Vincent Carry : "La qualité d'un festival ne se juge pas au kilo"

A 37 ans, le coordinateur général de Nuits Sonores s'est fait remarquer pendant 10 ans dans différents clubs et magasins de disques électro de l'agglo avant de créer en 1994, Man-Machine, une agence de Djs. Connu des lecteurs de Lyon Poche pour ses papiers ciné, il planche en parallèle sur le projet Nuits Sonores avant de rendre sa copie à la Mairie en 2002. Aujourd'hui, Vincent Carry est devenu l'une des figures emblématiques de l'événement. En bonus vidéo : l'ITW d'Agoria et un reportage sur les Siestes Sonores 2008

Lyon Capitale : Après 6 éditions, le festival a-t-il toujours des détracteurs ?
Dans ses années écoulées, je peux le dire de manière formelle, les gens qui ont été critiques vis-à-vis du festival nous ont fait progresser. Parce que parfois les critiques sont constructives, parce que parfois on a eu envie de leur montrer qu'ils se trompaient. On est toujours ouvert à la critique, on est toujours ouverts aux propositions.

Ceux qui n'aiment pas, vous finissez souvent pas les intégrer...
On arrive à fédérer. On essaie de faire travailler les gens ensemble, de se rassembler. Je trouve ça essentiel de faire participer les acteurs locaux de près ou de loin au festival. Ça a toujours été une volonté même si ça ne c'est pas vu au départ. Il a fallu un certain temps pour que les gens comprennent que c'était vraiment notre état d'esprit. C'est essentiel ! Si on oublie ça, on sera à côté de la plaque. On deviendra ce que moi j'appelle un festival cultivé hors sol.

Et alors ça, c'est pas top ?
C'est ce que je reproche aux gros festivals qui se créent en ce moment partout en Europe. Ce sont des marques de limonades, de bières, des fonds de pension américains qui arrivent et décident de mettre 15 millions d'euros dans une prog de malade mental. Mais au final, ils ont les mêmes affiches que le voisin belge, espagnol, néerlandais... Il n'y a aucun intérêt, c'est exactement l'inverse que l'on recherche.

Un peu moins de 50 000 spectateurs lors de la dernière édition, vous en attendez autant cette année. Où se situe vos ambitions ?
La qualité d'un festival ne se juge pas au kilo. Les meilleurs festivals d'Europe ne sont pas les plus gros. On a une volonté et une contrainte, c'est d'être un festival urbain. On ne veut pas aller dans des parcs d'exposition à 20 km du centre, ni au stade de Gerland, ni dans une prairie de 30 hectares. On souhaite être dans Lyon. Que les gens puissent passer d'une salle de concerts à un bar en terrasse, d'une expo à un ciné, d'un projet Extra ! à la soirée principale avec une certaine fluidité en navette TCL, à vélo ou à pied. Qu'on soit vraiment dans un processus de mobilité urbaine.

Ce n'est donc pas une finalité d'être numéro un sur le territoire ?
On est entre deux types de festivals. Les petits très qualitatifs, mais qui ont relativement peu de notoriété. Et les grosses machines avec d'énormes moyens de communication, mais qui n'ont, à mon sens, plus beaucoup d'âme. Nous, on a ni les moyens, ni le désir d'enfiler les têtes d'affiche. On ne joue pas dans la même cour et on n'a pas envie d'y jouer. On désire garder nos spécificités : un bon festival, ultra convivial, urbain et respectueux des spectateurs au niveau de la programmation avec un esprit, celui d'Arty Farty. Je préfère 1000 fois travailler à cet esprit, plutôt que devenir le plus grand festival du monde. Je préfère qu'on soit le meilleur que le plus gros.

Qu'est ce qui manque aujourd'hui pour devenir le meilleur ?
Il faut qu'on arrive à trouver le lieu principal dans lequel on va pouvoir stabiliser le festival, pas ad vitam aeternam mais peut-être pour deux ou trois ans. L'exploration urbaine, le fait d'investir des lieux délirants, on le fera pour la carte blanche, pour l'inauguration, pour les Siestes Sonores... Pour le lieu principal, il faut trouver un espace qui nous convienne à la fois visuellement, esthétiquement et techniquement, pour que l'on puisse avoir nos trois scènes, nos installations, le public dont on a besoin et que l'on puisse travailler ça dans la durée.

Pérenniser le festival, ça passe aussi par une résidence à l'ELAC qui fonctionnerait tout au long de l'année comme un club ?
On a tous collectivement envie de créer un lieu. Mais c'est compliqué. Il ne s'agit pas d'ouvrir une salle ou un club de plus. Il faut aussi qu'on soit prêt à le faire vivre. Il faut une équipe, un projet artistique intéressant, un concept qui soit proche de nous, qu'on a envie de défendre et qui apporte aussi quelque chose à la ville. Personne ne peut dire qu'il y a trop de lieu de concerts ou trop de clubs à Lyon. Je ne pense pas qu'on soit les seuls légitimes pour avoir la volonté d'ouvrir des lieux et j'espère qu'il y aura d'autres équipes qui auront cette envie d'en créer. Il y a de la place à Lyon, il y a une demande énorme.

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