Marchés publics, Collomb renonce à ses gages de transparence

Il faudra désormais se fier à la bonne gestion des services.

On parlera peut-être un jour du "modèle Estrosi". À Nice, le nouveau maire UMP a décidé de confier à l'opposition de gauche un rôle de "vigie" des finances publiques. La présidence de la commission d'appel d'offres reviendra ainsi à une élue verte, Marie-Luz Hernandez-Nicaise, et celle de la commission des finances au socialiste Yann Librati.

En 2001, Gérard Collomb avait marqué les esprits en nommant l'incontrôlable et intransigeant Etienne Tête (Verts), adjoint aux marchés publics et président de la commission d'appel d'offres. Il avait aussi donné un gage de transparence au Grand Lyon en confiant les marchés à l'ancien banquier barriste Patrick Bertrand. Il ne semble pas prêt à reconduire le geste. Au Grand Lyon, l'expérience s'est arrêtée en 2004 quand Patrick Bertrand a démissionné en accusant le maire de "piper" les marchés dans son dos. À Lyon, Collomb a entendu tous ceux qui se plaignaient de contrôles qui font "perdre du temps". Tête ne sera donc pas reconduit. L'intéressé ne souhaitait de toutes façons pas continuer dans une fonction qui l'obligeait à venir "bûcher tous les dimanches soirs à la mairie"...

Avec Tête, Collomb a aussi décidé d'enterrer le poste d'adjoint aux marchés : la délégation sera coupée en rondelles, chaque adjoint s'occupant désormais de ses propres marchés. Un choix qui réjouit les adjoints désireux de faire avancer plus vite leurs dossiers, mais qui marque un recul certain en matière de transparence, avec le risque d'avoir moins de lisibilité pour les entreprises, plus de marchés cassés par la justice... et de voir les prix s'envoler : "Il n'y a plus de séparation entre celui qui construit et celui qui commande. Durant ce mandat, on a pu absorber les dépassements sur certains chantiers, comme la Plaine Africaine, par d'autres où on a moins dépensé que prévu. Le problème, c'est qu'il y a une culture de dépenser l'enveloppe. S'il y a un peu trop, on décide de remplacer le lino par un parquet... Pour "rendre" de l'argent sur certains dossiers, cela m'a toujours mis en conflit avec l'adjoint concerné..." Pour Tête, "la construction est aussi un enjeu en soi. Construire moins cher, plus écologique, plus durable... Or pour l'adjoint, ce qui compte avant tout, c'est la date d'ouverture de sa crèche".

Seul "gage" de transparence concédé par Collomb, il devrait confier la présidence de la commission d'appel d'offres à un ancien inspecteur des impôts, Alain Giordano (Verts), dont le pouvoir de contrôle sera cependant nettement moins fort que celui d'Etienne Tête.

Sans vouloir instiller une suspicion injustifiée, la disparition du poste d'adjoint aux marchés, qui existait déjà sous Barre avec Alain Bideau, fait sauter une "sécurité" en matière de corruption et autres dérives. "Je crois surtout que les adjoints ne vont pas perdre de temps à s'en occuper. Les marchés, c'est chiant ! Ils laisseront faire les services..." estime Tête.

En matière de gestion de l'argent public, le rôle des services s'annonce déterminant. Un autre "cran de sûreté" a en effet sauté : l'adjoint aux finances, Yvon Deschamps (PS), n'a pas été reconduit. Par son expérience politique et professionnelle, l'homme connaissait tous les rouages de l'administration d'une ville. Il est remplacé par un novice en la matière, l'avocat d'affaires Richard Brumm, qui a annoncé qu'il conserverait son activité professionnelle à plein temps : "Moi j'y passais une dizaine d'heures par jour. J'imagine que lui n'en aura besoin que de 5..." raille son prédécesseur, qui poursuit : "En fait ça dépend de la conception que l'on a de l'action publique. Soit on laisse les services faire, soit on essaye d'avoir un dialogue avec eux".

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