Grenoble
Morgane Jacob

Grenoble : le procès de la supposée “veuve noire” a débuté

Le procès de Manuela Gonzalez a débuté ce matin à la cour d’assises de Grenoble. Elle comparaît pour assassinat et tentative d’assassinat sur son mari, Daniel Cano. L’audience durera toute la semaine, le verdict devrait être prononcé vendredi.

Les faits remontent à l'automne 2008. Dans la nuit du 31 octobre, le corps de son mari, Daniel Cano, est retrouvé calciné dans sa voiture, à Villard-Bonnot, en Isère. Manuela Gonzalez oriente les gendarmes vers la piste du suicide. Son mari était très affecté par la disparition récente de sa mère, explique-t-elle. Mais sa version des faits ne coïncide pas avec celle de Nicolas, le fils de Daniel Cano. Selon le jeune homme, son père n'avait aucune tendance suicidaire. La quinquagénaire devient alors la suspecte numéro 1. L'autopsie de l'homme met en exergue des éléments troublants : du Temesta, un anxiolytique, est retrouvé dans son organisme. Or ce médicament était prescrit à Manuela, qui souffrait de dépression depuis quelques années.

Les événements ayant précédé la mort de Daniel Cano ne jouent pas non plus en la faveur de l'accusée. Un mois auparavant, le 28 septembre 2008, un incendie s'était déclaré dans la chambre de son mari. Il dormait seul dans la pièce, alors que sa femme était en bas dans la cuisine. Daniel Cano est sauvé in extremis par les pompiers, appelés par Manuela Gonzalez. Faute d'éléments à charge après la mort de Daniel Cano, c'est seulement en 2010 que Manuela Gonzalez est mise en examen et incarcérée pour assassinat et tentative d'assassinat.

Un passé sentimental troublant

Mais son procès est aussi indirectement marqué par son passé amoureux, pour le moins tumultueux. Trois de ses précédents compagnons sont décédés et deux ont frôlé la mort. En 1983, son premier mari, Gilbert Martoia, sombre dans le coma après avoir avalé des anxiolytiques. Il se réveillera trois mois plus tard et les deux époux divorceront rapidement. En 1985, Manuela Gonzalez débute une histoire d'amour avec Michel Garcia, bijoutier de son état. Lui aussi tombe dans le coma, après avoir signé un chèque de 80 000 francs, sans ordre. L'accusée encaisse l'argent et sera condamnée pour vol aggravé à deux ans de prison avec sursis. Un an plus tard, elle refait sa vie avec François Collazo. Ce dernier meurt asphyxié par les gaz d'échappement de sa voiture, après avoir absorbé des médicaments. Les gendarmes concluront au suicide. Puis, Manuela Gonzalez refait sa vie avec Thierry Le Chevalier, avec qui elle monte une auto-école. Le 6 avril 1991, il est lui aussi retrouvé mort, asphyxié dans un cagibi après un incendie déclaré dans leur maison. Une nouvelle fois, des traces d'anxiolytiques sont retrouvées dans son organisme. Une enquête est alors ouverte contre Manuela Gonzalez. Mais cette dernière fera finalement l'objet d'un non-lieu.

Première matinée de son procès

Ces histoires troublantes rejaillissent aujourd'hui et planeront sur le procès tout au long de la semaine. Quatre ans après la mort de Daniel Cano, Manuela Gonzalez entre dans le box des accusés. Elle croise le regard de son avocat, Me Gallo, et lève les yeux au ciel. Elle sait que la partie ne fait que commencer. Cheveux longs et noirs, foulard fuchsia, chemisier blanc, elle fixe chaque juré populaire composant la cour. L'audience prend du retard, du fait des différentes conclusions déposées par Me Gallo. Ce dernier réfute d'ailleurs immédiatement le surnom de “veuve noire” noire donné à sa cliente. Il ne veut pas que l'accusée soit jugée "comme un personnage médiatique".

Le procès débute réellement vers 11 heures. Manuela Gonzalez déclare brièvement : "Je conteste les faits, je suis innocente et on sera là pour le démontrer." Elle semble maîtriser chaque mot qu'elle prononce. Un expert lit la première enquête de personnalité, réalisée en 2010. Le compte rendu dessine d'abord le portrait d'une femme solide, dont le discours est souvent "lisse et vide d'affect". Manuela réfute immédiatement d'un signe de la tête. L'expert raconte ensuite son passé : issue d'une famille de huit enfants, Manuela Gonzalez a eu une enfance modeste mais très heureuse. Ses parents l'ont élevée autour des valeurs du travail.

L'enquête de personnalité met aussi en avant son goût de l'argent, sa passion du jeu devenue une addiction. Certaines déclarations laissent supposer un lien entre les disparitions de ses compagnons et ses problèmes financiers. Mais Manuela Gonzalez reste figée. Elle baisse parfois la tête pour prendre quelques notes, mais son regard fixe l'expert. Elle sait que tout ce qui est dit aujourd'hui pourrait être à charge contre elle, influencer les jurés. Elle se prépare à les orienter ailleurs. Vers sa propre vérité.

“Si c’était à refaire, je resterais seule avec ma fille”

L'expert évoque sa vie sentimentale. Une liste d'hommes. Une énumération qui ne semble pas gêner la principale concernée. Son passé amoureux tumultueux est dévoilé publiquement. Ce sont ces conquêtes qui, aujourd'hui, ont conduit Manuela Gonzalez sur le banc des accusés. Son visage reste stoïque, pourtant elle aurait déclaré durant cette enquête : "Si c'était à refaire, je resterais seule avec ma fille, la malédiction ne m'aurait pas suivie."

Au cours de cette enquête de personnalité, ses proches l'ont décrite à l'unanimité comme une personne généreuse, travailleuse et disponible. À en croire ces témoignages, Manuela Gonzalez est une femme ordinaire, au destin sentimental malchanceux. Seul Gilbert Martoia, son premier mari, l'a qualifiée de fausse et superficielle.

Manuela Gonzalez prend ensuite la parole pour répondre à cette enquête de personnalité. L'accusée ne laisse entrevoir aucune émotion. Elle semble sûre d'elle, presque agressive. On la qualifie de "mystérieuse", mais elle rétorque, véhémente, qu'elle n'a "pas de secret et répond aux questions qu'on [lui] pose". L'accusée prend également le temps de notifier des erreurs faites dans l'enquête de personnalité. Elle s'attarde sur des détails – "Mes parents n'ont jamais été propriétaires". Une liste exhaustive, presque sans importance, pour prouver qu'elle, elle sait de quoi elle parle. Une manière de rallier les jurés à sa cause. Et, peut-être, les convaincre de l'innocence qu'elle clame depuis quatre ans maintenant.

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