Explosion du cours Lafayette : le procès débute ce lundi

Six ans après la mort d’un pompier à Lyon, la société Roche, sous-traitante de Veolia, GRDF, la société Gauthez et son donneur d’ordre, GDF Suez, devront s’expliquer devant la justice pour divers manquements et négligences.

C'est un procès fleuve qui s'ouvre devant le tribunal correctionnel de Lyon ce lundi 27 janvier. Trois semaines de débats pour faire la lumière sur l'implication respective et les manquements présumés des entreprises de bâtiment Roche et Gauthey, et de leurs donneurs d'ordre Veolia et GDF Suez, ainsi que celle de GRDF.

Technique à l’aveugle

L'entreprise Roche, sous-traitante de Veolia, est poursuivie pour avoir provoqué l'arrachage d'une canalisation de gaz, dans le cadre de travaux de réfection des conduites d'eau, sous la chaussée, devant les immeubles 117-119 cours Lafayette (Lyon 6e).

Le 28 février 2008, mal renseignés sur le plan des canalisations de gaz installées sous la chaussée, et en présence d'un résidu de canalisation en béton n'apparaissant sur aucun plan, ses employés ont utilisé la "technique à l'aveugle", c'est-à-dire sans réaliser de sondages ou de tranchée préalables, afin de raccorder un tuyau d'eau au réseau existant. Résultat, ils ont arraché "le pied du détenteur de gaz et le bouchon de protection d'une dérivation de canalisation de gaz", provoquant la formation d'une poche de gaz qui s'est accumulée sous l'immeuble.

Stéphane Abbès

Le gaz s'est échappé de 11h30, heure de l'arrachage, à 12h15, heure de l'explosion. Le souffle, d'une violence rare, a entraîné la mort d'un pompier, "écrasé par l'effondrement d'un plancher [une dalle en béton, ndlr]". Stéphane Abbès était alors en reconnaissance au 117 cours Lafayette, il est décédé à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon à 14h, des suites de ses blessures. L'explosion a aussi provoqué les blessures d'une soixantaine de personnes, des pompiers, des employés de GRDF, des habitants, des passants.

De nombreux appartements ont été détruits ou sérieusement endommagés, ainsi que des commerces adjacents. "Le rez-de-chaussée des immeubles 117-119 était dévasté, les vitres des fenêtres des immeubles avoisinants étaient soufflées, la rue Lafayette était jonchée de débris", précise l'ordonnance de renvoi. Les témoins auditionnés par la police parlent d'un "nuage gazeux", puis d'une "grande flamme qui sortait de terre (…)". Les techniciens évoquent "une torchère de plusieurs mètres de haut [qui] fusait du trappon de gaz situé sur le trottoir au droit du 119". Celle-ci ne s'est éteinte que vers 14h, après que GDF a fermé plusieurs vannes sur le réseau de gaz. La procédure de fermeture des vannes n'a été lancée qu'après 13h.

Négligences

De l'information judiciaire, il ressort que "les causes de l'accident, puis de l'explosion sont multiples (...) Diverses négligences de la part des sociétés intervenantes sur le chantier et sur la gestion de la fuite de gaz ont été relevées." La société Veolia notamment "n'a pas respecté l'obligation (...) pour le maître d'ouvrage de faire une demande de renseignements préalablement à tous travaux". Elle aurait dû mieux se renseigner au préalable sur les plans des canalisations souterraines. Plans qui, au demeurant, n'étaient pas actualisés puisqu'ils ne faisaient pas apparaître les modifications dues à l'intervention de la précédente société de travaux publics, la société Gauthez, qui doit elle aussi rendre des comptes aujourd'hui devant la justice, ainsi que son donneur d'ordre GDF-Suez.

En la matière, un rapport de la DRIRE Rhône-Alpes commandé suite à l'accident a montré qu'il n'existait "aucun document" au moment du chantier qui "donne précisément la localisation et les caractéristiques des ouvrages avant travaux", sans pour autant pouvoir en attribuer la responsabilité ni à GRDF "en l'état actuel de la réglementation", ni à la société Roche, ni à la société Gauthey. Seule l'absence de sondage préalable au chantier peut être véritablement reprochée à la société Roche.

10 ans d’emprisonnement

Néanmoins, à partir de lundi, pas moins de 146 parties civiles, dont le père de Stéphane Abbes, défendu par Gilbert Collard et sa compagne, Delphine Peteski, attendent de la justice qu'elle analyse les responsabilités respectives des sociétés poursuivies pour homicide involontaire et blessures involontaires. Veolia, GRDF et GDF Suez sont également poursuivis pour dégradations involontaires par incendie ou explosion.

Les conséquences pénales peuvent être importantes puisque des peines de 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pourraient être requises en fonction des responsabilités que le tribunal devra identifier.

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