Je suis un malade imaginaire mais je me soigne

Près de 12 % de la population serait hypocondriaque à des degrés divers. On peut être un malade imaginaire et se faire soigner.

Les hypocondriaques, les phobiques de la maladie, on en connaît de très célèbres : Edgar Allan Poe, Glenn Gould, Kierkegaard, Michel Drucker et surtout Woody Allen. Le cinéaste a même mis en scène ses angoisses récurrentes dans "Hannah et ses sœurs", film aux trois Oscars. Les exemples fourmillent aussi dans la littérature de malades imaginaires. Le plus épique est sans conteste l'Argan de Molière ; toujours au bord de l'évanouissement, il transforme sa maison en véritable anti chambre d'un hôpital, se gave de remèdes en tout genre et tyrannise ses médecins dont aucun ne trouvent grâce à ses yeux. Le personnage fait sourire mais combien d'Argan se cachent en nous ? "On estime que 10 % des patients qui se rendent chez un médecins sont hypocondriaques. Mais si on considère que les personnes qui présentent des troubles de l'anxiété ont fréquemment des manifestations hypocondriaques, c'est 12 % de la population qui serait concerné", souligne le Dr Cottraux, chef de l'Unité de traitement de l'anxiété, à l'hôpital Neurologique de Lyon. La peur phobique d'être malade revêt des formes diverses plus ou moins sévères. Elle peut être temporaire dans une période de grand stress ou de dépression. Une simple accélération des palpitations cardiaques ou des spasmes digestifs fait craindre le pire : l'infarctus ou le cancer.

Hypocondrie délirante
L'hypocondriaque pur, lui, se reconnaît à la multiplication de ses visites chez le médecin. "Ce sont des patients qui font pression sur les généralistes, les cardiologues et les neurologues pour avoir un bilan, un IRM, un scanner. Ils sont dans un état permanent de monitoring sur leur propre corps. Si le médecin les rassure, ils le jugent incompétent ou s'imaginent qu'il ne veut pas lui révéler la vérité", poursuit le Docteur Cottraux. Sous sa forme la plus grave et la plus rare, il existe aussi des hypocondries délirantes. Les individus atteints du syndrome de Cotard, sont persuadés qu'ils n'ont plus de foie, de cœur... Dans le syndrome d'Ekbom, le patient a la conviction d'être envahi de parasites sous la peau et peut se gratter jusqu'à en saigner. Pour ces cas rares, la prise en charge relève de la psychiatrie. Les hypocondries plus communes peuvent parfaitement être prises en charge par une thérapie comportementale et cognitive, efficace dans 70 % des cas. Généralement, une vingtaine de séances suffisent. "On apprend au patient à diminuer, cette autosurveillance du moindre signe corporel et on travaille sur le système interprétatif. Des antidépresseurs peuvent aussi être proposés", explique le Dr Cottraux. On peut donc être un malade imaginaire et se faire soigner. L'acceptation d'une prise en charge médicale, est déjà un grand pas vers la guérison. Car comme le souligne Paolo Repetti, dans le "journal d'un hypocondriaque" : "la seule maladie dont un hypocondriaque ne peut accepter d'être atteint est l'hypocondrie. Il serait obligé d'accepter le caractère illusoire de toutes les autres".

Témoignage. François 35 ans

"Je n'ai pas confiance dans les médecins"

"Je suis toujours dans le doute d'avoir quelque chose de grave. Cette peur, s'est amplifiée vers les 25 ans après le décès d'amis jeunes, l'un d'un cancer, l'autre d'une rupture d'anévrisme. Mon hypocondrie, c'est la peur de la mort. A une époque, j'avais souvent mal au ventre, j'ai insisté auprès du médecin pour avoir une cœlioscopie, j'étais convaincu d'avoir le syndrome de Crosne, une maladie rare. C'était de simples colites (rires). Quand je suis rassuré, je vais mieux pendant un temps mais cela recommence pour autre chose. Lorsque j'ai quelque chose d'anormal sur la peau, je vais direct chez un dermato. Je change toujours de médecin parce que je n'ai pas confiance. Le paradoxe, c'est que lorsque que je suis vraiment malade, j'évite de prendre des médicaments parce que pour moi c'est le signe de la maladie".

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