité sanitaire britannique, la Food Standards Agency (FSA). Mais ensuite ? Le principe est la libre circulation des produits en Europe et la règle est celle de l’autocontrôle par les professionnels eux-mêmes, les autorités sanitaires françaises – DGAL et DGCCRF – effectuant des contrôles inopinés. La Direction générale de l’alimentation (DGAL) dépend du ministère de l’Agriculture et se charge strictement de la partie sanitaire de l’alimentaire. De son côté, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), elle-même divisée en directions régionales et départementales, peut intervenir sur tous les produits et à tout moment ; elle dépend du ministère des Finances.

Un “millefeuille” administratif

Au-dessus, l’Europe, qui fixe la réglementation sanitaire pour l’ensemble de ses États membres, effectue une surveillance sur les agents français, via sa mission d’inspection vétérinaire. Un “millefeuille” de services dont l’articulation n’est ni évidente ni transparente. “Surtout, les contrôles communiqués par la DGAL [88.299 pour l’année 2011, NdlR] ne sont pas assez nombreux et révèlent une insuffisance de moyens”, poursuit Olivier Andrault. Les agents des fraudes étaient d’ailleurs en grève, jeudi 21 mars, pour protester contre la dégradation de leurs moyens, notamment la baisse de leurs effectifs de 3.500 à 3.000 agents en cinq ans.

La confiance réciproque remise en cause

“Ce qui est très paradoxal dans le système actuel, c’est que la chaîne d’approvisionnement est de plus en plus complexe et les fournisseurs de plus en plus nombreux, mais les moyens pour s’assurer de la sécurité sanitaire sont, eux, de plus en plus faibles”, critique l’ingénieur agroalimentaire. Selon lui, le fonctionnement met en lumière de manière plus large la défaillance de l’Europe : “La Mission d’inspection vétérinaire avait alerté en 2006 et 2008 sur le manque d’effectifs en France pour les contrôles, mais l’Europe n’est pas assez sévère. Finalement, la traçabilité de la viande reposait jusque-là sur un système de confiance réciproque entre les professionnels.” Un système sur lequel on ne peut visiblement pas compter.

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