André Bamberski : “J’ai paniqué, j’ai perdu la tête”

André Bamberski est jugé par le tribunal correctionnel de Mulhouse au sujet de l’enlèvement du docteur Krombach, transporté d’Allemagne en France par trois individus. Le cœur des débats, ce jeudi, était de savoir si le père de la jeune Kalinka avait bien commandité l’enlèvement de son ennemi de toujours.

Le dernier combat juridique d’André Bamberski a eu pour scène le tribunal de Mulhouse, ce jeudi. Il connaît par cœur son dossier : pendant 32 ans il a souhaité que le responsable de la mort de sa fille âgée de 14 ans réponde à la justice, soit condamné et emprisonné. À 74 ans, les cheveux ont blanchi, les épaules se sont un peu affaissées, mais l’œil reste alerte.

“Il faut que je transporte Krombach”

Condamné par contumace par la cour d’assises de Paris en 1995, le docteur Krombach fait l’objet d’un mandat d’arrêt international en 1997. Dès lors, il est sous observation constante de Bamberski. Le père de Kalinka "savait où il habitait" : "Je le suivais", confirme-t-il à la présidente. Poursuivant : "Et, en 2009, j’ai appris qu’il allait déménager, une septième fois, et il partait en Afrique noire, au Rwanda." Comme une fatalité, André Bamberski prend une décision, ce 13 septembre 2009, lors d’un énième voyage en Allemagne : "Il faut que je transporte Krombach d’Allemagne en France. Je ne me sentais pas capable de le faire." D’une voix presque monocorde, sachant le poids de chacun de ses mots, il avoue : "J’ai paniqué, j'ai perdu la tête…" Et donne, selon lui, son accord à une proposition.

Anton K, l’organisateur de l’enlèvement

La proposition en question est faite par un Kosovar, un certain Anton K. L’homme, 43 ans, a un look de hard-rockeur des années 1980. La rencontre se fait dans un bar. "Je voulais voir cet homme qui avait tant souffert depuis de nombreuses années", affirme le Kosovar, qui connaît très bien l’affaire et y a été sensible. Il lui demande : "Veux-tu que j’amène Krombach en France ?" "Oui", répond Bamberski. Tout s’enchaîne, finalement rapidement. Anton K lui-même organise l’enlèvement : "Je ne vous donnerai aucun renseignement, je m’occupe de tout."

Dans la nuit du 17 au 18 octobre 2009, Krombach est enlevé par trois hommes. Dans le box des prévenus, il en manque un, que l’instruction n’a pas pu reconnaître. Durant cette nuit, neuf appels téléphoniques se font entre Anton K, Bamberski et la journaliste autrichienne qui a fait le lien entre le Kosovar et le Français. Celle-ci a rédigé de nombreux articles sur l’affaire Kalinka et Anton K est son beau-frère.

“Je n’ai pas commandité, je n’ai pas payé”

Visiblement, le Kosovar n’a été guidé que par des bons sentiments, sa sensibilité à l’affaire, et non par l'appât du gain. "Si c’était à refaire, je le referais", dit-il, en parlant moitié allemand moitié français, aidé par une interprète. Pourtant, 20 000 euros sont découverts chez André Bamberski. Devant le tribunal, celui-ci réaffirme que cette somme était destinée à défrayer le "transport". "Je n’ai rien commandité, ce terme est une invention des médias", affirme le père de Kalinka. "Commanditer, selon la loi, c’est payer. Or, je n’ai pas payé", ajoute l’homme qui, en trente ans de confrontations judiciaires, connaît les termes juridiques mieux que certains hommes de loi… Dans ses propos, il est extrêmement précis, à la seconde près lorsqu’il parle d’un horaire par exemple.

Les prévenus encourent jusqu’à 5 ans de prison. Mais cet enlèvement-là est entièrement lié à une affaire, douloureuse, celle d’un père qui a perdu sa fille et s’est battu pour rendre justice. Il a "apporté" le docteur Krombach aux magistrats pour qu’il soit jugé en France. Il a obtenu gain de cause. Et ce jeudi, alors qu’il notait, comme à son habitude, consciencieusement, toutes les déclarations faites durant l’audience, André Bamberski n’a pas semblé craindre la justice.

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