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Halal, casher et électrocution : la campagne qui fait polémique

Lundi 3 janvier, 24 heures avant son lancement national, la campagne d'information sur l'abattage rituel s'affiche déjà dans les rues de Lyon. Portée par un groupement d'associations de protection des animaux, dont la célèbre fondation Brigitte Bardot, ces 4 par 3 tentent de sensibiliser le grand public sur les méthodes d'abattage rituel, au risque d'être accusés d'islamophobie.

Halal, casher, les abattages rituels sont dans le collimateur des défenseurs des animaux. En novembre 2010, une campagne de publicité décrivant le procédé est interdite par l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), et déclenche l'émoi des partisans d'un abattage après étourdissement (électrocution, gazage...). Les militants d'extrême droite dénoncent cet empêchement et y voit la preuve d'une islamisation des consciences.

Des affiches sans références au halal et casher

Janvier 2011, les affiches ne faisant plus référence aux termes halal et casher, mais simplement "abattage rituel" sont autorisées. A côté de la photo d'une vache, des phrases sans équivoque : "Cet animal va être égorgé à vif sans étourdissement et dans de grandes souffrances. C'est ça, un abattage rituel", suivies d'une citation sur fond rouge : "Du point de vue de la protection des animaux et par respect pour l'animal en tant qu'être sensible, la pratique consistant à abattre les animaux sans étourdissement préalable est inacceptable, quelles que soient les circonstances : Fédération des vétérinaires d'Europe".

A l'origine de cette campagne, un collectif de plusieurs associations : Œuvre d'Assistance aux Bêtes d'Abattoirs, Fondation Assistance aux Animaux, Protection Mondiale des Animaux de Ferme, Conseil National de la Protection Animale, Société Nationale pour la Défense des Animaux, Confédération Nationale des SPA de France, et enfin Fondation Brigitte Bardot.

Ensemble, ils militent pour la fin de l'abattage rituel sans étourdissement mais aussi pour un étiquetage spécifique qui précise si l'animal a été mis à mort dans ces conditions. En effet, selon elles, des animaux abattus de manière rituelle sont parfois vendus dans le circuit classique, sans que cela soit précisé.

L'électrocution peut-elle être halal ?

Dès lors les affiches pointent vers le site Internet : www.abattagerituel.com, où les deux méthodes d'abattage sont décrites dans un manque d'objectivité qui ne manquera pas de déclencher certaines polémiques. Contrairement aux brochures et autres dossiers de presse distribués par le collectif, l'abattage conventionnel illustré sur le site est représenté par des dessins monochrome où il expliqué que l'animal est immobilisé individuellement, étourdi et rendu insensible à la douleur suivant divers procédés, puis mis à mort par saignée.

L'abattage classique, le meilleur des mondes ?

De son côté l'abattage rituel a droit à des photographies couleurs qui ne manqueront pas de choquer les plus sensibles. Les animaux sont égorgés à vif, "en pleine conscience". Pour remédier à cette situation, selon le collectif, il est possible de mettre en place un abattage rituel après un étourdissement. Un proposition que rejettent certains juifs et musulmans. Cependant le procédé est déjà utilisé par certains grands groupes industriels pour leur produit halal et casher.

Abattage rituel, les jolis dessins laissent place aux photos

Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon estime que cette proposition "ferait souffrir doublement les animaux" : "Personne ne peut dire que l'abattage rituel fait plus souffrir les bêtes. Des études montre qu'aucune méthode n'est moins dure. Il y a une volonté de nuire aux juifs et aux musulmans. Si demain les industriels doivent étiqueter la viande, ils renonceront à faire du halal et du casher. Les associations militaient autrefois contre les abattages illégaux lors de l'Aïd. Avec l'État nous avons fait des efforts et remédié à ce problème, elles ont trouvé un nouveau prétexte."

"Je suis pour un wikileaks du halal"

De son côté, bien que regrettant le ton partial de la campagne, Fateh Kimouche, fondateur du site communautaire musulman http://www.al-kanz.org estime que l'étiquetage pourrait être une bonne chose : "Il y a beaucoup de faux halal, après électrocution. Avec l'étiquetage, les industriels seraient obligés de clarifier leurs méthodes d'abattage. Informer le consommateur permettrait de mettre les choses à plat ! je suis pour un wikileaks du halal, s'il y avait plus de transparence, il y aurait moins de fraude, c'est la hantise des industriels".

Néanmoins Fateh Kimouche estime que cette campagne donne l'impression que l'abattage après étourdissement ne pose aucun problème : "Si on montrait un abattage classique, on aurait la même réaction de dégout de la part des consommateurs, nous vivons dans un monde aseptisé, édulcoré où tout est beau avec de jolies vaches dans de vertes prairies. Ce qui choque c'est l'abattage en lui-même. Si on montrait toutes les méthodes en vidéo, les gens mangeraient beaucoup moins de viande. Il faut être cohérent : les étiquettes devraient préciser les méthodes d'abattage en détail".

Par ailleurs Fateh Kimouche craint surtout que le mouvement soit récupéré par l'extrême droite et estime que la présence de Brigitte Bardot lui porte préjudice : "Bardot explique que le halal inonde la France en donnant des chiffres fantaisistes. Elle fait du mal aux animaux, plutôt que de parler de leurs souffrances, elle pointe vers le tout halal et casher. Parmi les collectifs, nous avons discuté et travaillé de manière positive avec de nombreuses associations, mais malgré cela l'extrême droite va récupérer le débat, alors qu'elles ne se sont jamais émues de l'abattage traditionnel du cochon, tout aussi choquante".

L'étourdissement pour protéger le personnel

Pour la sociologue Florence Bergeaud-Blacker, il s'agit avant tout d'un problème industriel. Dans un billet paru en novembre 2010, elle rappelle que l'étourdissement est à l'origine utilisé pour protéger le personnel. Tandis que la dérogation légale qui permet aux industriels d'abattre sans étourdissement est utilisé à grande échelle pour permettre un rendement plus efficace, sans temps mort, ou seule la rentabilité prévaut. Dès lors, associations de protections des animaux et religieuses devraient nouer le dialogue et s'opposer ensemble à une industrie qui n'a que faire des conditions de mise à mort : "ces deux alliés objectifs se combattent à mort pour le plus grand profit de l'industrie d'abattage qui ne peut que se réjouir d'une radicalisation stérile du débat". Bien heureux sont les carnivores ignorants qui ne sont point perturbés par tous ces détails gastronomiques.

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