MEDEF : l'obstination de Laurence Parisot dérange

Laurence Parisot a annoncé très officiellement sa volonté de se présenter une troisième fois à la tête du Medef. Dans une longue interview accordée au Monde ce vendredi, la patronne des patrons révèle ses motivations. Décryptage

Dans cette annonce, il n'y a rien de vraiment surprenant. Entre fausses hésitations et véritable volonté, Laurence Parisot avait annoncé vouloir faire voter une révision des statuts de l'organisation patronale. Le 12 janvier dernier, à 1h35 du matin, elle adressait un mail à l'ensemble des membres du Conseil national dans ce sens, précisant souhaiter un allongement du second mandat du président de deux ans. Une manœuvre qui présageait clairement sa volonté de se représenter. C'est désormais chose faite.

"L'audace d'espérer"

"J'ai l'audace d'espérer pouvoir soumettre ma candidature à un troisième mandat", affirme-t-elle au Monde. Elle veut clairement jouer les prolongations. Elle met en avant sa volonté d'harmoniser le calendrier du Medef, parlant "d'anomalie". "Il faut la corriger, pour éviter que ne se produise un jour une circonstance électorale paradoxale où des candidats s'affronteraient, l'un pour trois ans, face à d'autres pour cinq. Si, de surcroît, l'évolution possible des statuts m'autorise à proposer aux électeurs de continuer ma mission, j'en serais très heureuse. » Au passage, elle en profite pour servir sa volonté personnelle de se représenter une troisième fois.

Première femme élue au MEDEF

Issue d'une grande famille d'entrepreneurs, elle devient directrice, en 1990 de l'institut de sondage Ifop. Elle succède à Ernest-Antoine Seillière à la tête du Medef, en 2005. Favorite du scrutin qui l'opposait à trois autres chefs d'entreprises, elle est élue dès le premier tour à la majorité absolue de 271 voix. "Porter une femme à sa tête indique à la France entière l’esprit de modernité qui anime ses entreprises.",dira-t-elle lors de son premier discours devant l'assemblée générale de son syndicat. Cinq ans plus tard, elle sera réélue, sans adversaire. Elle endosse avec fierté son nouvel habit de chef des patrons. Et visiblement elle y a pris goût. "C'est toujours étonnant de voir quelqu'un modifier des statuts pour se succéder à lui même," observe un ancien ministre du gouvernement Fillon. "Elle apparaît comme quelqu'un qui ne veut pas renoncer, qui s'accroche à cette présidence", ajoute-t-il.

Un bilan positif

Pourtant, Laurence Parisot a un bilan plutôt positif, chose qu'aucun ne lui conteste. Elle a su incarner un changement au sein du Medef, notamment sur les questions de société. Elle a écrit un ouvrage singulier critiquant ouvertement le programme économique du Front National. En janvier dernier, elle a signé l'accord sur l'emploi portant notamment sur davantage de flexibilité pour les chefs d’entreprise et une couverture sociale étendue pour les salariés. Elle aurait pu partir avec les honneurs suite à ces négociations qui feront date malgré le refus de la CGT et de FO de les gratifier. Mais non, sans se départir de son énergie légendaire, elle envoie ce fameux mail où elle demande la révision des statuts, quelques heures à peine après avoir signé cet accord. Le timing à la course au pouvoir est serré.

"On ne change pas un code électoral pour servir ses intérêts personnels"

Depuis ses détracteurs dans son propre camp grincent des dents. Ils sont nombreux à s'étonner de cette obstination. Premier en tête, le président du Medef Rhône Alpes, Bernard Gaud. Il a été l'un des premiers à élever une voix officiellement antagoniste. "La méthode et le timing sont inacceptables. On ne change pas un code électoral pour servir ses intérêts personnels", n'hésite-t-il pas à déclarer à Acteurs de l'économie.

Laurence Parisot va à contre-courant des autres organisations syndicales. Les grands leaders profitent des alternances politiques pour instaurer un changement de président, parfois certes dans la douleur comme à la CGT. Au contraire, elle s'accroche en pointant du doigt la crise économique. "Ma motivation est liée à la situation de notre pays, à son avenir, et au rôle potentiellement décisif des entrepreneurs", se justifie-t-elle.

Réponse sous deux semaines

Quatre autres candidats se sont déjà déclarés pour la succession : Pierre Gattaz, PDG de la société d'équipements électroniques Radiall, Thibault Lanxade, patron de la PME de monétique Aqoba, Geoffroy Roux de Bézieux, PDG de Virgin Mobile et Jean-Claude Volot, ancien médiateur du crédit. Le président de la puissante Union des industries et des métiers de la métallurgie, Frédéric Saint-Geours, pourrait aussi se déclarer après le 6 mars.

Si la candidature de Laurence Parisot est approuvée, cela aura forcément nécessité un vote à la majorité des deux tiers de l'assemblée générale de l'organisation. Ce vote pourrait être décidé sous deux semaines. Dans ces conditions, il est difficile de croire que cette même assemblée choisira un autre président, tant il est évident qu'accepter de changer les statuts, c'est aussi le souhait de voir, à nouveau, Laurence Parisot à la tête du Medef.

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