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© Robin Favier

Budget : Queyranne chahuté par ses "adolescents" écolos

La majorité régionale a tangué la semaine du 13 décembre, reflet des crispations croissantes entre écologistes et socialistes. Jean-Jack Queyranne est sous la menace des collègues de Philippe Meirieu qui peuvent à tout moment s'allier avec la droite pour le mettre en minorité. Mais au moment de voter le budget le 17 décembre, tout est rentré dans l'ordre. Comme si les uns et les autres avaient surtout joué à se faire peur.

La tension monte, mais la conclusion était connue. Elle serait heureuse. Oui les écologistes ont voté vendredi 17 décembre le budget régional. Oui, la nouvelle majorité de Jean-Jack Queyranne issue du vote de mars dernier est restée unie. Finalement la seule défection est venue là où on ne l'attendait pas, du Front de Gauche : Armand Creus s'étant abstenu.

Le PS, un parti "vieux", atteint de "surdité"

Pourtant, à suivre les débats qui ont précédé ce vote, on aurait pu en douter. Les échanges dans l'hémicycle ont été houleux, en particulier jeudi. Comme si les uns et les autres avaient joué à se faire peur, avant de se réconcilier harmonieusement ce vendredi matin. C'est une interview de Jean-Jack Queyranne sur France 3 qui a mis le feu aux poudres. "Parfois les écologistes sont des alliés remuants, un peu adolescents - mais après tout on aime bien les adolescents. Il faut leur donner des règles, la discipline", a-t-il déclaré.

Une condescendance qui n'a pas attendri les écolos. L'une des leurs, Gwendoline Delbos-Corfield a qualifié le PS de parti "vieux", atteint de "surdité". "Il n'est pas encore muet", a répliqué le président du groupe socialiste, Jérôme Safar qui s'est dit frappé, à propos de ses alliés, du décalage entre "leur image extérieure sympa et ouverte, et leur attitude fermée et doctrinaire à l'intérieur du conseil régional". Lors de son intervention de vendredi, il a préféré monter à la tribune pour avoir l'assemblée dans son champ de vision, plutôt que de s'exprimer depuis son fauteuil comme c'est la coutume. "Il vaut mieux être en face que vous avoir dans mon dos", a-t-il lâché. Ambiance...

"Finalement, vous allez à la niche"

Les écolos ont pourtant bien voté le budget de Queyranne. "Pourquoi voter contre ? On est dans la majorité, on porte les politiques", s'étonne Eric Piolle, le co-président du groupe Europe Ecologie - Les Verts. A l'été dernier, ils avaient envisagé de proposer un contre-budget. Finalement ils s'en sont tenus à des "amendements de proposition". Tout ça pour ça, a semblé dire l'opposition de droite, spectatrice gourmande des bisbilles à gauche. "Est-ce du masochisme ? Une envie de garder ses postes ? Finalement vous vous couchez, vous allez à la niche", a ricané Fabrice Marchiol, élu UMP.

S'ils votent le budget, les écolos espèrent cependant infléchir la politique régionale. Au cours du premier mandat, ils ont réussi à convaincre Queyranne d'abandonner la conception du nouvel EPR à la Basse-Normandie. Ils ont aussi obtenu de lui l'engagement de ne financer aucun projet autoroutier, comme la future A45 (Lyon/Saint-Etienne). Forts de leurs 37 élus (sur 157), ils placent Queyranne sous la menace d'une mise en minorité. Une situation qui s'est déjà produite (voir ci-dessous).

Les nanosciences sur la sellette

Signes de tensions, les écologistes ont déposé lors de ce débat budgétaire quinze amendements, soit seulement huit de moins que la droite. Le plus emblématique est celui suggérant d'annuler toutes les subventions aux nanotechnologies. C'est là la première pomme de discorde de la majorité. Les écologistes font le parallèle avec l'amiante et les OGM et s'en remettent au principe de précaution.

C'est Thierry Philip (en photo ci-dessus), conseiller régional délégué à la recherche (PS) qui s'est opposé à l'amendement vert. Pour lui, les nanosciences constituent "un élément moteur de la compétitivité des économies". Il a insisté à dessein sur leur possibilité "de réduire l'empreinte écologique des matériaux et à favoriser la préservation des ressources naturelles", évoquant aussi toutes les avancées médicales que les nanosciences laissent entrevoir, par exemple contre le cancer. Il a aussi évoqué le projet Nanosécurité "qui vise à étudier les conditions de protection des producteurs et des utilisateurs de ces technologies ainsi que de l'environnement".

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© Robin Favier

En difficulté avec ses bouillonnants alliés, le PS prie la droite de ne pas soutenir cet amendement. "Le PS a besoin de nous", jubile la radicale Fabienne Lévy. "C'est une situation pas très confortable", reconnaît Jérôme Safar (photo ci-contre). L'opposition régionale ne jouera pas la politique du pire, appuyant toutes les délibérations qui touchent aux nanos. "Ce sont des dossiers sur lesquels l'Etat met beaucoup d'argent. S'opposer aux nanos reviendrait à s'opposer à la politique industrielle du gouvernement", relève Jérôme Safar.

Mis en minorité sur la grille horaire de la SNCF

D'autres sujets portent des désaccords. Les écolos ont voté contre toutes les délibérations concernant l'exposition universelle de Shanghaï où Rhône-Alpes tenait un pavillon. Ils s'opposent aussi avec force à la candidature d'Annecy pour les Jeux Olympiques de 2018, symbole de sport business et d'agressions de milieux naturels. Seuls deux élus écolos n'ont pas obéi à la discipline de groupe : les haut-savoyardes Nicole Billet et Claude Comet.

Les crispations arrivent aussi là où on ne les attend pas, au gré de l'actualité. Par exemple quand il a été décidé de fermer le lycée Mounier à Grenoble pour des raisons de sécurité. Les écologistes estiment ne pas avoir été associés à cette décision, alors que l'établissement présente une mixité sociale intéressante et développe un projet pédagogique innovant. Le lancement très récent de la ligne grande vitesse Paris-Genève par le Haut-Buget (un trajet de 3h05) a fait jaillir de nouvelles crispations. Cette infrastructure emprunte une voie TER existante et par effet de dominos, c'est l'ensemble du réseau régional de l'arc alpin qui est perturbé (Annecy, Chambéry, Grenoble, Valence). En octobre, les élus de droite, du Front de Gauche et Europe Ecologie - Les Verts ont mis Queyranne en minorité sur ce sujet, lors d'un vote en commission permanente. Pourtant la nouvelle grille horaire a bien été appliquée par la SNCF le 12 décembre, avec la promesse de faire mieux l'année prochaine. Mais les écolos n'ont pas apprécié ne pas être associés aux discussions avec l'exploitant ferroviaire.

"La méfiance supplante la confiance"

Ces vexations ont nourri une "lettre ouverte" que les élus écolos ont distribué à leurs collègues cette semaine. Celle-ci pointe "des dysfonctionnements répétés au sein de l'institution, mais aussi, d'abord, au sein de notre majorité (...) la méfiance supplante la confiance. La démocratie interne de notre majorité semble souvent en panne". Le courrier regrette "un mode de gouvernance global opaque (..) une écoute condescendante", reconnaissant qu'eux-mêmes ne sont "pas à l'abri de dérapages".

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© Robin Favier

Et si le principal différent était de méthode ? Le PS est attaché à harmoniser leurs positions en intergroupe pour éviter à ce que les désaccords ne s'expriment en séance plénière. Peine perdue : les différents finissent toujours par se répandre en séance. "Ca ne nous gêne pas de débattre devant la droite. Il n'y a pas de raison de montrer un monolithisme militaire", confirme d'ailleurs Eric Piolle (en photo ci-dessus). C'est ainsi qu'ils avaient préparé les trois jours de débat du vote budgétaire la semaine dernière. Or surprise le lundi précédent le vote, à quelques heures du dépôt officiel des amendements, les socialistes ont découvert de nouveaux textes. Jérôme Safar, philosophe, en prend son parti. "Aujourd'hui les électeurs conçoivent des expressions publiques divergentes". Qu'il se rassure : ce n'est pas prêt de s'arrêter.

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