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Jean-Louis Baglan

Fuir son collège de secteur : 10 fois plus difficile en 2013

Alors que les élèves ont pris le chemin des vacances, les responsables de l’Académie du Rhône finissent de plancher sur la rentrée scolaire 2013. En particulier sur les demandes de dérogations pour la rentrée en 6e. Si les critères avaient été assouplis en 2007, sous l’ancien gouvernement Sarkozy, ils sont, dans le Rhône, particulièrement encadrés pour éviter la “ghettoïsation” de certains collèges sensibles. Explications de l’inspecteur académique, Jean-Louis Baglan.

Lyon Capitale : Vous venez d’accorder les demandes de dérogation pour la rentrée 2013. À combien d’entre elles avez-vous fait droit ?
Jean-Louis Baglan : Sur 866 demandes, nous en avons accordées 114.

Soit à peine plus de 13 %. C’est peu !
Le Rhône est un département en pleine expansion, avec des collèges urbains déjà pleins. On ne peut donner satisfaction que dans la limite des places disponibles. Souvent, les demandes de dérogation reposent sur une motivation forte de l’élève, mais quelquefois ce sont les parents qui veulent éviter le collège de secteur. Je suis donc très strict sur les dérogations, en particulier pour les demandes de “parcours particuliers”, justement parce que je ne veux pas voir les établissements sensibles se vider.

Pourtant, en 2007, le gouvernement Sarkozy avait décidé d’assouplir la carte scolaire en élargissant les conditions d’attribution des dérogations, justement pour gommer les inégalités sociales et scolaires dans les collèges…
Les dérogations ont toujours été utilisées par des gens bien au fait des rouages administratifs. Mais il est vrai que l’assouplissement de la carte scolaires a permis à tout le monde d’utiliser ces dérogations. Il faut toutefois relativiser. Sur les 14 000 élèves de 6e, 866 demandes, c’est peu…

Une mission d’information réalisée en 2012 par une parlementaire du Sénat, Françoise Cartron (PS), a pris pour exemple la trajectoire de deux collèges du 8e arrondissement de Lyon, Longchambon et Grignard, pour démontrer que cet assouplissement avait ghettoïsé Longchambon au profit de Grignard…
Mais Longchambon était ghettoïsé avant 2007 ! De même, Grignard, il y a dix ans, était un collège avec une image déplorable. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Longchambon est en pleine expansion. On ne modifie pas l’image d’un établissement en quatre ans. Il faut du temps.

Pour la rentrée 2013, le gouvernement Ayrault a adopté une circulaire pour mieux encadrer ces dérogations, notamment en faisant reculer à l’avant-dernière place la demande pour “parcours scolaire particulier”. Est-ce suffisant ?
Moi, je suis très strict envers les demandes de dérogation depuis 2012. Après l’assouplissement de la carte scolaire de 2007, nous sommes passés en l’espace de deux ans de 743 demandes à 1 257. 83 % de ces dérogations recevaient alors un avis favorable. En 2012, nous avons reçu 1 231 demandes. Je n’en ai accordé que 15 %. Il y a eu une chute régulière de la satisfaction de ces dérogations.

Mais il est possible d’éviter son collège de secteur sans forcément faire une demande de dérogation pour parcours scolaire particulier. C’est le cas par exemple des classes bilangues.
Au collège, il n’y a pas beaucoup d’options. Il s’agit surtout de classes bilangues. Elles sont instaurées avec une carte départementale pour équilibrer les territoires. Cette carte est établie en fonction de la demande des établissements et elle est validée par une commission académique. Cette année, par exemple, une bilangue anglais-italien n’est pas de droit. C’est d’abord la priorité au secteur. Ensuite, c’est la politique de langue du premier degré qui joue. Si un élève fait de l’italien au collège, il faut qu’il puisse retrouver l’italien dans son lycée de secteur. Il y a une articulation entre le premier et le second degrés. Comme les collèges dont la renommée est forte sont déjà archipleins, une fois que j’ai accordé les dérogations pour handicap et pour les élèves boursiers, il n’y a plus de place.

Ce qui laisse beaucoup de parents mécontents. Un certain nombre d’entre eux nous ont affirmé avoir finalement fait le choix du privé…
Cela montre bien que certaines demandes pour éviter le collège de secteur ne sont pas fondées sur l’option choisie mais parce que l’établissement n’a pas une bonne image… La question est surtout de savoir comment on fait pour avoir le courage d’une sectorisation qui affiche une mixité sociale. Quand on constate qu’un nombre important de parents veulent fuir un collège, alors il faut se poser deux questions : soit il y a un problème particulier dans le collège, soit le collège en question n’est pas prisé par une population plus favorisée. Prenez l’exemple de la Duchère. La politique foncière de la ville à la Duchère a transformé le quartier, et le renouvellement de l’habitat attire une population plus favorisée qu’avant. Mais, comme le collège de ce quartier a une réputation pas facile, les familles demandent à ne pas aller dans ce collège. L’année dernière, j’ai donc refusé la plupart des dérogations. Il faut que la population qui habite là aille dans ce collège-là.

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