Montigny-lès-Metz : les 5 raisons d'un "naufrage judiciaire"

Un nouveau procès devrait se tenir, pas avant 2015 pour, peut-être enfin connaître la vérité sur le double meurtre de Montigny les Metz. 27 ans d'errements judiciaires imputables à différents facteurs, parmi lesquels, "les êtres faillibles" comme l'a souligné le président Steffanus à Metz.

1 - L’erreur judiciaire Patrick Dils

"Au nom de la cour, je tiens à dire combien était immense l’erreur judiciaire qui a frappé Patrick Dils", a tenu à souligner le président de la cour d’assises de Moselle, après la lecture de son arrêt. Patrick Dils avait été condamné dans cette même salle en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité. Un élément nouveau, la présence du tueur en série, Francis Heaulme à Montigny-lès-Metz, avait permis la révision du procès. Mais, à Reims, il est de nouveau condamné à 25 ans de réclusion avant d’être acquitté, à Lyon en 2002. Le témoignage de deux pêcheurs, la concordance des horaires à nouveau établie, avaient finalement permis de déclarer l’innocence de Patrick Dils.

Pourtant, François-Louis Coste, l'ancien avocat général du procès de 2002, ne peut que souligner les faux aveux, pourtant circonstanciés de Patrick Dils. Avant de se rétracter, le jeune homme de l'époque avait fait des descriptions plutôt sordides des meurtres :"le bruit que cela faisait [en frappant la tête], c’était comme le bruit d'un melon qu'on écrase". "Je lui en ai voulu d’avoir cette comparaison sordide", affirme toujours l'ancien magistrat.

2- Les querelles de voisinage

Nous sommes dans une petite ville, toute proche de Metz. Les habitants se connaissent bien. Ginette Beckrich a fait le ménage chez les Leclaire. Leurs enfants jouent ensemble. Et puis il y a les querelles entre voisins. C’est le cas entre Ginette Beckrich et les époux Dils. Si, ces circonstances n’expliquent pas tout, elles donnent néanmoins une indication sur l’ambiance et les conditions dans lesquelles s'est déroulée l’enquête. L’enquêteur principal, Varlet, était visiblement proche de la famille Beckrich. L’univers de Montigny-lès-Metz est un monde étroit, entrecoupé de rumeurs, de ressentiments et d’animosité. Dans son enquête, Varlet rapporte les querelles de voisinage, presque comme un élément de preuve.

3 - La disparition des scellés

Lorsqu’en 1989, Patrick Dils est condamné, les différents recours épuisés ; certains scellés sont légalement détruits. D’autres, en revanche, ont littéralement disparu. Ainsi les pierres ont été détruites en 1995, soit 6 ans après la condamnation de Patrick Dils sur autorisation du parquet de Metz. Le wagon de la SNCF où une trace de sang a été constatée, comme une trace d'essuyage, a tout simplement disparu, tout comme les excréments organiques n'ont pas pu être retrouvés dans la chambre froide où ils devaient se trouver. Ces éléments auraient pu fournir un ADN exploitable et permettre d'en identifier, peut-être, ses auteurs.

4 - Le temps, l'ennemi de l'affaire

"Mon pire ennemi c’est le temps", a affirmé Me Rondu, suite aux réquisitions de l’AG sur le renvoi du procès. Cela fait a présent 27 ans que le double meurtre de Montigny-lès-Metz s'est produit. Les familles sont usées : Jean-Claude Beining, à la sortie de l'audience ce mardi après-midi a eu cette allusion, douloureuse : " J’espère qu’on connaitra la vérité un jour, mais serai-je encore là pour la connaître ?".

La mémoire des témoins peut devenir défaillantes, certains sont même décédés. La nouvelle procédure engagée par la justice va prendre du temps. Le prochain procès ne devrait pas avoir lieu avant fin 2015.

5 - Henri Leclaire, le troisième homme

L'étau se resserre sur cet homme désormais âgé de 66 ans. Il n'est pas un inconnu dans ce dossier. A l'époque, à 38 ans, cet habitant de Montigny-lès-Metz est placé en garde à vue suite à une dénonciation de Ginette Beckrich. Il passe aux aveux, puis se rétracte. Les gendarmes le conduisent jusqu'au talus, qui ne peut grimper du fait de sa corpulence. L'homme est relâché. Francis Heaulme citera à nouveau ce nom, Henri leclaire, lors de la nouvelle instruction conduite dès 2002, suite à l'acquittement de Dils. Mais, visiblement, il s'agissait d'un homonyme, un Henri Leclerc que le tueur en série aurait rencontré à la communauté d'Emmaüs à Brest. Les deux hommes disent ne pas se connaitre.

Pourtant, le dossier rattrape Henri Leclaire, par deux témoignages seulement connus il y a quatre jours. Marie-Christine Blintauer, qui travaille aux côtés de son avocat d'époux affirme avoir reçu les confidences d'Henri Leclaire, il y a 2 ans. Venu lui apporter ses courses à son domicile, il décide de parler et affirme avoir corrigé les deux enfants "mais je ne les ai pas tués", déclare-t-il, comme un leitmotiv à la cour. Un ancien cheminot apporte également un nouveau témoignage, déclarant avoir vu un homme correspondant au profil de Leclaire, "courir avec un tee-shirt blanc et rouge, comme du sang" le long de la voie ferrée". Le procès est donc renvoyé. Le temps s'étire, encore, de deux nouvelles années. Les deux familles des petites victimes devront encore attendre une réponse légale concernant l'auteur du crime.

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