Décryptage

Absence de mémoire historique ou pragmatisme de bon aloi ?

Mars 1998, l'élection de Charles Millon à la présidence de Rhône-Alpes avec les voix du Front national suscite de vives protestations et de grandes manifestations.

Novembre 2007, Dominique Perben (UMP) fait alliance avec les "millonistes" pour conquérir la mairie de Lyon. Pas de réaction, ou si peu. La gauche ose à peine rappeler les vieilles compromissions. De peur de rabâcher, de prêcher dans le désert, de faire un bide ?

Etrangement, le seul à s'être ému publiquement de cette alliance, est aussi un des fervents soutiens de Dominique Perben : Philippe Genin. "Je suis troublé. Je me demande si je peux aller sur la même liste qu'Amaury Nardone qui a été un peu le théoricien de l'alliance avec le Front national. Ça me pose un problème moral. (...) Nardone est venu vers moi pour démentir formellement avoir participé aux négociations avec le FN en 1998. Est-il prêt à le faire publiquement ?" demande-il. Philippe Genin serait-il le seul à avoir des scrupules ?

Dans le camp de la droite, cette union est saluée comme positive et inéluctable. Oubliés les tractations choquantes, les insultes sexistes, les comportements outranciers des "millonistes" (et de certains RPR). Même Fabienne Lévy, l'une des trois élus à avoir dit "non" à Millon en 1998, bénit cette union. "Le problème n'est plus l'alliance avec le FN - depuis, il a implosé. L'enjeu est de réussir le rassemblement le plus large possible, et notamment l'ouverture vers des gens qui ont bossé pendant 7 ans au conseil municipal. Les millonistes n'ont pas une étoile jaune sur la gueule" estime l'élue du Parti radical.

Dans le secteur culturel où la mobilisation anti-Millon avait été exceptionnelle, l'indignation s'est dissoute dans une sorte d'attentisme. Certes Guy Walter, directeur de la Villa Gillet et des Subsistances, s'emporte : "Sous prétexte de stratégie électorale, on ne peut pas s'allier à des gens compromis ; ça veut dire que le primat moral ne compte plus".

Mais d'autres directeurs d'institutions préfèrent ne pas être cités, invoquant avec gêne "obligation de réserve", "peur de se faire instrumentaliser", "absence de vrai danger politique", méconnaissance des faits, ou budget en cours de discussion...
Professeur honoraire de l'université Lyon 2, Claude Burgelin fait un constat plus pragmatique. "Près de 10 ans ont passé ; le millonisme a été un échec politique total. Il est normal que Perben rassemble tout son camp : c'est de la real politique élémentaire. Millon a fait une faute politique et morale grave en 1998, mais on ne peut pas considérer les millonistes comme coupables à jamais" estime Claude Burgelin qui rappelle surtout que "la mémoire historique est de plus en plus courte". En 1998, aux cris de "salope", la nouvelle présidente de région Anne-Marie Comparini, était renvoyée à sa "vaisselle".

C'était il y a neuf ans, autant dire au temps de l'homme des cavernes...

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